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Communication / Elus - Publier un bilan de mandat est légal, mais à condition de l'intégrer au compte de campagne

Après avoir traité - et éliminé - les recours injustifiés, notamment pour manque d'intérêt à agir ou absence d'éléments probants, et rendu une première série de décisions (voir notre article ci-dessous du 5 décembre 2017), le Conseil constitutionnel vient de rendre 25 nouvelles décisions de fond sur des recours relatifs aux élections législatives des 11 et 18 juin 2017. Il s'agit en l'occurrence de saisines de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, après rejet par cette dernière des comptes des candidats, qu'ils aient ou non été élus. Dans ce cas de figure, le Conseil constitutionnel est appelé à confirmer la position de la Commission - ce qu'il fait dans la quasi totalité des cas -, mais aussi à prononcer une éventuelle inéligibilité temporaire des candidats concernés. Dans le cas où celle-ci concerne un député élu, elle entraîne de facto l'annulation de l'élection.

Un bilan de gestion d'un mandat n'est pas une "promotion publicitaire"

Si le Conseil ne prononce aucune annulation, deux de ces vingt-cinq décisions, rendues le 4 mai, concernent néanmoins des candidats élus. Et l'une d'entre elles (n°2018-5532 AN, 1ère circonscription du Tarn) est directement liée à des questions de communication.
En l'espèce, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques avait rejeté le compte de campagne de Philippe Folliot, député (LaREM) du Tarn, pour n'y avoir pas intégré des dépenses afférentes à la publication de deux numéros du "Bulletin d'information du député de la 1ère circonscription du Tarn" consacrés au bilan du précédent mandat du candidat (Philippe Folliot était député sortant UDI).
Dans sa décision, le Conseil confirme la position de la Commission nationale des comptes de campagne. En l'occurrence, ce n'est pas la publication d'un bilan du mandat qui est condamnable. En effet, si l'article L.52-1 du Code électoral prévoit qu'"aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin", ce même article précise aussi que "cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus". En revanche, le candidat aurait dû intégrer à son compte de campagne les dépenses correspondantes "représentant, pour une part, le caractère de propagande électorale".
Cependant, le Conseil constitutionnel ne prononce pas l'inéligibilité de Philippe Folliot - validant du même coup son élection -, en considérant que la réintégration des sommes en cause dans le compte de campagne de l'intéressé fait apparaître un total de dépenses inférieur au plafond des dépenses autorisées et qu'il n'apparaît pas, en outre, que "le manquement imputé à M. Folliot soit d'une particulière gravité ou revête un caractère délibéré".

La non présentation des comptes par un expert-comptable vaut rejet

Les 24 autres décisions rendues le 4 mai ne concernent pas des dépenses de communication, mais sont également liées au rejet des comptes des candidats par la Commission nationale des comptes de campagne. Les raisons de ces rejets tiennent, dans la quasi totalité des cas, au fait que les comptes de campagne concernés n'ont pas été présentés par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés. Quelques décisions correspondent à des cas de non présentation pure et simple des comptes de campagne ou à la présentation d'un compte de campagne en déficit (le compte devant être présenté en équilibre ou en excédent).
Dans le cas du second député concerné par cette série de décisions - Patrice Anato, député (LaREM) de Seine-Saint-Denis - le Conseil constitutionnel donne également raison à la Commission nationale des comptes de campagne, qui avait rejeté le compte de campagne du nouveau député pour non présentation des comptes par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés (n°2018-5614 AN, 3e circonscription de Seine-Saint-Denis).
En ne prononçant pas d'inéligibilité, le Conseil constitutionnel valide néanmoins l'élection de Patrice Anato. Dans sa décision, le Conseil considère en effet que le candidat élu "a fourni à la Commission l'ensemble des pièces justificatives permettant à celle-ci de contrôler la nature des dépenses exposées et l'origine des recettes perçues. Le compte qu'il a déposé le 22 mars 2018 devant le Conseil constitutionnel est présenté en équilibre par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés".

Petits candidats : une application très stricte du Code électoral

Les 23 autres décisions du 4 mai 2018 débouchent toutes sur le prononcé d'une inéligibilité d'une durée de un à trois ans. On notera au passage que le Conseil constitutionnel applique le Code électoral de façon quasi mécanique dès lors qu'il s'agit de candidats non élus. Par exemple (n°5352 AN, 4e circonscription du Bas-Rhin), un candidat est déclaré inéligible pour un an pour n'avoir pas fait déposer son compte de campagne par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés, mais aussi pour avoir "engagé une somme de 400 euros correspondant à l'impression de documents à finalité électorale, sans inscrire dans son compte de campagne la dépense ainsi exposée, en méconnaissance des dispositions de l'article L.52-12 du code électoral". La décision précise pourtant que le candidat "n'a engagé aucune autre dépense, ni perçu de recettes, conformément à l'attestation produite par son mandataire"...
Près d'un an après les législatives, le Conseil constitutionnel est encore loin d'avoir rendu toutes ses décisions. Si les 299 contentieux relatifs à des recours déposés contestant l'élection de députés ont tous été traités (à une exception près concernant Wallis et Futuna), il n'en va pas de même pour ceux résultant d'une saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Sur les 351 dossiers transmis pour rejet des comptes de campagnes, seuls 39 ont en effet été traités à ce jour.

Références : Conseil constitutionnel, 25 décisions AN du 4 mai 2018 (Journal officiel du 8 mai 2018).