Communication / Economie - Protection du nom des collectivités : la procédure d'alerte, ça marche
La commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a adopté un rapport d'information sur la mise en application de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, présenté par Damien Abad, député (Les Républicains) de l'Ain, et Philippe Kemel, député (PS) du Pas-de-Calais. Parmi les nombreuses dispositions de la loi relative à la consommation, les rapporteurs se penchent notamment sur les résultats de la procédure d'alerte mise en place pour aider les collectivités à prévenir une utilisation abusive de leur nom et sur la mise en œuvre des indications géographiques protégeant les produits industriels et artisanaux.
336 collectivités inscrites au dispositif d'alerte
L'article 73 de la loi Consommation a en effet ouvert la possibilité, pour les collectivités territoriales et les titulaires d'une indication géographique, de former opposition à l'enregistrement d'une marque qui porterait atteinte à leurs droits. Jusqu'alors, cette procédure n'était accessible qu'aux titulaires de marques antérieures.
Pour concrétiser ce nouveau droit, l'article 73 prévoit que "toute collectivité territoriale ou tout établissement public de coopération intercommunale peut demander à l'Institut national de la propriété industrielle d'être alerté(e) en cas de dépôt d'une demande d'enregistrement d'une marque contenant sa dénomination, dans des conditions fixées par décret". Un décret du 15 juin 2015 a effectivement précisé les modalités de fonctionnement de ce dispositif.
A ce jour, 336 collectivités sont inscrites au dispositif d'alerte automatisé en cas de demande d'enregistrement d'une marque comportant leur nom. Chaque semaine, l'INPI adresse ainsi une cinquantaine d'alertes précisant le nom des marques concernées, leur numéro, le nom de la personne qui les a déposées, ainsi qu'un lien vers la base de données publiques de l'INPI, offrant une information plus complète sur chaque marque.
Depuis la mise en place du dispositif, dix procédures d'opposition ont été engagées par des collectivités territoriales à l'encontre de demandes de marques. Elles ont toutes été acceptées par l'INPI, qui a fait droit aux demandes des collectivités en refusant les demandes de dépôts de marques mises en cause.
IGP artisanales : 50 dossiers en cours de préparation
Le bilan de la loi de 2014 apparaît plus mitigé sur les indications géographiques protégeant les produits industriels et artisanaux, créées également par l'article 73. Un décret du 2 juin 2015 est venu préciser la mise en place de ce dispositif. Depuis lors, seules trois demandes d'homologation d'indications géographiques ont été déposées. La première concerne les sièges fabriqués à Liffol-le-Grand (Vosges), "territoire qui possède un savoir-faire traditionnel de réalisation de sièges en bois". Les deux autres portent sur la dénomination "savon de Marseille". Compte tenu de la lourdeur de la procédure (dont une notification à la Commission européenne), ces deux dernières n'ont pas encore abouti.
Les rapporteurs restent toutefois optimistes et rappellent qu'"une cinquantaine de dossiers sont en cours de rédaction, regroupant chacun entre deux et cent entreprises, ce qui représente d'ores et déjà un succès certain eu égard à la complexité de l'exercice de la rédaction du cahier des charges". Parmi ces dossiers en cours de préparation figurent notamment deux cas biens connus, qui ont déjà donné lieu à de nombreuses batailles juridiques et sont à l'origine du dispositif instauré par la loi de 2014 : les couteaux de Laguiole (voir notre encadré) et ceux de la ville de Thiers, qui pourraient être couverts par une indication géographique "Aubrac-Auvergne".
Jean-Noël Escudié / PCA
Références : Assemblée nationale, rapport d'information fait au nom de la commission des affaires économiques sur la mise en application de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation.
La commune de Laguiole remporte une manche en Cassation
La commune de Laguiole (Aveyron), qui demandait à la justice de retrouver l'usage de son nom, a remporté une manche : la Cour de cassation a partiellement cassé une décision favorable à un entrepreneur propriétaire des marques "Laguiole", apposées sur des couteaux importés.
La plus haute juridiction de l'ordre judiciaire a en effet cassé un arrêt de la cour d'appel de Paris d'avril 2014 qui estimait que "le couteau Laguiole est un nom de couteau entré dans le langage courant sans lien direct évident avec la demanderesse (la commune, NDLR), celle-ci demeurant peu connue contrairement à ce qu'elle prétend". Relevant que selon un sondage 47% des Français associaient le nom de la commune aux couteaux et fromages, la Cour de cassation a au contraire estimé qu'il existait un risque d'"induire en erreur le consommateur moyen en lui faisant croire que ces produits étaient originaires de ladite commune", dans une décision rendue le 4 octobre.
L'affaire a été renvoyée devant la cour d'appel de Paris "autrement constituée". La date de ce nouveau procès n'a pas été fixée. "On y croit !", s'est exclamé le maire de Laguiole Vincent Alazard. "La commune est reconnue dans son combat au nom de l'économie d'un territoire", a-t-il déclaré à l'AFP, se disant "soulagé et rassuré par cette bonne décision" qui relance tous ses espoirs et montre que Laguiole et ses administrés avaient "raison de défendre leur nom".
Dans un communiqué, la commune de Laguiole dénonce "une spoliation" du nom de son village, une pratique commerciale "trompeuse" et "une atteinte à son nom, à son image et à sa renommée".
AFP