Intercommunalité - Proposition de loi Pélissard : des assouplissements attendus
Faute d'accord entre l'Etat et les élus locaux, la carte intercommunale n'a pas été arrêtée dans 33 départements, à la date du 31 décembre 2011. La proposition de loi déposée par Jacques Pélissard, député-maire de Lons-le-Saunier et président de l'Association des maires de France (AMF), vise à répondre aux problèmes que cette situation pose. Au terme de son examen par les députés, le 9 février, le texte prévoit que dans les 33 départements concernés, le préfet pourra prendre avant le 31 décembre 2012 les arrêtés définissant les périmètres des intercommunalités à fiscalité propre et des syndicats de communes. Et cela après avoir saisi la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI), qui aura trois mois pour se prononcer à la majorité qualifiée de ses membres (deux tiers des membres élus de la commission).
Là où les schémas n'avaient pas été adoptés fin 2011, les CDCI vont donc retrouver le pouvoir d'amendement dont elles sont aujourd'hui privées en vertu de l'application de la loi de réforme des collectivités du 16 décembre 2010. L'impossibilité pour les CDCI concernées de se prononcer sur les projets de périmètres inquiétait les associations d'élus locaux, malgré les déclarations du gouvernement qui avait assuré, à plusieurs reprises, que la concertation se poursuivrait.
La mesure préservant le rôle de la CDCI s’appliquera dès "l'adoption" de la loi, a précisé le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant. Elle ne sera donc pas rétroactive au 1er janvier 2012, comme le souhaitait Martial Saddier, député de Haute-Savoie. D'après l'entourage du député, la Haute-Savoie est le seul des 33 départements dépourvus de schéma où le préfet ait, depuis le début de l'année, créé des communautés par arrêté. Si la proposition de loi reste en l'état, les quatre arrêtés ainsi pris par le préfet de Haute-Savoie ne passeront donc pas devant la CDCI. L'affaire fait grand bruit dans le département, où le rapporteur et le premier assesseur de la CDCI ont démissionné de leurs fonctions.
Aucun mandat interrompu d'ici 2014
La proposition de loi répond également à deux fortes attentes exprimées par les associations d'élus locaux. Premièrement, il s'agit de la possibilité de créer des syndicats de communes pour la construction et la gestion des écoles, la gestion des crèches et l'action sociale. Ces compétences pourront de cette manière être préservées, par exemple sur le territoire de petites communautés appelées à fusionner avec des communautés de plus grande taille qui ne les exercent pas. Les associations d'élus locaux demandaient aussi que la composition du conseil communautaire et du bureau ne soit pas modifiée en cas de transformation ou de fusion des communautés. Sur ce point-là, elles ont également été entendues. L'une et l'autre des deux demandes n'ont toutefois pu être satisfaites que grâce à des amendements du gouvernement. Seul celui-ci avait en effet la possibilité de créer les dispositions correspondantes dans la proposition de loi. En effet, toute initiative parlementaire était vouée à l'échec, ces mesures créant des charges financières.
A l'appel du rapporteur et du gouvernement, les députés ont privilégié un "texte ramassé et consensuel" afin de tenter d'obtenir un vote conforme du Sénat, qui permettrait une adoption certaine avant la fin de la législature. Tout en limitant l'adoption de nouveaux amendements, ils ont repris plusieurs dispositions qui figurent dans la proposition de loi Sueur sur l'intercommunalité que le Sénat a adopté le 4 novembre dernier. La proposition de loi avance ainsi de 2017 à 2014-2015 le déclenchement de la procédure de révision de la carte intercommunale. Par la suite, le schéma sera révisé tous les six ans au moins. La CDCI aura la faculté, à tout moment, de décider de la révision du schéma par une résolution adoptée à la majorité des deux tiers de ses membres.
"Exercice territorialisé" des compétences
Autre évolution à souligner : les EPCI issus d'une fusion auront deux ans pour déterminer les compétences facultatives qu'elles restitueront aux communes, en sachant que cette restitution pourra être partielle, c'est-à-dire ne concerner qu'une partie des communes. L'ADCF note à ce sujet que la mesure ouvre la voie à un exercice "territorialisé' des compétences intercommunales.
Le texte prévoit aussi la possibilité de déléguer la signature du maire ou du président de la communauté aux chefs de service dans le cadre de services communs. Il simplifie la mise en œuvre du régime de suppléance lorsqu'une commune n'a qu'un délégué au sein de l'organe délibérant d'un EPCI. Il autorise les présidents de communautés à renoncer à exercer les pouvoirs de police spéciale lorsqu'au moins un maire s'est opposé au transfert de ces pouvoirs. Il permet, enfin, aux communes insulaires qui n'appartiennent pas à un établissement intercommunal de rester dans cette situation.
Les députés se prononceront le 14 février sur le texte. Le Sénat l'examinera le 20 février. Il n'est prévu qu'une seule lecture par chambre.
Thomas Beurey / Projets publics
Dernière photo de l'intercommunalité avant la mise en oeuvre de la réforme
Au 1er janvier 2012, soit à la veille de la mise en œuvre des schémas de coopération intercommunale qui vont modifier profondément le paysage intercommunal, la France comptait 2.583 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. C'est ce qui ressort du
bilan statistique 2012 de l'intercommunalité que la direction générale des collectivités locales vient de mettre en ligne. Outre la première métropole créée fin 2011 à Nice, on dénombre désormais 15 communautés urbaines, 202 communautés d'agglomération (contre 191 en 2011), 2.360 communautés de communes (elles étaient 2.387 il y a un an) et 5 syndicats d'agglomération nouvelle. On recense 1.333 communes isolées sur le territoire national à l'exception de Paris, des départements de la petite couronne francilienne et de Mayotte.
T.B.