Emploi - Projet de loi Travail : ce que les sénateurs ont changé
Le Sénat a adopté le 28 juin 2016 le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs par 185 voix contre 165. Les sénateurs socialistes, communistes, écologistes et RSDE ont voté contre. La droite majoritaire au Sénat a voté pour. La commission mixte paritaire convoquée dans la foulée n'a pas réussi à élaborer un texte commun, entre la vision de l'Assemblée nationale et celle du Sénat, sur les dispositions restant en discussion.
Après son passage au Sénat, le texte, rebaptisé "projet de loi de modernisation du droit du travail" a retrouvé l'accent libéral qu'il avait dans sa version initiale. Les sénateurs ont notamment adopté l'article 2, très controversé, qui instaure la primauté des accords d'entreprises sur les accords de branche, en supprimant également la durée légale de 35 heures et en donnant la possibilité aux entreprises de revenir à une durée de 39 heures en absence d'accord d'entreprise ou de branche. Ils ont également rétabli le plafonnement des indemnités de licenciement aux prud'hommes : elles seront limitées à quinze mois de salaire. Enfin, les sénateurs ont rendu possible la signature d'accords collectifs directement avec les institutions représentant le personnel dans les entreprises de moins de cinquante salariés quand il n'y a pas de délégué syndical.
Sur les mesures concernant de plus près les collectivités, les sénateurs ont également ajouté de nombreuses modifications. Ils ont notamment souhaité simplifier le compte personnel d'activité (CPA), en lui retirant le nouveau compte d'engagement citoyen (CEC), que le texte créait et en simplifiant le compte pénibilité (limité aux quatre facteurs de risques déjà en vigueur). Le CPA sera également fermé au moment où son bénéficiaire pourra partir à la retraite.
Donnant la possibilité à l'Etat de recourir à d'autres organismes que les missions locales pour la mise en œuvre de la garantie jeunes (amendement n°1035), les sénateurs ont également supprimé la généralisation du dispositif pour une poursuite de l'expérimentation jusqu'à son terme et une évaluation. Constatant son échec, ils ont supprimé le contrat de génération à partir du 1er janvier 2017 (amendement n°259 rect).
"Construire des formations en parfaite adéquation avec les besoins locaux"
Sur le travail du dimanche, les sénateurs rendent possible l'ouverture, sous condition d'accord collectif, des commerces de détail alimentaires le dimanche après-midi lorsqu'ils sont situés dans les zones commerciales et les zones touristiques (amendement n°5 rect. quater). "Le régime d'ouverture l'après-midi serait le même que celui en vigueur dans les zones touristiques internationales, c'est-à-dire sur la base d'un accord collectif, détaille l'objet de l'amendement en question, l'ouverture jusqu'à 13 heures resterait régie par les règles dérogatoires propres aux commerces de détail alimentaire."
Plusieurs dispositions ont été ajoutées en matière d'apprentissage pour relancer le dispositif en perte de vitesse depuis plusieurs années (baisse de 8% en 2013 par rapport à 2012, puis baisse de 3% en 2014, et des chiffres un peu moins mauvaises en 2015). "Les décisions prises depuis 2012 en matière d'apprentissage l'ont indéniablement fait reculer, malgré quelques mesures correctrices apportées depuis par le gouvernement, il faut revenir sur ces décisions contre productives pour aller plus loin", insiste l'amendement n°260 rect bis présenté par Bruno Retailleau, sénateur Les Républicains de la Vendée, qui vise à associer davantage les branches professionnelles et les régions, en leur permettant de définir conjointement avec les ministères compétents les diplômes et titres à finalité professionnelles délivrées au nom de l'Etat. "Cela permettra de construire des formations et des diplômes en parfaite adéquation avec les besoins locaux et sectoriels", précise l'amendement. Un autre amendement (n°264 rect bis) propose aussi d'exonérer de toute cotisation et contribution sociales l'entreprise, quelle que soit sa taille, qui embauche en contrat d'apprentissage son premier apprenti, tout au long de la durée du contrat. D'autres dispositions ont également été intégrées dans le domaine de l'apprentissage comme le travail de nuit pour les apprentis de moins de dix-huit ans, sous certaines conditions, la suppression du critère d'âge pour déterminer la rémunération de l'apprenti et l'ouverture du dispositif d'initiation aux métiers de l'alternance (Dima) aux jeunes de 14 ans.
Pour les jeunes, le Sénat a également prolongé de trois à quatre mois après l'obtention du diplôme le délai permettant aux bénéficiaires de l'aide à la recherche du premier emploi (Arpe) de déposer leur demande (amendement n°1032). Cette aide, annoncée par le gouvernement le 11 avril, dans le cadre du paquet de mesures pour la jeunesse, pourrait bénéficier à 126.000 jeunes à la rentrée 2016. Son montant s'élèvera à 200 euros par mois pour les jeunes diplômés de CAP et bacs pros et sera égal au montant de la bourse perçue la dernière année de préparation du diplôme (entre 100 et 550 euros par mois) pour les diplômés de l'enseignement supérieur.
Cette nouvelle version du texte va maintenant repasser entre les mains de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale le 30 juin avant un examen en séance, à partir du 5 juillet. Le projet de loi repartira ensuite au Sénat, le 18 juillet et enfin, pour une lecture définitive, à l'Assemblée nationale le 20 juillet. Le gouvernement n'exclut pas de recourir à nouveau à l'article 49.3 pour le faire adopter. Au moment du vote des sénateurs votaient, une onzième journée de mobilisation était organisée le 28 juin. Le gouvernement devait recevoir les partenaires sociaux les 29 et 30 juin pour faire un point avec chacun. Mais l'idée n'est pas d'ouvrir des négociations sur le texte.
Emilie Zapalski
Référence : projet de loi Travail : nouvelles libertés et protections pour les entreprises et les actifs.