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Fonction publique - Projet de loi Mobilité : les députés entament l'examen sous la pression des syndicats

Les députés entament ce 2 juillet l'examen du projet de loi sur la mobilité. Le texte doit faciliter les restructurations des administrations de l'Etat et introduire la possibilité pour les trois fonctions publiques de recourir à l'intérim. Les syndicats sont mobilisés contre ce texte qu'ils jugent "dangereux".

Les syndicats faisaient monter la pression à la veille de l'examen à partir du 2 juillet à l'Assemblée nationale du projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique. Principale cible de leur mécontentement : les dispositions concernant "la réorientation professionnelle" des fonctionnaires, la généralisation du "cumul d'emplois à temps non-complet" et celles qui sont relatives à l'intérim et au remplacement qui, selon eux, remettent en cause la garantie de l'emploi des fonctionnaires. La CGT dénonce le risque de "licenciements massifs" et "l'extension du recours aux emplois précaires". Le premier syndicat de la fonction publique appelle à des "luttes unitaires", tandis que FO, troisième syndicat, appelle à la grève.
Pour le gouvernement, le texte doit permettre de moderniser la fonction publique en rendant plus dynamiques les parcours professionnels et en encourageant la mobilité, au sein de la fonction publique (cette mobilité ne concernait fin 2004 que 5% des fonctionnaires de l'Etat) de même que vers le privé (entre 1998 et 2004, moins de 4% des fonctionnaires ont quitté la fonction publique pour travailler dans le secteur privé). Mais au-delà de ces ambitions généreuses, le ministre en charge de la fonction publique ne s'en cache pas : le projet de loi doit fournir au gouvernement une boîte à outils pour mener à bien les "restructurations" consécutives à la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Adopté fin avril 2008 par le Sénat, le texte devait être voté en urgence à l'Assemblée nationale au début de l'été 2008... il y a un an. Mais, officiellement en raison de l'encombrement du Parlement, en réalité plus certainement par crainte des réactions syndicales, l'examen du texte a été reporté au lendemain des élections européennes.

 

Calmer le jeu

Pour favoriser la mobilité, le texte supprime divers obstacles statutaires et met en place un "droit au départ" dont pourront se prévaloir les fonctionnaires qui souhaitent changer d'affectation, mais que leur administration ne voudrait pas laisser partir. En cas de réorganisation de leur administration, le gouvernement affirme que les agents auront droit à des possibilités de reclassement plus larges qu'aujourd'hui. Le texte doit en outre favoriser en particulier, grâce à des conditions financières avantageuses, le passage des agents de l'Etat vers la fonction publique territoriale. En revanche, dès lors qu'ils auront refusé trois postes, les fonctionnaires seront placés en disponibilité d'office - c'est-à-dire sans traitement - ou, suivant leur âge, ils seront mis à la retraite. Cette perspective inquiète fortement les personnels de l'Etat, qui craignent d'être éloignés de leur domicile ou de devoir accepter un poste qui ne correspond pas à leurs souhaits. Pour les rassurer, les députés devraient adopter un amendement du rapporteur Jacques-Alain Bénisti précisant les obligations de l'administration. Les nouveaux emplois devront en particulier être situés "dans le département où le fonctionnaire était précédemment employé ou un département limitrophe".
Si elles concernent dans le contexte actuel essentiellement la fonction publique d'Etat, ces dispositions inquiètent cependant aussi les organisations syndicales de la FPT. Là encore, dans un souci d'apaiser leur inquiétude, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du rapporteur, plusieurs amendements améliorant les conditions de reclassement des agents territoriaux dont l'emploi est supprimé. Un amendement rappelle ainsi l'obligation qu'a chaque employeur territorial de rechercher des possibilités de reclassement pour les fonctionnaires. Un second élargit ces possibilités. Un troisième oblige les employeurs territoriaux à justifier la suppression d'un emploi auprès du comité technique paritaire (CTP) par le dépôt d'un rapport, alors qu'aujourd'hui, seule l'information du CTP est exigée. Selon Jacques-Alain Bénisti, le but est d'éviter qu'un poste puisse être supprimé "dans le seul but de se débarrasser d'un agent". La disposition pourrait s'avérer utile en particulier lorsque l'autorité territoriale met fin au détachement sur emploi fonctionnel d'un agent.

 

"Démantèlement"

En contrepartie, les obligations des fonctionnaires temporairement privés d'emploi seraient renforcées. Ils devront prouver tous les six mois qu'ils recherchent activement un poste, le but étant que des fonctionnaires ne soient pas pris en charge pendant... quinze ans, comme cela s'est déjà vu fréquemment, assure le rapporteur.
L'autre volet du texte, concernant le recrutement, est lui aussi sous le feu des critiques, non seulement des syndicats, mais aussi de certains élus. La disposition la plus controversée étant la possibilité pour les administrations de recourir à l'intérim. Selon l'ancien secrétaire d'Etat à la Fonction publique, André Santini, cette possibilité s'ouvrira aux collectivités lorsqu'elles rencontreront "un surcroît d'activité occasionnel". L'Assemblée nationale entend bien poser des garde-fous. Jacques-Alain Bénisti, qui n'est autre que le président de la Fédération nationale des centres de gestion, a fait voter en commission un amendement qui prévoit que les collectivités ne pourront recourir à l'intérim que si le centre de gestion n'a pu leur donner satisfaction. Selon lui, l'intérim ne sera donc que "rarement utilisé" et la formule sera de toute façon préférable à l'emploi de "contractuels sous-payés enchaînant les contrats". Côté opposition, Bernard Derosier y voit lui au contraire un risque de "démantèlement de la fonction publique".
Le volet du texte concernant la gestion des ressources humaines stricto sensu est plus consensuel que les autres. Les députés et le gouvernement l'ont d'ailleurs complété en commission. En particulier, de nouveaux statuts d'emplois pourraient être créés pour prendre en compte "des responsabilités d'encadrement, de conseil, d'expertise ou de conduite de projets". D'autres amendements concernent le compte épargne-temps - avec des possibilités plus larges d'obtenir une compensation financière - ou encore la protection sociale complémentaire des agents, qui serait organisée par des organismes labellisés.

 

Thomas Beurey / Projets publics