Economie / Transports - Projet de loi Macron : 1.758 amendements déposés
La photo de famille transpartisane de ce week-end devrait vite s'effacer devant l'actualité parlementaire avec l'arrivée à l'Assemblée de l'un des textes phares du quinquennat : la déjà fameuse "loi Macron". Alors que ce projet de loi "pour la croissance et l'activité", dont l'examen a commencé lundi à l'Assemblée, est contesté jusque dans les rangs de la majorité, le ministre de l'Economie a souhaité s'abriter derrière une commission d'experts français et internationaux pour en évaluer l'impact tout au long des débats. Cette commission rattachée à France Stratégie sera conduite par l'ancienne vice-présidente de l'Autorité de la concurrence Anne Perrot.
Une commission spéciale de l'Assemblée a commencé à se réunir lundi soir pour examiner les 1.758 amendements déposés (seulement 4 articles sur les 106 n'ont fait l'objet à ce stade d'aucun amendement). Les travaux en commission démarreront le 18 janvier pour un débat devant l'Hémicycle programmé à partir du 26 janvier.
Le texte a de forts accents de dérégulation (ouverture à la concurrence des transports par car, des grandes surfaces, travail le dimanche, liberté d'installation des professions réglementées…). Lors de l'entame des discussions, Emmanuel Macron n'a d'ailleurs pas hésité à prendre ses distances avec "l'économie administrée".
Sur nombre de sujets, le gouvernement entend légiférer par voie d'ordonnances. Alors que le ministre de l'Economie a déjà fait savoir que nombre de ces ordonnances étaient déjà prêtes, l'UMP a indiqué lundi qu'elle apporterait son "opposition de principe" chaque fois que le mot ordonnance serait prononcé. Le député UMP du Bas-Rhin Patrick Hetzel a demandé au gouvernement que lorsqu'une ordonnance serait prête, elle soit immédiatement communiquée à l'Assemblée.
Trains d'équilibre du territoire
Les discussions ont démarré avec le volet mobilité du texte (articles 1 à 9) prévoyant la création de l'Arafer (Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières) en remplacement de l'actuelle Araf , l'ouverture à la concurrence des lignes de transport par autocar et la réforme du permis de conduire.
Alors que l'Arafer aura des compétences étendues au transport terrestre (secteur du transport routier interurbain, accès aux gares routières et au secteur autoroutier), les députés ont adopté, contre l'avis du gouvernement, un amendement visant à lui associer également le secteur fluvial, dans le souci de promouvoir l'intermodalité.
Ils ont par ailleurs rejeté un amendement du député radical des Hautes-Alpes Joël Giraud visant à profiter de la révision des contrats des trains d'équilibre des territoires en 2016 pour anticiper l'ouverture à la concurrence prévue au plus tard en 2019 par le 4e paquet ferroviaire européen. Il a ainsi pointé les "dysfonctionnements" de ces trains - qui font actuellement l'objet de travaux de la mission Duron - et invité à mener des expérimentations visant à confier l'exploitation de ces lignes à toutes "les entreprises ferroviaires disposant d'une licence ferroviaire en France". Suivi par les députés, Emmanuel Macron a joué la prudence invitant à ne "pas préjuger les résultats de ces travaux" menés à l'échelle européenne. A noter que la mission Duron a élargi son champ d'investigation aux TER avec la perspective des grandes régions, posant la question du distinguo entre les TET et les TER de futures grandes régions comme celle du Sud-Ouest.
Autocars
L'opposition, se référant à l'étude d'impact du texte, a par ailleurs mis en garde le gouvernement contre la volonté de créer de nouvelles taxes pour financer l'Arafer, arguant qu'une telle mesure irait à l'encontre des engagements pris par le président de la République.
Concernant les sociétés d'autoroute, Emmanuel Macron a rappelé que le Premier ministre a confié le 31 décembre 2014, au député PS de l'Indre Jean-Paul Chanteguet, auteur d'un rapport du 17 décembre sur le sujet, le soin de monter un groupe de travail afin d'étudier les deux pistes envisageables : la renégociation des contrats ou leur résiliation.
Autre point important du texte : le transport par autocar (articles 2 et 3). Les sociétés d'autocars pourront désormais assurer à leur initiative toute desserte interurbaine. Les autorités organisatrices (régions, départements…) pourront cependant, après avis de l'Arafer, limiter ou interdire ces lignes dans un souci d' "équilibre économique des services publics". Les députés ont introduit l'obligation pour les sociétés de faire une déclaration et substitué un seuil de 100 km maximum plutôt qu'un critère infrarégional.
S'agissant des gares routières de voyageurs, les députés ont introduit un amendement prévoyant d'associer davantage les vélos au transport par autocar (transport dans les cars et stationnement sécurisé).
CDG Express
Le gouvernement a par ailleurs fait adopter un amendement permettant de recourir à une ordonnance, dans un délai d'un an à compter de la publication de la loi, pour permettre la réalisation du projet de liaison ferroviaire "CDG express" entre Paris et l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle. Dans l'exposé des motifs de l'amendement, le gouvernement rappelle que "contrairement à d'autres aéroports internationaux, l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle ne bénéficie actuellement pas d'une desserte dédiée". Selon lui, ce chantier a été initié en 2006 "dans le cadre d'une concession" mais n'a pu aboutir "pour diverses raisons, liées notamment, à la complexité des travaux en zone dense et sous exploitation ferroviaire ainsi qu'aux nombreuses interfaces avec des acteurs publics". Le gouvernement souhaite passer par un autre montage que la concession "consistant à confier directement la réalisation de l'infrastructure à une entité dédiée, filiale de l'établissement public SNCF Réseau et de la société anonyme Aéroports de Paris". "Une habilitation du gouvernement à légiférer par ordonnance permettra, après obtention de l'avis de la Commission européenne, d'adopter rapidement l'ordonnance qui mettra en oeuvre ces nouvelles modalités de réalisation de CDG Express dans un calendrier contraint guidé par des échéances à caractère international (en cas de candidature à l'organisation de Jeux olympiques ou d'une exposition universelle", souligne-t-il.
Enfin, les députés ont apporté plusieurs modifications à la réforme du permis de conduire comme l'obligation pour les auto-écoles de publier leurs taux de réussite ou la possibilité de passer le code dans les lycées.
L'examen devait se poursuivre mardi avec la suite de la réforme du permis de conduire et le chapitre consacré au commerce. Plus précisément l'urbanisme commercial. Le texte donne de nouvelles compétences à l'autorité de la concurrence qui pourra s'assurer que les documents d'urbanisme (PLU, Scot, Plui, Sdrif) assurent les conditions d'une concurrence équitable.