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Urbanisme - Avant-projet de loi Macron : l'AMF dénonce la "remise en cause des règles du jeu" sur le PLUi

L'Association des maires de France s'oppose aux nouveaux changements apportés par l'avant-projet de loi Macron aux modalités de transfert aux intercommunalités de la compétence sur les plans locaux d'urbanisme, qui avaient été longuement débattues dans le cadre de la loi Alur. Les élus s'offusquent de l'absence de concertation et estiment aussi que de telles modifications constituent un "cavalier législatif" dans un texte dont l'objectif est la croissance et l'activité.

L'Association des maires de France (AMF) a dénoncé dans un communiqué diffusé le 19 novembre les modifications apportées par l'avant-projet de loi "pour la croissance et l'activité" aux modalités de transfert du plan local d'urbanisme (PLU) aux communautés d'agglomération et aux communautés de communes telles qu'elles étaient prévues par la loi Alur. L'AMF affirme ne pas avoir été consultée au préalable sur ces changements, pas plus que les autres associations d'élus. Dans sa version transmise au Conseil d'Etat et rendue publique par la Fédération nationale des unions de jeunes avocats (lire ci-contre notre article du 18 novembre 2014 sur ses dispositions en matière d'urbanisme commercial), le texte porté par le ministre de l'Economie Emmanuel Macron prévoit d'abord de supprimer la possibilité pour les conseils municipaux de s'exprimer sur le principe même du transfert dès lors qu''une communauté d'agglomération a plus de 250.000 habitants. Dans ce cas, le transfert serait donc de plein droit et automatique. "Même si ce seuil présente une cohérence avec les dispositions en vigueur pour les communautés urbaines, l'AMF ne peut accepter une telle disposition sans concertation préalable, dont les conséquences n'ont pas été mesurées et qui crée une distinction entre les communautés d'agglomération en fonction de leur population", souligne l'association.
La seconde modification viserait à avancer au 30 juin 2016, au lieu du 27 mars 2017, la date du transfert automatique de la compétence PLU aux communautés d'agglomération et de communes, là aussi sans concertation préalable. "Même si les communes conservent, dans le délai de trois mois précédant le 30 juin 2016, la possibilité de s'opposer à ce transfert, ce raccourcissement n'est pas fondé et change les règles du jeu arbitrées au Parlement et maîtrisées désormais par les communes et les communautés, estime l'AMF. A cet égard, cette disposition pourrait être contre-productive au regard des réflexions engagées localement sur une évolution des documents d'urbanisme." Enfin, "le lien entre ces dispositions et l'objectif de croissance porté par ce projet de loi semble plus que ténu, ce qui en fait un cavalier législatif", pointe l'AMF.

Nouveaux assouplissements prévus par ordonnances

Très touffu (123 pages au total), l'avant-projet de loi comporte un chapitre entier sur l'urbanisme et le logement. Outre les changements sur le PLU intercommunal (PLUi), le texte prévoit une majoration du volume constructible pour les logements intermédiaires. Le titre II du texte, intitulé "Investir", comporte également des dispositions intéressant l'urbanisme. L'article 42, résumé dans l'avant-projet de loi par les termes "mesures rapport Duport"*, autorise le gouvernement à prendre par voie d'ordonnances une série de mesures. Celles-ci doivent tout d'abord viser à "accélérer les projets de construction et d'aménagement" : "en réduisant les délais de délivrance des décisions prises sur les demandes d'autorisation d'urbanisme, notamment grâce à une diminution des délais d'intervention des autorisations, avis ou accords préalables relevant de législations distinctes du code de l'urbanisme ; en définissant ou en modifiant les conditions d'articulation des autorisations d'urbanisme avec les autorisations, avis, accords ou formalités relevant de législations distinctes du code de l'urbanisme ; en aménageant les pouvoirs du juge administratif lorsqu'il est saisi d'un recours contre une autorisation d'urbanisme ou le refus d'une telle autorisation ; en définissant les conditions dans lesquelles, en cas d'annulation du refus de délivrance d'une autorisation d'urbanisme, le représentant de l'État se substitue à l'autorité compétente pour délivrer cette autorisation ; en supprimant la procédure d'autorisation des unités touristiques nouvelles prévue par l'article L. 145-11 du code de l'urbanisme et en prévoyant les modalités suivant lesquelles les unités touristiques nouvelles sont prévues et contrôlées dans le cadre des documents d'urbanisme ou des autorisations mentionnées au livre IV de ce code". Les ordonnances pourront aussi avoir pour objectif de "modifier les règles applicables à l'évaluation environnementale des plans, programmes et projets" et de "moderniser et clarifier les modalités de participation, de concertation, de consultation et d'information du public". Enfin, elles pourront viser à "moderniser les conditions du règlement, devant les juridictions administratives, des litiges nés principalement de l'application des législations relevant du code de l'environnement, en prenant notamment toute mesure propre à réduire les délais de jugement".
L'article 43 vient sécuriser les projets de construction, en "recentrant l'action de démolition aux cas où elle est indispensable", modifiant en ce sens l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme. Ainsi, "le propriétaire [d'une construction édifiée conformément à un permis de construire] ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si" cette construction est située dans l'une des zones listées par l'article 43 du projet de loi. Dans son article 44, le texte entend également harmoniser les seuils de recours à un architecte pour les exploitations agricoles en autorisant là encore le gouvernement à légiférer par ordonnances. Il en est de même pour l'article 45, qui concerne les plans de prévention des risques technologiques (PPRT). Ces ordonnances devront viser à "modifier les dispositions de la section 6 du chapitre V du titre Ier du livre V du code de l'environnement afin de prévoir des modalités d'application des PPRT adaptées aux biens affectés à un usage autre que d'habitation, notamment en privilégiant, lorsqu'elles existent, des solutions de réduction de l'exposition au risque alternatives aux mesures foncières et aux prescriptions de travaux de renforcement" ou à "préciser, clarifier et adapter les dispositions de cette même section, afin d'améliorer et de simplifier l'élaboration, la mise en œuvre et la révision ou modification de [ces] plans".

Anne Lenormand avec AEF

* Dans le cadre du plan de relance pour le logement, annoncé par le Premier ministre en août dernier, le préfet Jean-Pierre Duport s'est vu confier une mission portant sur les permis de construire.