Projet de loi d'urgence pour Mayotte : le texte définitivement adopté

Le projet de loi d'urgence pour Mayotte a été définitivement adopté par le Parlement ce jeudi 13 février, après un ultime vote du Sénat. Le texte, qui vise à accélérer la reconstruction d’urgence de l’archipel après le passage du cyclone Chido, notamment en simplifiant certaines procédures d’urbanisme et en assouplissant les règles des marchés publics, constitue un premier jalon. Un projet de loi-programme pour Mayotte suivra, dans les prochaines semaines, au sein duquel seront entre autres abordés les sujets sensibles de l'immigration illégale et de l'accès à l’eau.

Le projet de loi d'urgence pour Mayotte a été définitivement adopté après l'ultime vote du Sénat ce 13 février. Le texte avait fait l'objet d'une commission mixte paritaire (CMP) conclusive lundi dernier, puis d’une adoption du compromis ainsi trouvé, le 12 février, par l’Assemblée nationale (par 451 voix pour, 0 contre et 64 abstentions dans les rangs de LFI et une seule du groupe GDR). 

S’agissant de la reconstruction de l’archipel, dévasté par le cyclone Chido, qui a causé la mort de 39 personnes, "nous franchissons aujourd’hui une étape décisive", s’est félicité le ministre d’État en charge des Outre-mer, Manuel Valls, soulignant que "le coût des destructions s’établira autour de 3 à 3,5 milliards d’euros". Le ministre y voit "une première réponse", complétée "d’ici à quelques semaines", d’un "projet de loi-programme pour Mayotte", destiné à permettre "le développement économique, éducatif et social du territoire sur de nouvelles bases". 

Ce second texte s’appuiera sur le plan stratégique que va élaborer le général Pascal Facon, préfigurateur de l’établissement public chargé de coordonner les travaux (prévu par le projet de loi d’urgence) et chef de la mission interministérielle de reconstruction de Mayotte. Y seront notamment abordés la question migratoire et l’accès à l’eau. Parmi les priorités du "plan Mayotte debout" figurent ainsi la construction d’une deuxième usine de dessalement et l’accélération de la création d’une troisième retenue collinaire. 

Le projet de loi d’urgence pour Mayotte "marque une première étape, insuffisante mais nécessaire et bienvenue", s’est également exprimée la députée mahoraise, rapporteure de la CMP, Estelle Youssouffa (Liot). "Bien sûr ce texte n’a pas la prétention de répondre à toutes les difficultés des mahorais : un niveau de pauvreté inégalé, la prolifération de l’habitat informel, une insécurité alimentée par une immigration clandestine massive, je crois donc essentiel de nous préparer d’ores et déjà à la prochaine étape, le projet de loi de programmation pour Mayotte annoncé par le ministre, (…), dont le volet économique sera essentiel", a de son côté insisté l’autre rapporteure de la CMP, la sénatrice Micheline Jacques (LR/Saint-Barthélemy). Une délégation de la commission des affaires économiques du Sénat se rendra d’ailleurs à Mayotte dans les prochaines semaines.

Coordination de la reconstruction de Mayotte et reconstruction des écoles

Afin d’assurer une reconstruction concertée entre les différents acteurs du territoire, le texte renforce à l’article 1er, conformément à la position du Sénat, la représentation des collectivités locales, notamment des intercommunalités, dans la gouvernance du nouvel établissement public qui sera chargé de la reconstruction de Mayotte. Son conseil d’administration sera présidé par le président du Conseil départemental de Mayotte. L’accord en CMP a au passage rétabli à trois mois le délai prévu, à compter de la publication de la loi, pour élaborer et adopter l'ordonnance qui devra déterminer les règles d'organisation, de gouvernance et les missions de cet établissement. 

Afin de garantir le plein respect des prérogatives des collectivités, l’information ou le pouvoir d’opposition des maires, dans le cadre des procédures d’urbanisme, ont là encore été renforcés. À l’article 2, la prise en charge par l’État de la reconstruction des écoles se fera à la demande des communes concernées. Il devra prévoir l’accès à plusieurs points d’eau potable et à un espace de restauration scolaire ainsi que la possibilité d’installer à l’avenir des panneaux solaires sur les toitures.

"Pour que la reconstruction soit acceptée de tous, il est essentiel d’assurer la coopération entre l’Etat, principal financeur, et tous les acteurs locaux, élus, architectes, acteurs économiques et sociaux, professionnels de la construction. Je les ai tous rencontrés lors de mon déplacement à Mayotte en janvier, ce sont eux qui détiennent les clefs de compréhension de leur territoire et de ses contraintes", a appuyé Micheline Jacques. 

Les mesures dérogatoires complémentaires visant à mieux prendre en compte les contraintes de la construction et de l’urbanisation à Mayotte, et à accompagner la régularisation des bâtiments en dur, ont toutes été confirmées en CMP. 

Les adaptations aux règles de construction, qui avaient été encadrées dans le temps au Sénat, ont quant à elles été précisées. Plusieurs dispositifs de lutte contre les bidonvilles ont été intégrés à l’initiative ou avec le soutien du gouvernement, comme l’extension à cet objectif de l’ordonnance prévue par l’article 4 pour adapter les règles relatives aux constructions aux caractéristiques et contraintes du territoire mahorais, ou l’encadrement de la vente de tôles aux particuliers à l’article 4 bis (l'acheteur devra présenter un justificatif de domicile et un titre d’identité). 

Seront toutefois exclues du champ de l'habilitation les dérogations aux règles de sécurité des constructions, aux obligations de recours aux énergies renouvelables pour les locaux à usage d'habitation, ainsi qu'aux règles relatives à la qualité de l'air, aux ouvertures et aux dimensions des bâtiments. Il est précisé que les règles prises par ordonnance favorisent la récupération et le stockage des eaux de pluie. La lutte contre l'habitat illégal demeure dans le champ de l'habilitation, de même que l'apport du Sénat concernant la limitation à deux ans de l'application des mesures prises par ordonnance.

La CMP a également confirmé le rétablissement de l’article 3 du projet de loi, qui dispense d’autorisation d’urbanisme les constructions démontables temporaires. Supprimée à l’Assemblée, cette disposition avait été réintroduite au Sénat en contrepartie d’un "encadrement strict" de leur usage, ciblé sur le logement temporaire de personnels dépêchés à Mayotte pour la gestion de crise ou l’aide à la reconstruction, ainsi que les classes et bureaux temporaires. La CMP a confirmé cette solution sécurisée. Ces constructions modulaires devront toutes être démontées au bout de deux ans à compter de la promulgation de la loi, et seront soumises à l’accord préalable du maire. Leur implantation sera en outre restreinte aux seules zones constructibles délimitées par les plans locaux d'urbanisme (PLU).

Au delà des bidonvilles, il fallait tenir compte du fait que 2/3 des constructions à Mayotte ont été réalisées sans autorisation d’urbanisme. Retenant là encore un acquis du Sénat, la CMP a étendu le droit à la reconstruction et à la réfection à l’identique à l’ensemble des bâtiments en dur datant d’avant 2013 (date d’entrée en vigueur à Mayotte du code de l’urbanisme) - article 6. Le texte vise également à mieux encadrer le droit à la reconstruction à l’identique, en fixant un plafond de 20% de la modification du gabarit.

Les articles 6 bis A à 6 quater visent à faciliter et à accélérer la reconstruction et la réfection des installations électriques et radioélectriques. L’article 7 accélère les délais d’instruction des demandes d’urbanisme à travers une procédure simplifiée de déclaration de travaux en mairie à certaines conditions pour la reconstruction ou la réfection à l’identique. L’article 7 bis prévoit que les reconstructions nécessaires à l'exploitation agricole sont soumises à l'avis simple de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). 

L’article 8 conserve l'obligation du dossier en version papier en mairie et en préfecture, en cas de participation du public par la voie électronique, jusqu'au 1er juillet 2025. L’article 9 prévoit que les travaux de démolition et de déblaiement pourront démarrer dès le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme ou de la déclaration préalable.

Supprimé à l’Assemblée, l’article 10 qui habilitait le gouvernement à légiférer par ordonnance pour adapter les règles de l'expropriation au territoire mahorais, caractérisé par des difficultés pour identifier les propriétaires fonciers, n’a pas été rétabli.

Dérogations temporaires en matière de commande publique

Les articles 11 à 14 modifient la commande publique pour permettre aux opérateurs économiques locaux de prendre toute leur part dans la reconstruction de Mayotte. Les acheteurs pourront réserver jusqu’à 30% du montant estimé d’un marché aux microentreprises, PME et artisans basés à Mayotte (article 13 bisAA)

Pour associer le mieux possible le tissu économique mahorais à l’effort de reconstruction, l’accord en CMP acte la suppression des dispositions pénalisant les très petites et petites entreprises (TPE‑PME) mahoraises dans l’attribution des marchés publics de reconstruction de Mayotte, notamment celles limitant le recours à la sous‑traitance.

La CMP s’est en outre accordée sur le rétablissement de l'article 12, pour prévoir la possibilité de déroger au principe d'allotissement des marchés publics

Mesures sociales

Les articles 15 et 16 encadrent les soutiens apportés aux associations et organismes d’intérêt général opérant à Mayotte. Le plafond pour les dons en faveur des victimes a été  ramené dans le compromis à 2.000 euros. 

L’ensemble des dispositifs d’urgence de protection des entreprises et les mesures de renouvellement automatique des prestations sociales ont été prolongés au‑delà de la date du 31 mars 2025 initialement prévue, pour continuer d’accompagner les personnes et les entreprises qui en ont le plus besoin. La CMP a cependant maintenu la consultation obligatoire de l’Unédic, introduite par le Sénat, avant toute prolongation automatique de l’indemnisation au titre de l’assurance chômage. 

Est également entérinée la création d’un prêt à taux zéro pour la reconstruction à Mayotte  (article 17 bis AA), ouvert à toutes les familles mahoraises pour reconstruire leur maison, même lorsque leur habitation n’était pas assurée. Il permettra d’emprunter jusqu’à 50.000 euros, pour une durée maximale qui pourra aller jusqu’à trente ans et intégrer un différé d’amortissement de cinq ans. Le ministre s’est engagé avec les banques et Action Logement, à ce que ce prêt soit distribué "le plus rapidement possible dès sa création". 

Enfin, l’article 17 ter exonère le territoire de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur les déchets, pendant deux ans.

 

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