Projet de loi Cybersécurité, réseaux télécoms… ces dossiers numériques sur lequel le gouvernement est attendu par les élus

La dissolution est intervenue alors que plusieurs textes numériques étaient en cours de discussion au Parlement. Si certaines lois sont contraintes par des échéances européennes, comme la transposition de la directive NIS 2 sur la cybersécurité, d'autres comme le projet de loi Simplification risquent de passer à la trappe. Le changement d'équipe gouvernementale pourrait enfin être l'occasion de mettre de l'ordre dans la régulation des réseaux.

La transposition de la directive sur les obligations cyber des organisations, dite NIS 2, devait intervenir à partir de juin 2024 au Sénat. La Haute Assemblée venait tout juste de désigner une commission pour travailler sur le projet de texte élaboré par l'Agence nationale pour la sécurité des systèmes d'information (Anssi). La dissolution intervenue début juillet remet en cause un calendrier déjà très serré puisque la France a, en théorie, jusqu'au 17 octobre 2024 pour voter la transposition. Or celle-ci est particulièrement attendue des collectivités, la directive européenne ayant laissé aux États membres le soin de décider du périmètre d'application de la directive aux administrations locales. L'Anssi a proposé un seuil de 30.000 habitants, estimant à 1.489 le nombre "d'entités essentielles", le reste entrant dans le champ des entités importantes soumises à des obligations plus légères. Ce chiffrage, révélé la Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP), demande cependant à être affiné à partir de critères précis (voir notre article du 6 juin). Du reste, la CSNP a recommandé que ces critères figurent dans la loi, pour être discutés par les parlementaires, le projet de texte les renvoyant à des décrets. 

L'accompagnement cyber des collectivités en question

De son côté, la "Belle Alliance" (voir notre article du 30 avril 2024) qui porte la voix des grandes associations d'élus sur le numérique, a fait des propositions à l'occasion de la concertation organisée par l'Anssi. Avec un objectif : concilier l'impératif de cybersécurité qui s'impose aux collectivités et la faisabilité de mesures potentiellement très coûteuses. Il est cependant clair que "l'accompagnement" souhaité par les associations d'élus pour mettre en œuvre NIS 2 ne sera pas en place d'ici le 17 octobre, date d'entrée en vigueur d'une partie des obligations de la directive. "Et au-delà de NIS 2, nous confie l'Avicca, nous attendions beaucoup du débat parlementaire pour remettre à plat la stratégie cyber de l'État. Il s'agit notamment de revoir le rôle et le financement des centres régionaux de réponse aux incidents cybers (C-Sirt) ou encore de clarifier les règles sur le cloud de confiance pour les collectivités." En attendant, la période de l'été sera sans doute décisive pour décider de la priorité de ce texte, les cyberattaques figurant dans le haut de la liste des incidents attendus durant les Jeux olympiques.

Simplifications en suspens pour les antennes et centres de données

Le sort réservé aux dispositions numériques du projet de loi sur la simplification de la vie économique est pour sa part beaucoup plus incertain. Celui-ci prévoyait notamment de simplifier l'installation des antennes relais, y compris sur le littoral, et de renforcer la lutte contre la spéculation foncière autour des points hauts. L'AMF avait poussé de son côté une disposition visant à rendre plus effective la transmission du "dossier d'information des maires" (DIM) que doivent fournir les opérateurs pour tout projet d'implantation d'une antenne relais.  
Les centres de données se voyaient par ailleurs qualifiés de "projets d'intérêt national majeur" (PINM), afin d'accélérer les procédures administratives liées à leur implantation (voir notre article du 29 avril) en court-circuitant au passage les décisions des territoires. Il paraît évident que le degré de sensibilité écologique du futur gouvernement sera déterminant pour relancer, ou pas, ces évolutions législatives.

Réguler la qualité des réseaux FTTH

Le changement d'équipe gouvernementale pourrait en revanche aider à remettre sur la table plusieurs propositions portées par les acteurs de l'aménagement numérique. On citera notamment la proposition de loi du sénateur Patrick Chaize visant à assurer la qualité et la pérennité des raccordements à la fibre optique. Celle-ci a été adoptée à l'unanimité par le Sénat en mai 2023 mais n'a jamais été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Les opérateurs commerciaux comme le gouvernement de l'époque étaient, il est vrai, vent debout contre un texte qui entend redonner le pouvoir aux opérateurs d'infrastructure et qui menace les opérateurs commerciaux de sanctions (voir notre article du 17 mai 2023). Les plaintes des usagers et des maires sur la fibre continuant à affluer à l'Arcep (voir notre article du 25 avril 2024) et auprès des associations de consommateurs, cette proposition de loi, sur un sujet que les élus de tous bords subissent, est désormais susceptible de ressurgir.

Grande loi sur les réseaux télécoms

Mais au-delà de ces mesures d'urgence, territoires et industriels aspirent à une grande loi numérique à visée systémique (voir notre article du 15 mars 2023). Car chez Infranum comme du côté des associations d'élus, on s'accorde sur la nécessité de traiter conjointement fin du cuivre, achèvement de la couverture fibre sur l'ensemble du territoire, refondation d'un service universel des télécommunications fondé sur la péréquation (toujours sous un régime provisoire faute de décret)… Infranum a du reste alerté les candidats aux dernières législatives sur la nécessité de "refonder le pacte de l'accès au haut débit", "d'accompagner le développement des territoires connectés et durables" et de "faire des usages numériques des leviers du développement des territoires". Des propositions sans doute consensuelles politiquement, mais qui pourraient se heurter aux dures réalités budgétaires.