La facilitation de l'implantation des datacenters intervient à un moment où les élus veulent les encadrer davantage
Face à des besoins de cloud en forte augmentation, le projet de loi de simplification prévoit de faciliter l'installation des centres de données en court-circuitant au passage le pouvoir des élus. Ces dispositions interviennent au moment où de l'Île-de-France à Marseille en passant par la Bretagne, les élus cherchent à réglementer davantage ces installations.
Dans une étude publiée en septembre 2023, l'institut Paris région constatait, en s'appuyant sur des études de l'Arcep et l'Ademe, que "le marché des datacenters tend à s'accélérer avec le risque même de s'envoler dans les prochaines années". Une demande poussée par les besoins en puissance de calcul de l'intelligence artificielle - l'IA générative étant particulièrement consommatrice de ressources machine - mais aussi par le souhait de plus en plus de clients d'avoir leurs données hébergées en France.
Réflexion collective en Île-de-France
Ce développement n'est cependant pas sans conséquences dans la région capitale qui compte déjà 160 datacenters. L'institut Paris région relève ainsi "un impact considérable sur la consommation électrique et sur la robustesse du réseau électrique, dans un contexte d'augmentation des besoins, liée notamment à l'électrification des mobilités, et d'incertitude sur les capacités de production". En outre, ces centres de données pèsent sur la consommation de foncier, de ressources naturelles – dont l'eau utilisée pour le refroidissement – sans compter les risques de pollution, d'incendies et la contribution de ces installations au réchauffement climatique. Face à ces défis, l'institut propose de créer un collectif régional d'acteurs publics et parapublics des datacenters et d'élaborer une stratégie territoriale prenant en compte 11 critères géographiques, urbains et environnementaux.
Lutter contre le gigantisme à Marseille
Une stratégie similaire est à l'œuvre à Marseille, seconde région pour l'implantation de datacenters, à ceci près que le projet est porté par la seule ville de Marseille. Dans une délibération datée du 20 octobre 2023, l'équipe municipale fait également valoir le caractère énergivore des datacenters. "Les projets répertoriés sur l'aire marseillaise à ce jour correspondent à un besoin supplémentaire en électricité équivalent à celle de plus de 200.000 foyers" pointe la délibération. Des équipements également critiqués pour leur emprise au sol – dans un contexte marseillais où le foncier économique comme le logement manquent – et pour la faiblesse des retombées sur l'emploi local. La ville a donc décidé de réguler leur implantation. La délibération adoptée affirme vouloir "limiter le nombre de projets à des datacenters bien dimensionnés et plus sobres", conditionnant l'implantation des entreprises à des "engagements précis" sur l'environnement et les retombées économiques.
Microsoft débouté à Rennes
Dernier exemple en date, la métropole de Rennes. La collectivité bretonne a mis tout récemment son veto à l'implantation d'un datacenter Microsoft sur le site de La Janais comme l'a relayé France 3 le 15 mars 2024. Ce site "n'a pas vocation à accueillir ce type d'activités, au-delà de son incapacité à accueillir des activités aussi consommatrices de foncier", a estimé Nathalie Appéré la présidente de Rennes Métropole.
L'État veut reprendre la main
L'encadrement strict de l'implantation des datacenters n'est cependant à l'évidence pas le choix fait par le gouvernement. C'est ce qui ressort du projet de loi de simplification de la vie des entreprises présenté la semaine dernière (voir notre article du 24 avril 2024). Le gouvernement annonce que ces équipements vont bénéficier du label programme d'intérêt national majeur (PINM). À ce titre, le permis de construire des datacenters sera délivré par l'État et non plus par les communes. Ils bénéficieront d'un "raccordement accéléré au réseau électrique" et d'une "mise en compatibilité accélérée, par l'État, des documents locaux d’urbanisme et des documents de planification régionale". Ils pourront obtenir la "reconnaissance anticipée de la 'raison impérative d’intérêt public majeur' (RIIPM), nécessaire à l’obtention de la dérogation espèces protégées".
Cette reprise en main par l'État du dossier ne devrait pas manquer de faire réagir les sénateurs qui seront les premiers à examiner le texte à partir du 3 juin 2024.