Terminaux, centres de données et réseaux, grands coupables de l'empreinte carbone du numérique

Les émissions de gaz à effet de serre dues aux usages numériques de la France pourraient être multipliées par près de trois d'ici à 2050 si aucune action n'est prise d'ici là, selon une étude de l'Arcep et de l'Ademe dont le troisième volet a été remis lundi 6 mars 2023 au gouvernement. Les premières pistes d'actions pour les collectivités seraient de ne pas multiplier les écrans, de promouvoir des datacenters moins énergivores ou bien encore de favoriser la mutualisation des antennes-relais. 

A horizon 2030, si rien n’est fait pour réduire l’empreinte environnementale du numérique et que les usages continuent de progresser au rythme actuel, l’empreinte carbone du numérique en France augmenterait d’environ 45% par rapport à 2020 ce qui représenterait 25 Mt CO2eq contre 17,2 Mt CO2eq en 2020. Rappelons "Mt CO2eq" pour millions de tonnes équivalent CO2 est un indice du Giec qui permet de comparer les impacts que les gaz à effet de serre (GES) ont sur l’environnement. Autre projection à l'horizon 2030 : le trafic de données serait multiplié par 6 et le nombre d’équipements augmenterait de près de 65% par rapport à 2020, notamment du fait de l’essor des objets connectés et du déploiement de la 5G. Ces projections sont le fruit d’une étude conjointe de l'Arcep et de l'Ademe dont le troisième volet a été remis lundi 6 mars 2023 au gouvernement. Les deux premiers volets avaient été publiés en janvier 2022. Seuls "les scénarios alternatifs envisagés conduiraient à une moindre hausse voire une diminution de l’empreinte carbone du numérique", précise l’Arcep dans son communiqué du même jour.

Ecoconception

L’Autorité met en avant "l’écoconception des équipements qui permettrait une augmentation de la durée de vie des terminaux et une baisse de leurs consommations électriques unitaires". Ainsi, les deux scénarios correspondants (écoconception modérée ou généralisée) permettraient, par rapport à 2020, de limiter l’augmentation de l’empreinte carbone du numérique de 5% à 20%, de réduire la consommation de ressources abiotiques (métaux et minéraux) de 4% à 15% et réduire la consommation électrique finale de 23% à 42%.
Dans un autre scénario dit de "sobriété numérique", les utilisateurs substituent leurs équipements pour des terminaux moins consommateurs, les conservent plus longtemps et adoptent des usages sobres notamment en matière de flux vidéo. L'ensemble des acteurs,  industriels y compris, stabilisent leur nombre de terminaux, en particulier objets connectés, au niveau de 2020. Sans surprise, c’est ce scénario de "sobriété numérique" qui représente le levier le plus important pour maîtriser l’empreinte environnementale du numérique. Il permettrait de réduire l’empreinte carbone de 16% (soit 14 Mt CO2eq), la consommation de ressources abiotiques (métaux et minéraux) de 30% et la consommation électrique de l’ordre de 52% (soit 25 TWh) par rapport à 2020.

Les terminaux, premier levier d'inflexion

Dans tous les scénarios à l'horizon 2030, on repère une constante : ce sont les terminaux qui représentent la majorité de l’empreinte carbone (environ 80%) et l’épuisement des ressources abiotiques (plus de 90%). "Les terminaux sont donc le premier levier d’inflexion de l’empreinte environnementale du numérique", peut-on lire dans ce 3e rapport. A noter également que dans tous ces scénarios, la consommation électrique de chacun des composants du numérique - à savoir terminaux, centres de données et réseaux -  est également revue à la baisse. "La sobriété et l’écoconception ne sont bien entendu pas des stratégies exclusives l’une de l’autre", souligne l’Arcep, invitant "utilisateurs, fabricants de terminaux, opérateurs de centres de données et opérateurs de communications électroniques" à jouer un rôle clé.

L'empreinte carbone pourrait tripler entre 2020 et 2050

A horizon 2050, les projections sont encore pires si rien n’est fait pour réduire l’empreinte environnementale du numérique : l’empreinte carbone pourrait tripler entre 2020 et 2050 et représenter plus de 49 Mt CO2eq. La consommation électrique en France augmenterait quant à elle d’environ 80% pour atteindre 93 TWh dont 39 TWh dus aux centres de données.

Pour aboutir à la neutralité carbone du pays, l’étude envisage quatre modèles de société conçus par l’Ademe : "Génération Frugale", "Coopérations Territoriales", "Technologies Vertes" et "Pari réparateur". Dans le pire scénario, dit du "Pari réparateur", il apparaît que l’empreinte carbone pourrait quintupler par rapport à 2020 (soit 81 Mt CO2eq) et la consommation électrique pourrait presque tripler (x2,6) par rapport à 2020 (et atteindre 137 TWh) et ce "du fait notamment de l’explosion des objets connectés et du développement des centres de données", alerte le rapport. A contrario, elle pourrait être divisée par deux par rapport à 2020 dans le scénario "Génération frugale" (soit 9,3 Mt CO2eq) et la consommation électrique baisser de plus de 75% (et atteindre 12 TWh). "C’est le scénario qui atténue le plus l’empreinte environnementale du numérique", retient l’Autorité.
Mais là encore, dans tous les scénarios, les terminaux représentent toujours la majorité de l’empreinte carbone. Les centres de données représentent ensuite l’essentiel de l’empreinte en lien avec les besoins de traitement grandissants.

Que peuvent faire les collectivités ? 

Alors que peuvent faire les collectivités dans cet "effort collectif nécessaire" ? Elles peuvent commencer par lire ou relire les guides publiés par la mission "Numérique écoresponsable", copilotée par la Dinum et le ministère de l’Ecologie dans lesquels on leur recommande notamment de ne pas multiplier les écrans, dont la fabrication consomme énormément de ressources rares. Elles vont également devoir modifier leur pratique d’achat (lire notre article du 21 février 2022) car depuis la loi Chaize visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique de novembre 2021, communes et intercommunalités de plus de 50.000 habitants doivent se doter d’une "stratégie numérique responsable" au plus tard en 2025. Elles doivent désormais privilégier l’achat de matériels et produits numériques présentant un "indice de réparabilité", dès 2023, complété d’un "indice de durabilité", qui entrera en vigueur à partir de 2026. En matière d’infrastructures numériques, elles vont devoir promouvoir des datacenters moins énergivores et favoriser la mutualisation des antennes-relais.
Enfin, le plan progressif de fermeture du réseau cuivre est une évolution positive. Comme l'a souligné la présidente de l'Arcep lors de la remise du rapport, le cuivre est "quatre fois plus consommateur que la fibre" en énergie. Les réseaux d’accès cuivre consomment en effet en moyenne environ 35 kWh par abonnement en 2020, contre moins de 10 kWh sur les réseaux fibre. Mais l’énergie que les réseaux consomment augmente en moyenne de 5% chaque année. Ce qui fait craindre que l’énergie consommée par la fibre puisse doubler d’ici 2035. Malgré tout, ce passage de l'arrêt du cuivre et du déploiement de la fibre serait salvateur, même s'il n'est pas simple (notre article du 21 février 2023). 

 

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