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Impact environnemental du numérique : des préconisations pour les collectivités

Les contraintes réglementaires sur les achats et pratiques numériques écoresponsables des collectivités se resserrent. La mission interministérielle chargée d’accompagner les organisations à s’emparer du sujet a publié un nouveau guide pour les aider à prioriser leurs actions. La réduction du nombre d’écrans en fait partie.

Progressivement le verdissement des outils et pratiques numériques des administrations passe de l’incitation à l’obligation. En février 2020, chaque ministère a été invité par circulaire à initier un programme d’action. En février 2021, le ministère de l’Ecologie a publié sa feuille de route visant à développer les connaissances sur l’impact environnemental du numérique, à outiller les organisations et à favoriser l’innovation autour de la sobriété numérique. Les collectivités doivent pour leur part modifier leurs pratiques d’achat et sont désormais contraintes par une échéance. Depuis la loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique, portée par le sénateur Patrick Chaize (notre article du 3 novembre 2021), les communes et intercommunalités de plus de 50.000 habitants – curieusement les départements et les régions ne sont pas mentionnés – doivent se doter d’une "stratégie numérique responsable" au plus tard en 2025. "Une obligation assez vague car elle ne précise ni le pourquoi, ni le comment, ni le avec qui", a concédé Richard Hanna, chargé de projets numériques écoresponsables au sein de la Dinum lors d’un webinaire organisé le 18 février 2022 dans le cadre du programme TNT.

Les bonnes pratiques décryptées

C’est du reste pour éclairer les organisations, que la mission "Numérique écoresponsable", copilotée par la Dinum et le ministère de l’Ecologie, a été créée. Celle-ci compte déjà trois guides à son actif. Le premier porte sur "les achats éco-responsables" publié en avril 2021, dont les prescriptions vont aider les collectivités à respecter les nouvelles obligations introduites par la loi Chaize. Le second est un "référentiel d’écoconception de service numérique" sorti en octobre 2021. "Il s’inspire du référentiel général d’accessibilité (RGAA) mais n’en a pas l’assise règlementaire",  précise le chargé de mission. Le dernier opus, publié le 17 février, liste des bonnes pratiques en matière de stratégie, de formation, de pilotage, d’achats ou encore de stockage des données. Le guide est soumis à consultation publique jusqu’au 1er avril.

La multiplication des écrans en ligne de mire

Un ouvrage qui aidera les administrations et plus largement toutes les organisations, à mettre le pied à l’étrier et à définir des priorités. "Car le sujet est tout sauf immatériel. Derrière le numérique il y a des infrastructures, des serveurs, des terminaux qui consomment des ressources", rappelle le chargé de mission. Et de fustiger au passage le "green washing des Gafam qui parlent de neutralité carbone en omettant de préciser que leurs datacenters consomment des milliers de tonnes d’eau". Le premier moyen d’agir pour les administrations serait ainsi de ne pas multiplier les écrans, dont la fabrication consomme énormément de ressources rares. "Pourquoi avoir deux, voire trois écrans, faut-il absolument doter tous les agents d’un mobile professionnel ? Un ordinateur professionnel ne peut-il pas être utilisé pour certains usages personnels ? Voilà des leviers d’action concrets à l’impact certain, en tous les cas beaucoup plus que le rationnement des mails". Et si la collectivité achète du matériel reconditionné ou avec un fort indice de réparabilité et recycle ses équipements en fin de vie, le bénéfice environnemental est encore plus important.

Convaincre les décideurs

Interrogé sur la manière d’intéresser les élus à ces problématiques, le chargé de mission estime qu’il convient de les faire converger avec d’autres questions sociétales, comme l’illectronisme. Le développement de l’offre de terminaux reconditionnés devrait ainsi profiter aux plus défavorisés, la filière pouvant aussi créer des emplois locaux. Quant à mettre en rapport les externalités environnementales positives du numérique comme le souhaiterait le secrétaire d’Etat au numérique, la prudence s’impose. "Certaines études estiment qu’un gramme de CO2 émis par le numérique génère 10 grammes évités dans un autre secteur. Elles sont cependant à prendre avec précautions car elles viennent du lobby télécom", précise Richard Hanna. Et d’ajouter que si la mission regarde toutes les études sur les bénéfices du numérique, il n’est pas question d’évacuer la nécessité de réduire la consommation de ressources qu’engendrent terminaux et infrastructures.