Numérique et environnement : le gouvernement présente sa feuille de route
Le gouvernement a publié ce 23 février sa feuille de route "Numérique et environnement" qui vise à la fois à maîtriser l'empreinte environnementale du numérique et à mobiliser ce dernier au service de la transition écologique. Une grande partie des 15 mesures qu'elle contient seront mises en œuvre cette année, parmi lesquelles un encouragement au réemploi d'équipements informatiques et téléphoniques dans le secteur public.
Selon le ministère de la Transition écologique, le numérique serait responsable de 5% à 10% de l'impact environnemental en France, pas seulement en termes d'émissions de gaz à effet de serre mais aussi en consommation d'eau et de ressources naturelles. Et plus des trois quarts de cette empreinte trouvent leur origine dans la phase de production des équipements des utilisateurs (tablettes, ordinateurs, smartphones, etc.).
Pour essayer de maîtriser ses impacts, plusieurs types de travaux ont été menés ces derniers mois – Convention citoyenne pour le climat, rapport du Sénat sur l'empreinte environnementale du numérique, suivi d'une proposition de loi adoptée le 12 janvier dernier, feuille de route du Conseil national du numérique rédigée avec le Haut Conseil pour le climat (HCC), rapport de l'Arcep "pour un numérique soutenable", rapport du HCC sur l'empreinte carbone de la 5G. Autant de réflexions dont le gouvernement affirme s'être nourri pour élaborer sa feuille de route "Numérique et environnement" dont la version définitive a été publiée ce 23 février, après une présentation de premières mesures destinées à encourager la durée de vie des terminaux (smartphones, téléviseurs, ordinateurs...) lors d'un colloque à Bercy en octobre dernier.
Trois axes ont été retenus pour cette feuille de route, qui comporte 15 dispositions dont la plupart devraient être mises en oeuvre cette année : développer la connaissance de l’empreinte environnementale numérique, réduire cette empreinte, liée à la fabrication des équipements et au développement des usages, et innover en faisant du numérique "un levier de la croissance écologique".
Baromètre environnemental annuel des acteurs du numérique
Pour affiner la mesure de l’empreinte du secteur, une mission avait été confiée à l’automne dernier à l’Ademe et à l’Arcep pour évaluer l’impact environnemental du numérique en France et maîtriser son évolution. De premiers éléments sont attendus au printemps 2021 et le rapport final est annoncé pour l’été 2022. Surtout, un baromètre environnemental annuel des acteurs du numérique va être mis en place. L’Ademe et l’Arcep vont piloter la création de ce nouvel outil, qui s’appuiera sur la "collecte annuelle obligatoire de données environnementales" auprès des acteurs du numérique (opérateurs de téléphonie mobile, fabricants d’équipements, fournisseurs de contenus, éditeurs de logiciels, etc.). Mais il faudra une disposition législative pour que l'Arcep soit dotée d'un pouvoir de collecte de ces données. Autre annonce : le lancement prochain d'une étude consacrée au développement des objets connectés et de leurs effets.
Réemploi dans la commande publique
Parmi les mesures destinées à réduire l'empreinte du numérique en allongeant la durée de vie des équipements, le ministère de la Transition écologique met en avant plusieurs dispositions issues de la loi anti gaspillage pour l'économie circulaire (Agec) : déploiement depuis le 1er janvier 2021 de l’indice de réparabilité, nouveaux critères dans les commandes publiques visant à ce que 20% des matériels informatiques achetés par l’État ou les collectivités soient issus du secteur du réemploi ou élaborés à base de matériaux recyclés (un décret est en préparation). Le feuille de route veut aller encore plus loin via la formalisation de codes de bonne conduite avec les acteurs du numérique (fabricants, fournisseurs de contenus, éditeurs de logiciels) en matière d’impact environnemental, qui pourraient être portés à l’échelle européenne pour devenir opposables. D’autres mesures sont prévues dont la saisine de l’Arcep pour analyser les pratiques commerciales de téléphonie mobile subventionnée par les opérateurs télécoms et de leurs impacts, notamment au regard des autres pratiques de vente. Cette demande avait notamment été exprimée par la Convention citoyenne pour le climat. Le gouvernement prévoit aussi le lancement d'une campagne nationale de sensibilisation sur les pratiques numériques moins polluantes et entend poursuivre et finaliser la concertation avec les opérateurs télécoms, distributeurs et plateformes, en vue d’obtenir de leur part des engagements "forts" portant aussi bien sur la collecte et le reconditionnement des smartphones, que sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur et l’éco-conception des box et services numériques.
Datacenters et 5G
Autre mesure mise en avant : le soutien aux datacenters (centre de données) "écologiquement vertueux". La loi de finances 2021 va déjà leur permettre, à partir de 2022, de bénéficier du tarif réduit de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) s’ils mettent en œuvre un système de management de l’énergie. Le gouvernement étudie d'autres pistes pour "aller plus loin", en ajoutant des objectifs en matière de valorisation de la chaleur fatale et de consommation d’eau.
Alors que la Convention citoyenne réclamait un moratoire sur le déploiement de la 5G, la feuille de route propose que l’Arcep puisse "travailler aux voies et moyens de prise en compte des enjeux environnementaux dans les critères d’attribution des prochaines bandes de fréquence 26 GHz". L’attribution de ces fréquences pourrait être réalisée durant les "prochains mois voire les prochaines années", le secrétariat d’État au Numérique estimant qu’il n’y a sur ce sujet "pas d’urgence absolue". Fin 2020, le HCC avait pour sa part appelé à encadrer avec précaution l’attribution de cette bande de fréquence 26 GHz, "susceptible de perturber l’observation et la prévision météorologique".
Coup de pouce aux acteurs de la "Green Tech"
Au titre de l'axe innovation, la feuille de route prévoit un accompagnement des start-up Green Tech à fort potentiel par la Mission French Tech, pour accélérer leur développement. Les jeunes pousses de la Green Tech pourront aussi s'appuyer sur un fonds d'aide de 300 millions d'euros. Une mission va en outre être confiée au sénateur de Paris Julien Bargeton pour recenser et analyser les exemples concrets d’innovations numériques favorisant la transition au sein des territoires. Enfin, un appel à projets "organisé dans le cadre de la stratégie d’accélération '5G et futures technologies de télécommunication'" est prévu. Les projets sélectionnés (incluant "ceux mobilisant la 5G au service de l’environnement") pourront bénéficier de fonds du quatrième programme d’investissements d’avenir.