Plan d'action simplification : ce qui concerne les collectivités
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a dévoilé, mercredi 24 avril, son plan d'action sur la simplification de la vie des entreprises, comprenant un projet de loi et des mesures réglementaires. Bon nombre des 52 mesures de ce plan concernent directement les collectivités : accès aux marchés publics, assouplissement des règles d'urbanisme dans les énergies renouvelables, projets industriels inscrits dans le quota national "ZAN"... Le plan reprend aussi certaines décisions du Conseil national du commerce pour soulager la trésorerie des commerçants et fluidifier les ouvertures.
"Trop de normes tuent la croissance." Tel est le nouveau cheval de bataille du ministre de l'Economie Bruno Le Maire qui a présenté, en conseil des ministres, mercredi 24 avril, son "plan d'action" sur la simplification des entreprises, composé d'un projet de loi et de mesures réglementaires. Et ce au lendemain des annonces du Premier ministre Gabriel Attal appelant à "débureaucratiser" l'administration grâce à l'IA (voir notre article du 23 avril).
Selon un rapport sénatorial de 2023, la surcharge administrative engendre 84 milliards d'euros de pertes de production en France, soit au moins 3% du PIB, a déclaré le ministre, lors d'une conférence de presse, au côté de quatre autres membres du gouvernement, Stanislas Guerini (Fonction publique), Roland Lescure (Industrie), Olivia Grégoire (Entreprises) et Marina Ferrari (Numérique). Un patron de PME consacre en moyenne "8h par semaine" à la paperasse, "c'est révoltant et c'est décourageant", a pointé le ministre, évoquant même un risque de "déclassement européen par rapport à la Chine et aux Etats-Unis" du fait de cette bureaucratie.
Largement inspiré d'un autre rapport parlementaire qui lui avait été remis le 15 février (voir notre article du 16 février), le plan d'action repose sur un nouveau contrat de confiance entre l'administration et l'entreprise. Il tient en 52 mesures, dont 26 passeront par le projet de loi qui sera débattu au Sénat à partir du 3 juin.
Marchés publics
La commande publique - qui représente 160 milliards d'euros pour les entreprises chaque année a rappelé le ministre - y prend une large place. Au menu : plateforme unique, dossier unique, juridiction unique, règle unique pour les avances de trésorerie et transparence sur les délais de paiement. "D'ici à 2027, la commande publique aura été intégralement repensée pour faciliter la vie des entrepreneurs", a assuré le ministre. Ainsi, à compter de 2027, tous les marchés de l'Etat, de ses opérateurs, des hôpitaux et de la sécurité sociale passeront par la plateforme "Place" qui existe déjà mais pour les seuls marchés de l'Etat. Les collectivités pourront la rejoindre "volontairement", précise Bercy, dans son dossier de presse, ajoutant que "les sites des collectivités seront en outre rendus 'interopérables', c’est-à-dire qu’il sera possible de naviguer facilement entre eux".
L'accès des entreprises aux marchés sera simplifié : à partir de 2026, elles déposeront un dossier unique avec leur numéro de Siret. Ce dossier vaudra pour "tous les appels d'offres dans toute la commande publique", a indiqué le ministre. Ce sera à l'administration de rechercher les informations déjà transmises en application du principe "dites-le-nous une fois".
Le gouvernement entend aussi s'attaquer aux problèmes de trésorerie que peuvent rencontrer les très petites entreprises, notamment les artisans, au démarrage du projet. Le minimum d’avances pour les marchés de travaux publics des collectivités territoriales sera aligné sur celui de l'Etat, soit 30% au lieu de 10. La mesure concerne aussi les établissements publics dont le budget de fonctionnement est supérieur à 60 millions d'euros. Par ailleurs, les dépôts de garantie passeront de 5 à 3% du montant du marché.
Raccourcir les délais de paiement à 30 jours pour les collectivités
Autre grosse difficulté pour les petites entreprises : les délais de paiement. En théorie les collectivités sont tenues, comme l'Etat, à un délai de trente jours. Mais elles ne le respectent pas toujours. Le gouvernement mise sur la transparence pour les pousser à prendre leurs responsabilités. Dès aujourd'hui les délais de paiement moyen des collectivités locales de plus de 3.500 habitants seront publiés en Open Data (comme c'est déjà le cas pour l'Etat). A terme, la mesure sera étendue à toutes les collectivités et à tous les opérateurs de l'Etat.
Alors qu'aujourd'hui, le contentieux de la commande publique se partage entre juridiction administrative et juridiction judiciaire, selon le type de contrats, le plan prévoit que désormais le juge administratif sera compétent pour l'ensemble des contrats.
Projets industriels
Dans la continuité de la loi Industrie verte, le plan comporte tout un chapitre visant à "faciliter la réindustrialisation et les projets d'infrastructures". Le mot d'ordre : accélérer, avec trois mesures fortes qui ne sont pas sans rappeler celles contenues dans le projet de loi d'orientation agricole sur les projets de stockage d'eau et les grands bâtiments d'élevage. A rebours de ce que préconise l'Académie des technologies (voir notre article du 23 janvier), les grands projets industriels ne feront plus l'objet de débat au titre de la Commission nationale du débat public (CNDP), au motif que la loi industrie verte a "fortement renforcé les possibilités de faire évoluer le projet en cours de concertation". Par ailleurs, tous les projets industriels (création ou extension d'usines) bénéficieront automatiquement du quota national zéro artificialisation nette (ZAN). Enfin, les mesures de compensation environnementale (comme le déplacement d'espèces menacées) pourront être réalisées en parallèle du projet et non préalablement. "Nous allons paralléliser ces travaux de compensation (…). Cela veut dire que les grands projets industriels du port du Havre, grâce à ces travaux de parallélisation, seront construits d'ici 2027 plutôt que 2030, c'est trois ans de gagnés sur les grands projets industriels", s'est félicité le ministre délégué à l'industrie Roland Lescure.
Energies renouvelables
Par ailleurs, comme annoncé il y a quelques jours dans le plan d'action sur la production de pompes à chaleur (voir notre article du 16 avril), les règles d'urbanisme seront assouplies pour ne pas bloquer les projets d'énergies renouvelables. "Sur ce point comme dans beaucoup d'autres, Ubu est encore un peu roi dans notre beau pays", a estimé Roland Lescure. Les maires pourront ainsi déroger aux règles du plan local d’urbanisme pour permettre l’installation de pompes à chaleur ou de panneaux photovoltaïques sur le toit des immeubles, a-t-il pris pour exemple.
Le délai de recours des tiers contre l’autorisation environnementale sera ramené de 4 à 2 mois.
Le plan vise aussi à sécuriser le déploiement des antennes mobiles et à faciliter les projets d'usines de biogaz qui seront dispensées de bilan carbone dans les procédures de mise en concurrence. Pour les infrastructures énergétiques, les règles de la commande publique seront simplifiées, avec la possibilité de déroger à l’obligation d’allotissement.
Soulager la trésorerie des nouveaux commerçants
Comme l'avait annoncé Olivia Grégoire, le plan reprend certaines mesures décidées par le tout nouveau Conseil national du commerce (voir notre article du 5 avril). Il vise à soulager la trésorerie des nouveaux commerçants : mensualisation du loyer pour les commerçants qui en font la demande (au lieu d'un loyer trimestriel payé à l'avance), dépôt de garantie plafonné à 3 mois maximum, restitution du dépôt en cas de changement de propriétaire. "Cela représente en termes de flux, à peu près 2 milliards d'euros qui vont aller des bailleurs vers les commerçants, dans un moment de tension sur les trésorerie", a déclaré Olivia Grégoire (voir notre article du 23 avril). A compter de 2025, les magasins de moins de 300 m2 situés dans les centres commerciaux et désirant faire des travaux n'auront plus à demander d'autorisation ; une déclaration certifiée par un tiers indépendant suffira. Pour les commerces de plus de 1.000 m2, les autorisations commerciales seront simplifiées : demande en ligne, validité calée sur celle du permis de construire… Le plan s'adresse aussi aux indépendants qui, selon Olivia Grégoire, se trouvent bien souvent "oubliés dans les interstices des politiques publiques". A titre d'exemple, l'Urssaf sera présente dans les maisons France services dans une vingtaine de départements dès 2024, avant une généralisation en 2025.
Il comporte aussi des mesures symboliques avec la suppression des 1.800 formulaires cerfa d'ici 2030, dont 80% dès 2026, la simplification de la fiche de paie qui devrait passer de 55 à 15 lignes... Il prévoit enfin une remise à plat des aides de l'Etat aux entreprises.
Bruno Le Maire a annoncé une "revue complète" sur trois ans des 2.500 démarches administratives redondantes, comme l'obligation pour les employeurs de déclarer les arrêts maladie, soit 15 millions de déclarations amenées à disparaître. Il entend amorcer une "méthode révolutionnaire" : chaque année un nouveau projet de loi de simplification viendra faire le ménage.