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Culture - Projet de loi Création : amendements en tout genre au Sénat

Les sénateurs procéderont le 1er mars au vote solennel, en première lecture, du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine. Ils ont amendé le texte sur quelques points intéressant de près les collectivités. Le gouvernement a, comme annoncé, revu sa position sur la protection du patrimoine. A noter également : l'obligation de recours à un architecte pour l'aménagement d'un lotissement a été allégée ; les collectivités et les organismes HLM pourront à titre expérimental déroger à certaines règles de construction ; les EPCI sont autorisés à subventionner des entreprises pour exploiter des salles de cinéma...

Le Sénat a achevé l'examen par articles du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, déjà adopté par l'Assemblée nationale le 6 octobre 2015. Le vote solennel sur l'ensemble du texte est programmé pour le 1er mars. Le passage au Sénat n'a pas bouleversé l'équilibre général du projet de loi, une bonne part des modifications ayant déjà été introduites en commission de la culture (voir nos articles ci-contre des 2, 11 et 16 février 2016). Néanmoins, les sénateurs ont adopté plusieurs dispositions intéressant directement les collectivités territoriales et leurs établissements.

Exonération de CFE pour les entreprises mécènes

Un amendement du groupe écologiste (n°369 rect., art. 3) - adopté avec l'avis favorable de la commission, mais contre celui du gouvernement - donne la possibilité d'un conventionnement "dans la durée" entre les structures associatives culturelles et l'Etat et les collectivités. La rédaction initiale ne prévoyait qu'une simple attribution de labels.
Sur proposition de la commission, mais toujours contre l'avis du gouvernement (n°491, après l'art. 10 nonies), les sénateurs ont donné aux collectivités la possibilité d'accorder une réduction de cotisation foncière des entreprises (CFE) lorsque lesdites entreprises ont mené des actions de mécénat sur leur territoire.
Outre le coup de pouce à l'archivage numérique (voir notre article ci-contre du 16 février 2016), un amendement présenté par le gouvernement (n°522, après l'art. 17 A) crée un Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels (Cneserac) chargé de représenter le réseau d'une centaine d'établissements pilotés par le ministère de la Culture et regroupant 37.000 étudiants. Dans le même temps, deux amendements socialistes (n°322 et 323, art. 17) précisent les modalités d'accréditation des établissements d'enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines du spectacle vivant, des arts plastiques, du cinéma et de la communication audiovisuelle.

Vers un regroupement des collections publiques "inexploitées" ?

Pour protéger le patrimoine, un autre amendement du gouvernement (n°342, art. 18 B) rétablit le texte de l'Assemblée créant de nouvelles infractions d'importation illicite de biens culturels, d'une part, et d'importation, exportation, transit, vente, acquisition et échange de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un Etat protégé par une résolution des Nations Unies (allusion à la situation de la Syrie), d’autre part.
Adopté contre l'avis du gouvernement et de la commission, un amendement du groupe socialiste (n°297 rect., après l'art. 19 bis) pourrait - s'il est maintenu - faire grincer des dents chez les conservateurs. Il prévoit en effet d'imposer le regroupement des collections publiques "inexploitées" des musées dans des musées "Pôles nationaux de référence".
Sur l'archéologie, le Sénat a adopté un amendement du groupe socialiste (n°136 rect, art 20), supprimant l'obligation d'une enquête publique préalable, avec avis des élus, pour les zones de prescriptions archéologiques définies par l'Etat.
Pour sa part, le groupe RDSE (radicaux) a fait adopter une disposition (n°443 rect. bis, art. 23) réservant la présidence de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture à "une personne titulaire d'un mandat électif qui en est membre".

Le patrimoine en vedette

L'article 24 du projet de loi - consacré à la protection du patrimoine - a donné lieu au plus grand nombre d'amendements (76, sur un total de 532). Comme Fleur Pellerin, alors ministre de la Culture, s'y était engagée (voir notre article ci-contre du 11 février 2016), le gouvernement a sérieusement revu sa position sur la question.
Un amendement déposé par ses soins (n°416 rect. bis, art.24) "préserve le rôle de l'Etat en matière de protection des abords des 43.000 monuments historiques". L'exposé des motifs précise également que "la protection des monuments historiques et de leurs abords est et doit rester la prérogative de l'État, sauf à fragiliser l'ensemble de ce dispositif hérité de la loi de 1913".
Les autres amendements sur ce même article 24 ont légèrement assoupli les conditions relatives à l'inconstructibilité des parties des domaines nationaux appartenant à l'Etat ou à l'un de ses établissements (n°519), encadré l'exploitation commerciale des représentations et images des domaines nationaux (n°3 rect.), introduit une période transitoire dans la création de la catégorie législative des domaines nationaux, qui constitue l'une des avancées importantes du projet de loi (n°1 rect. bis), ou encore prévu que les sites patrimoniaux protégés "sont dotés d'outils de médiation et de participation citoyenne" (n°195 rect).

Communes, EPCI et classement

Toujours à l'article 24, un amendement de la commission de la culture (n°517) permet à une commune membre d'un EPCI de solliciter le classement au titre des sites patrimoniaux protégés, l'EPCI devant toutefois donner son accord préalablement à la décision de classement (sauf cas particulier de la procédure de classement par décret en conseil d'Etat). De même (n°307 rect. ter, n°190 rect. bis), les sénateurs ont prévu le recueil par l'EPCI de l'accord des collectivités concernées pour la gestion future des sites patrimoniaux protégés non couverts par un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV).

Précisions sur les PSMV

Le Sénat a également précisé le rôle de l'architecte des bâtiments de France (ABF) dans l'accompagnement des plans de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) ou de tout autre plan sur le périmètre d'une cité historique (n°153 rect.). Contre l'avis du gouvernement et de la commission, un amendement émanant de sénateurs Les Républicains (n°349 rect.) oblige le préfet de région à rendre une décision explicite et motivée en cas d'appel des décisions de l'ABF. Le même groupe a également fait adopter une disposition (n°191 rect. quater, n°339 rect. bis, n°399 rect.) prévoyant que les PSMV auront le même régime fiscal que les secteurs sauvegardés et les plans de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine le même que celui des aires de valorisation de l'architecture et du patrimoine (Avap). Dans le même esprit, un amendement socialiste (n°427 rect. bis) prévoit les mêmes dispositions.
De son côté, la rapporteure de la commission de la culture a clarifié les différentes étapes de la procédure d'élaboration de ces outils et, en particulier, celles relatives à l'approbation du plan (n°528).

Le nom de l'architecte

En matière d'architecture, les sénateurs ont décidé que "le nom de l'architecte auteur du projet architectural est affiché sur le terrain avec l'autorisation d'urbanisme délivrée par l'autorité compétente" (six amendements émanant de la plupart des groupes sur l'art. 26). L'objectif de cette disposition est de lutter contre les faux et les signatures de complaisance.
Un amendement du groupe socialiste (n°157 bis rect., art. quater) - voté contre l'avis du gouvernement et de la commission - allège l'obligation de recours à un architecte pour l'aménagement d'un lotissement. Les mêmes ont également fait adopter - mais cette fois-ci avec l'aval du gouvernement - un amendement (n°158 rect. ter, art. 26 quinquies) revenant au texte de l'Assemblée et prévoyant un abaissement à 150 m2 du seuil de recours obligatoire à l'architecte, pour un particulier.

Dérogations expérimentales et alignement des marchés pour les HLM

Même rétablissement pour la disposition de l'Assemblée instaurant la possibilité, pour les collectivités et les organismes HLM, de déroger à certaines règles en vigueur - à titre expérimental - pour la construction d'équipements publics ou de logements sociaux (n°160 rect. bis, art 26 undecies).
Des amendements convergents (n°9 rect. bis, n°51 rect. quinquies, n°163 rect., art 26 quaterdecies) ont - malgré l'avis défavorable de la commission et du gouvernement - aligné la passation des marchés des offices publics de l'habitat (OPH) sur les règles applicables aux collectivités territoriales et rappelé ce principe dans la partie législative du code de la construction et de l'habitation.

De tout, un peu

Enfin, divers amendements ponctuels instaurent un avis conforme de l'ABF pour l'implantation d'éoliennes visibles depuis un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques ou d'un site patrimonial protégé, dans un rayon de 10.000 mètres (n°465 rect. bis, après l'art 23), autorisent les EPCI à subventionner des entreprises pour exploiter des salles de cinéma (n°170 rect., après l'art 35) ou prévoient que les visites guidées dans les musées de France ou dans les monuments historiques ouverts au public sont assurées par des personnes qualifiées, titulaires d'une carte professionnelle de guide conférencier (n°525, après l'art. 37 bis).

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 6 octobre 2015, examiné par le Sénat du 9 au 17 février 2016, vote sur l'ensemble prévu le 1er mars 2016).


 

 

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