Culture - Les villes et pays d'art et d'histoire mobilisent contre le projet de loi Création
Dans une adresse envoyée au président de la République et au Premier ministre, l'Association nationale des villes et pays d'art et d'histoire et des villes à secteurs sauvegardés et protégés (ANVPAH-VSSP) estime que le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine - adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 6 octobre dernier (voir notre article ci-contre du 8 octobre 2015) - "menace la sauvegarde des 800 centres anciens actuellement préservés... et les autres !". Après que de nombreux maires - de droite ou de gauche - ont déjà paraphé le document, l'association invite tous les élus concernés à signer à leur tour l'adresse sur son site internet.
Non à la "cité historique"
L'inquiétude des signataires vise l'une des dispositions phares du projet de loi : la fusion des dispositifs actuels d'espaces protégés - secteurs sauvegardés, aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (Avap) et zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP) - en un seul dispositif, baptisé la "cité historique".
Auditionné en décembre dernier par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat (voir notre article ci-contre du 17 décembre 2015), l'ancien sénateur Yves Dauge, membre fondateur de l'ANVPAH, avait déjà exprimé de vives inquiétudes sur les possibles conséquences du projet de loi en terme d'efficacité de la protection du patrimoine. Derrière les arguments techniques transparaissent aussi les craintes de certaines communes face au transfert programmé aux intercommunalités de la compétence sur le plan local d'urbanisme et, en l'espèce, du PLU dit patrimonial. L'adresse au chef de l'Etat explique ainsi que "c'est mal connaître le fonctionnement d'une intercommunalité que d'imaginer que toutes accèderont à la demande et au bénéfice d'un seul de ses membres d'investir pour élaborer des plans de protection".
Le maintien de l'Etat et l'intercommunalité en ligne de mire
Face à ces inquiétudes, les élus signataires demandent donc "que ces patrimoines, d'intérêt national ou régional, soient protégés avec des règles ambitieuses élaborées et portées de concert avec l'Etat" et que "les évolutions législatives maintiennent la qualité de la protection des villes, quartiers, villages, espaces naturels, sans laquelle la France ne serait pas aujourd'hui ce qu'elle est".
Plus précisément, l'adresse au président de la République formule un certain nombre de revendications. Elle demande ainsi "le maintien des échelons actuels que sont les secteurs sauvegardés et les Avap (ou les ZPPAUP non encore transformées en Avap). Elle réclame aussi le maintien d'une conception nationale des politiques mises en œuvre dans les secteurs protégés et la préservation du rôle actuel de la commission nationale des secteurs sauvegardés.
Les signataires demandent également une modification du Code de l'urbanisme, en vue de créer un PLU "cité historique", dont le règlement s'appuie sur un inventaire préalable. Plusieurs dispositions devraient venir "verrouiller" ces PLU : portée juridique et opérationnelle au moins équivalente à celle des Avap, élaboration en concertation avec l'architecte des bâtiments de France et avec l'appui de la future commission régionale du patrimoine et de l'architecture, accord de l'Etat pour l'établissement, la modification ou la révision de ces PLU, "pour éviter les retours en arrière intempestifs"... Enfin, les signataires réclament "la faculté de conserver la compétence d'urbanisme patrimonial à l'échelon communal en cas de blocage au sein de l'intercommunalité".