Création et Patrimoine - Vote en première lecture du projet de loi Création : zoom sur les amendements concernant les collectivités
L'Assemblée nationale a adopté mardi 6 octobre, en première lecture, par 297 voix contre 195, le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine composé de 46 articles, dont le second mentionne que "l'Etat, à travers ses services centraux et déconcentrés, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, définissent et mettent en œuvre une politique de service public en faveur de la création artistique".
Les socialistes, les radicaux de gauche, les écologistes et le Front de gauche ont apporté leurs suffrages au texte, même si trois socialistes et deux élus Front de gauche se sont abstenus. Les centristes de l'UDI ont choisi l'abstention. Le groupe Les Républicains a, quant à lui, voté contre un projet jugé "fourre-tout", par François de Mazières, député-maire de Versailles (Yvelines), qualifiant de "principale erreur" du projet "les cités historiques", dispositif phare du volet patrimoine qui vise à fusionner les dispositifs d'espaces protégés existants (secteurs sauvegardés, aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine/Avap et zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager/ZPPAUP). Le débat parlementaire sur ce sujet n'a toutefois pas donné lieu à beaucoup d'amendements.
Le point sur les amendements concernant les collectivités, parmi les 76 adoptés par l'Assemblée nationale.
Labels – Il a été ajouté des précisions sur les conditions d'attribution, par le ministre de la Culture, des labels à des structures (dont les services en régie d'une collectivité territoriale) qui en font la demande et dont le projet artistique et culturel "présente un intérêt général pour la création artistique dans les domaines du spectacle vivant ou des arts plastiques". Le texte prévoit désormais que ce label sera attribué à des projets "qui doivent respecter les principes de transparence, d'égalité d'accès des femmes et des hommes aux responsabilités, de renouvellement des générations et de mixité sociale" (art.3).
1% "Travaux publics" – Dans les six mois suivant la promulgation de la loi, le gouvernement remettrait au Parlement un rapport sur l'opportunité de mettre en place un dispositif permettant à l'Etat, aux collectivités territoriales et à leurs groupements de "consacrer 1% du coût des opérations de travaux publics au soutien de projets artistiques et culturels dans l'espace public" (art.3 bis).
Artiste amateur – Plusieurs amendements gouvernementaux, rédigés à l'issue d'une "concertation approfondie", visent à "reconnaître et valoriser la pratique amateur" et notamment celle des conditions de leur participation à des spectacles avec des professionnels. L'article amendé ouvre la possibilité la participation des amateurs "sans être tenues de les rémunérer, dans la limite d'un nombre annuel de représentations défini par voie réglementaire, et dans le cadre d'un accompagnement de la pratique amateur ou d'actions pédagogiques et culturelles" (art.11.A).
Patrimoine immatériel - Les députés ont adopté un nouvel article qui reconnaît le patrimoine culturel immatériel "au sens de l'article 2 de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, adoptée à Paris le 17 octobre 2003" (art.18A).
Archives – Un nouvel article prévoit que la conservation des archives numériques des collectivités territoriales et de leur groupement peut faire l'objet d'une mutualisation entre services publics d'archives, dans des conditions qui seront déterminées par décret en Conseil d'Etat (art.18 ter). Par ailleurs, les délais de dépôt aux services départementaux d'archives et des archives anciennes des communes de moins de 2.000 habitants seraient raccourcis, avec la possibilité de déroger à la règle du dépôt et de conserver elles-mêmes leurs archives anciennes. Un amendement gouvernemental ajoute la possibilité, pour les communes, de confier leurs archives anciennes au service d'archives de leur interco ou à celui de la commune qui gère les archives de cette interco, comme elles en auront la faculté pour les archives plus récentes (art.18 quater A).
Archéologie préventive – Suite à l'adoption d'un amendement gouvernemental, les services des collectivités territoriales ayant reçu l'agrément pour pouvoir réaliser des opérations de diagnostic et de fouilles d'archéologie préventive "contribuent à l'exploitation scientifique des opérations d'archéologie qu'ils réalisent et à la diffusion de leurs résultats" et peuvent "participer à l'exploitation scientifique des opérations d'archéologie" que ces opérations soient réalisées par ces collectivités ou sur leur territoire.
L'agrément aux opérateurs d'archéologie préventive est toujours délivré par l'Etat, mais désormais "après avis du Conseil national de la recherche archéologique" et au vu d'un dossier établissant non seulement "la capacité scientifique, administrative, technique et financière du demandeur" comme le prévoyait initialement le texte, mais aussi "son respect d'exigences en matière sociale, financière et comptable" (art.20).
Un nouvel article stipule que les dépenses engagées dans le cadre des contrats de fouilles archéologiques n'ouvrent pas droit au crédit impôt recherche, au motif que cet impôt "a vocation à soutenir les efforts de recherche et développement (R&D) des entreprises, pas à subventionner un secteur d'activité comme celui de l'archéologie préventive", explique l'auteur de l'amendement, Marie-George Buffet (FG), indiquant que "les quatre entreprises agréées qui représentent environ 25% du chiffre d'affaires annuel du secteur privé de l'archéologie préventive ont sollicité en 2014 pour près d'un million d'euros de crédit d'impôt recherche", pouvant ainsi baisser leur prix d'où "une distorsion de concurrence évidente, au détriment des acteurs publics de l'archéologie préventive" (art.20 bis).
Patrimoine mondial de l'Unesco – Le rapporteur a fait adopter un amendement visant à prendre obligatoirement en compte la délimitation de zones tampons autour des biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. Et un amendement gouvernemental a ajouté "sauf s'il est justifié qu'elle n'est pas nécessaire", se référant à l'annexe 5 de la Convention Unesco sur le patrimoine mondial (art.23).
Dérogation aux règles de construction – A titre "expérimental" et pour une durée de sept ans suivant la promulgation de la loi, l'Etat et les collectivités territoriales "peuvent, pour la réalisation d'équipements publics, déroger à certaines règles en vigueur en matière de construction dès lors que leur sont substitués des résultats à atteindre similaires aux objectifs sous-jacents auxdites règles". Un décret en Conseil d'Etat fixera les règles qui peuvent faire l'objet de cette expérimentation ainsi que les résultats à atteindre qui s'y substituent. Il déterminera également les conditions dans lesquelles l'atteinte de ces résultats est contrôlée. Le gouvernement remettra au Parlement un rapport d'évaluation trois mois avant la fin de l'expérimentation (art.26 undecies).
Par ailleurs (art.36), pour les immeubles situés dans le périmètre des abords d'un monument historique ou dans celui d'une cité historique, un amendement du rapporteur a été adopté visant à permettre de déroger aux règles inscrites dans le PLU relatives à l'emprise au sol, à la hauteur, à l'implantation et à l'aspect extérieur des constructions afin d'autoriser des opérations d'isolation (isolation en saillie des façades des constructions existantes ou isolation par surélévation des toitures des constructions existantes) ou des dispositifs de protection contre le rayonnement solaire en saillie des façades.
Qualité architecturale – Un amendement du rapporteur, adopté par les députés, raccourcit d'au moins la moitié les délais d'instruction des demandes de permis de construire présentées par les particuliers et les exploitants agricoles qui choisissent de recourir à un architecte alors que la loi ne les y oblige pas (art.26 duodecies).
Marchés publics globaux – Un nouvel article complète l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics pour revenir au droit antérieur concernant les marchés de conception, de réalisation, d'exploitation ou de maintenance, en encadrant le recours par les acheteurs soumis à la loi "MOP" (loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique). Pour mémoire, ces acheteurs devaient, pour recourir à de tels marchés, remplir les conditions des marchés de conception-réalisation. Désormais, ils le peuvent aussi "si des motifs d'ordre technique ou un engagement contractuel sur un niveau d'amélioration de l'efficacité énergétique rendent nécessaire l'association de l'entrepreneur à la conception de l'ouvrage" (art.26 quaterdecies).
Cité historique / Plan de sauvegarde et de mise en valeur – Lorsque l'élaboration du plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) relève de la compétence d'un EPCI, la commune membre dont le territoire est intégralement ou partiellement couvert par le périmètre d'une cité historique pourrait quand-même, grâce à l'adoption d'un amendement du rapporteur, "conduire les études préalables à l'élaboration du plan", au motif que "la protection et la mise en valeur du patrimoine de la commune couverte par une cité historique ne seront pas nécessairement considérés comme une priorité pour l'intercommunalité alors qu'elles constitueront un enjeu essentiel pour la commune concernée". Et de préciser dans l'exposé des motifs que "Pour garantir la cohérence des documents d'urbanisme, le PSMV sera ensuite élaboré puis approuvé par l'autorité compétente en matière de document d'urbanisme", sachant que "sur le périmètre qu'il recouvre, le PSMV tient lieu de plan local d'urbanisme" (art.36) A noter aussi qu'un amendement adopté précise que "l'Etat apporte son assistance technique et financière à l'autorité compétente pour l'élaboration et la révision du PSMV ou du plan local d'urbanisme couvrant le périmètre de la cité historique" (art.25).