Projet de loi 3DS : l'Assemblée adopte et modifie les disposition sur le logement et l'urbanisme
Lors de leur examen en séance publique du projet de loi 3DS, les députés ont notamment amendé le volumineux titre III, soit 62 articles consacrés aux dispositions relatives à l'urbanisme et au logement. Loi SRU, attribution des logements sociaux, encadrement des loyers, Dalo, opérations de revitalisation de territoire et urbanisme commercial, organismes de foncier solidaire, droit de préemption urbain, projets partenariaux d'aménagement, délais pour le zéro artificialisation nette... Les enjeux de ce titre III sont nombreux et importants.
Après son passage en commission des lois de l'Assemble nationale (voir notre article du 1er décembre 2021), le projet de loi 3DS (relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale) était débattu en séance publique du 6 au 17 décembre, avant un vote solennel sur l'ensemble du texte programmé pour le 4 janvier 2022. A cette occasion, les députés ont notamment examiné les 62 articles consacrés aux dispositions relatives à l'urbanisme et au logement. L'occasion d'apporter encore de nouveaux amendements à un texte déjà très dense et complexe.
Des précisions sur les exemptions SRU
Sur l'article 15, qui adapte les critères d'exemption de l'application des obligations de la loi SRU dans certains contextes particuliers (introduction d'un critère d'isolement et de difficultés d'accès aux bassins d'activité et d'emploi, élargissement à tous les territoires l'application du critère de faible tension sur la demande de logement social), les députés ont ajouté une disposition exonérant des "servitudes de mixité sociale" et du quota de logements sociaux dans une opération de construction, les opérations portées par le ministère de la Défense dans les communes exemptées pour inconstructibilité. A l'article 16, deux amendements identiques rajoutent les aires de grand passage pour les gens du voyage à la liste des dépenses qui peuvent être déduites par les communes déficitaires de leur prélèvement financier au titre de la loi SRU. Il s'agit d'une mesure de cohérence, puisque les aires permanentes d'accueil figuraient déjà dans cette liste.
L'article 17, qui pérennise au-delà de son échéance initiale de 2025 le dispositif SRU d'obligation d'un taux légal de logement social (20% ou 25% selon le niveau de tension locative des territoires), a vu l'adoption de pas moins de 16 amendements, toutefois essentiellement rédactionnels. On retiendra cependant une disposition ouvrant la possibilité de conclusion d'un contrat de mixité sociale intercommunal, mutualisant les objectifs triennaux de rattrapage, pour les communes entrant nouvellement dans le dispositif SRU. Un autre amendement concerne les communes présentant un taux d'inconstructibilité de leur territoire urbanisé compris entre 30 et 50% (au-delà de 50% les communes sont exonérées des obligations de la loi SRU). Dans ce cas, le préfet peut, sur demande motivée de la commune, déroger à la limitation de durée du contrat de mixité sociale abaissant les objectifs, fixée à deux périodes triennales au maximum par le projet de loi. En d'autres termes, l'obligation SRU demeure, mais la commune concernée dispose de plus de temps pour la remplir. Un autre amendement étend également cette possibilité aux communes de moins de 5.000 habitants. Pour mémoire, la commission des lois était revenue sur l'assouplissement, jugé trop laxiste, introduit par le Sénat sur l'échelonnement de la mise en conformité des communes nouvellement soumises aux objectifs de construction de logements sociaux.
PLM et SRU : des objectifs de logements sociaux fixés au niveau de l'arrondissement
Sur l'article 18, consacré aux contrats de mixité sociale, les députés ont adopté – avec l'avis favorable de la commission et du gouvernement – trois amendements identiques (PS, LREM et PC) qui pourraient se révéler assez lourds à mettre en œuvre. Ces amendements, qui reprennent une proposition de la commission nationale SRU du 27 janvier dernier, prévoient de fixer, au sein du contrat de mixité sociale, les objectifs de réalisation de logements sociaux au niveau de l'arrondissement pour les communes de Paris, Lyon et Marseille, et non plus au niveau de l'ensemble de la commune. L'objectif affiché est de "favoriser le rééquilibrage territorial sans ralentir le rythme des créations de logements sociaux comptabilisés à l'échelle de la commune". Toujours sur l'article 18, un autre amendement supprime la nécessité d'un avis conforme de la commission nationale SRU sur les contrats locaux de mixité sociale. Le principe d'un avis – désormais non obligatoire – de la commission est en revanche maintenu.
A l'article 19, qui renforce notamment les sanctions financières applicables aux communes carencées par l'instauration de taux de majorations "plancher", un amendement atténue quelque peu la portée de l'application de la disposition de l'article précédent sur le cas de Paris, Lyon et Marseille. En effet, si les contrats de mixité sociale seront bien élaborés à l'échelle de chaque arrondissement, cet amendement confirme qu'une éventuelle procédure de carence ne sera engagée que sur le seul fondement des résultats obtenus à l'échelle communale, "compte-tenu du statut de l'arrondissement". Pour mémoire, la commission des lois était revenue, lors de l'examen de cet article, sur les assouplissements introduits par le Sénat sur le régime du constat de carence de logements sociaux, rétablissant ainsi les sanctions à l'encontre des communes carencées et le transfert au préfet du droit de préemption urbaine.
Après l'article 20 quinquies, deux amendements identiques des groupes PS et PC introduisent un nouvel article interdisant la vente de logements sociaux dans les villes faisant l'objet d'un arrêté de carence ou dans celles engagées dans un contrat de mixité sociale. Cette disposition ayant été adoptée contre l'avis de la commission et du gouvernement, son sort dans le texte final apparaît donc incertain.
Attribution de logements sociaux et encadrement des loyers
A l'article 22, qui traite principalement des modalités d'attribution des logements sociaux et de la mise en œuvre de la cotation et de la gestion en flux, un amendement du groupe Modem introduit plusieurs dispositions nouvelles pour pallier l'échec des dispositions de la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté (LEC). Celle-ci prévoit qu'au moins 25% des attributions annuelles de logements sociaux hors QPV doivent être consacrées à 25% des demandeurs du premier quartile de revenu ou à des personnes relogées dans le cadre d'opérations de renouvellement urbain ou de requalification de copropriétés dégradées. Or, à ce jour, seuls 8% des EPCI concernés respectent cette obligation et seuls 15% des demandeurs du premier quartile ont été logés en dehors d'un QPV. L'amendement prévoit donc la transmission au préfet, pour vérification, des attributions effectuées hors QPV, ainsi qu'une sanction financière à l'encontre des bailleurs ne transmettant pas ces informations. Cette sanction est limitée dans le temps et proportionnée à l'objectif poursuivi de mixité sociale. L'amendement prévoit également la reprise des attributions par le préfet jusqu'à l'atteinte de cet objectif.
Sur l'article 23, qui prolonge l'expérimentation de l'encadrement des loyers (huit ans au lieu de cinq à compter de la publication de la loi Elan soit jusqu'en 2026), quatre amendements similaires (Agir ensemble, LREM, Modem et le rapporteur), adoptés avec l'avis favorable du gouvernement, prévoient que le préfet peut déléguer son pouvoir de sanction de non-respect de l'encadrement des loyers. Cette délégation est possible au profit des présidents des EPCI compétents en matière d'habitat, du maire de Paris, des présidents des établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris, du président de la métropole de Lyon ou du président de la métropole d'Aix-Marseille-Provence (cette dernière ne participant pas à l'expérimentation de l'encadrement). Toujours sur l'encadrement des loyers, un amendement après l'article 23, émanant du groupe LFI et sous-amendé par le rapporteur, soumet l'ensemble des annonces relatives aux biens mis en location, qu'elles émanent d'un particulier ou d'un professionnel, aux même obligations d'information (autrement dit étend ces obligations aux particuliers).
Dalo, Anru et ORT
Trois amendements identiques (PS, LREM et PC) introduisent un article additionnel après l'article 25 permettant aux personnes à mobilité réduite et occupant un logement non adapté d'être reconnues prioritaires au titre du Dalo (droit au logement opposable). Un amendement du groupe LREM à l'article 25 bis A permet à l'autorité organisatrice de l'habitat, dès lors qu'elle est signataire d'une convention pluriannuelle au titre du NPNRU (nouveau programme national de rénovation urbaine), de faire en sorte que les communes déficitaires au sens de l'article 55 de la loi SRU, situées en dehors de l'unité urbaine mais membres de l'EPCI, accueillent des programmes de reconstitution de l'offre locative sociale financés par l'Anru, dès lors qu'il n'existe aucune commune déficitaire à l'intérieur de l'unité urbaine concernée.
De son côté, le gouvernement n'a fait adopter que peu d'amendements sur les dispositions relatives à l'urbanisme et au logement. Deux d'entre eux insèrent un article additionnel après l'article 26. Le premier introduit, à titre expérimental, plusieurs mesures pour renforcer l'attractivité des ORT (opérations de revitalisation de territoire) pour les collectivités et accélérer leur engagement dans la signature de ces documents en renforçant leurs prérogatives en matière de régulation de l'urbanisme commercial. L'expérimentation permet, sous certaines conditions, de confier la délivrance des autorisations d'exploitation commerciale (AEC) à l'autorité compétente en matière d'urbanisme (maire ou président de l'EPCI), en lieu et place de la CDAC (commission départementale d'aménagement commercial). Dans le même esprit, le second amendement du gouvernement entend favoriser la réhabilitation des entrées de villes et des zones pavillonnaires, en permettant aux collectivités d'identifier ces secteurs et les opérations à conduire dans le cadre de leurs ORT.
Un autre amendement gouvernemental à l'article 27 clarifie la possibilité pour les conservatoires d'espaces naturels d'être attributaires – au même titre que le Conservatoire du littoral – des biens vacants et sans maître, "certains de ces immeubles pouvant présenter de réels enjeux pour la préservation de la biodiversité ou la lutte contre l'artificialisation des sols".
Nouvelles mesures pour les offices fonciers solidaires
Un amendement du groupe LR à l'article 27 Ter (consacré aux échanges de parcelles ayant pour objet de modifier le tracé ou l'emprise d'un chemin rural) instaure un dispositif d'information "par mise à disposition des plans du dossier et d'un registre, en mairie avant la décision, pendant un mois", précédé d'un avis d'information publié dans deux journaux locaux.
Pour sa part, l'article 28 (qui renforce et étend les compétences des organismes de foncier solidaire) a vu l'adoption d'une dizaine d'amendements. Plusieurs d'entre eux – inspirés par l'USH (Union sociale pour l'habitat – tirent les conséquences de la loi Elan de 2018 qui a permis aux bailleurs sociaux d'être agréés OFS et de conclure des baux réels solidaires (BRS). Cet amendement clarifie notamment l'assimilation de la conclusion du BRS à une vente d'un HLM au sens du Code de la construction et de l'habitation. Un autre amendement (PC) – adopté avec l'avis favorable de la commission et du gouvernement – prévoit l'intervention, dans le processus d'agrément des OFS, d'un avis des comités régionaux de l'habitat et de l'hébergement. L'objectif affiché est d'éviter, même si le phénomène reste aujourd'hui marginal, qu'avec la multiplication des OFS sur un même territoire, certains acteurs utilisent le dispositif OFS et BRS "non pas dans une perspective de proposer une offre de logements la plus abordable qui soit, mais comme un outil de captation du foncier, et donc pouvant alimenter la spéculation foncière".
Après l'article 28 bis, toujours consacré aux OFS, le gouvernement a introduit deux articles supplémentaires. Le premier facilite le recours des OFS à l'emprunt en permettant au département de garantir les emprunts souscrits par ces derniers et en écartant l'application de la règle prudentielle relative à la quotité maximum de l'emprunt susceptible d'être garantie par les collectivités territoriales. Cette dernière disposition vaut aussi pour les régions (qui pouvaient déjà garantir les emprunts des OFS). Le second amendement gouvernemental clarifie et élargit les possibilités de délégation du droit de préemption urbain (DPU) renforcé, dans le cadre d'une ORT.
Délais desserrés pour l'adaptation des documents d'urbanisme au ZAN
Sur l'article 30 – qui renforce les outils mobilisables dans le cadre des projets partenariaux d'aménagement (PPA) et des grandes opérations d'urbanisme (GOU) –, plusieurs amendements identiques ouvrent la possibilité de mobiliser la procédure simplifiée d'extension du périmètre des établissements publics fonciers (EPF) de l'Etat dès la mise en place d'un PPA et dans le cadre d'une ORT. Cela permettra de toucher un plus grand nombre de territoires, alors que, pour l'instant, les deux seuls GOU existantes concernent de grandes métropoles.
Sur l'article 30 bis AA, un amendement du gouvernement, repris également en termes identiques par trois amendements d'origine parlementaire, desserre quelque peu les délais prévus initialement par la loi Climat et résilience du 22 août 2021 en matière d'intégration des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols (dans le cadre du ZAN, ou zéro artificialisation nette d'ici à 2050) dans les documents de planification et d'urbanisme. Ces délais initiaux étaient en effet jugés irréalistes, de façon unanime (voir notre article du 15 novembre 2021), notamment vis-à-vis du premier sous-objectif prévoyant, pour une première période de dix ans, une réduction de moitié de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers par rapport aux dix années précédentes. L'amendement gouvernemental prévoit donc de donner six mois supplémentaires pour l'entrée en vigueur des documents de planification régionale (les régions étant les premières à devoir modifier leurs documents). Il en est de même pour les SCoT (schémas de cohérence territoriale) qui, bien de niveau infrarégional, doivent "contribuer efficacement à la définition des enjeux au niveau régional".
Références : projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (adopté en première lecture par le Sénat le 21 juillet 2021, examiné par l'Assemblée nationale du 6 au 17 décembre, vote solennel sur l'ensemble du texte prévu le 4 janvier 2022). |