Inondations - Procès Xynthia: "une chaîne d'irresponsabilités" menant au drame, selon un sénateur
La mort de 29 personnes en 2010 à La Faute-sur-Mer (Vendée) s'explique par "une chaîne d'irresponsabilités" des élus, mais aussi de l'Etat, a estimé ce 3 octobre Alain Anziani. Le sénateur PS de Gironde, rapporteur de la mission commune d'information du Sénat créée après la tempête Xynthia pour "éviter de nouveaux drames", était cité par la défense au procès qui se tient actuellement au tribunal correctionnel des Sables d'Olonne. Lors de la tempête, "rien n'a bien fonctionné (...), a déclaré le sénateur. Cité par l'ancien maire de La Faute-sur-Mer, René Marratier, qui est jugé notamment pour "homicides involontaires", le sénateur a épinglé une série de "défaillances". Première d'entre elles, l'alerte rouge de Météo-France, qui, la veille des faits, n'a pas anticipé "l'effet de la vague au sol". Deuxième "défaillance", les systèmes d'alerte qui "dataient des années 1930". Troisième "défaillance", l'information auprès de la population, "la seule qui vaille étant de dire aux gens 'restez ou partez'". "Quelle est la responsabilité des élus, de l'administration ? Au fond, j'ai envie de dire qu'elle est partagée", a lancé le sénateur, la voix posée, se tenant bien droit à la barre. Comme exemple, Alain Anziani a donné "les permis de construire, délivrés par le maire, mais qui, avant cela, va demander avis aux services de la préfecture". "Chacun peut imaginer que le maire va suivre ces avis, à tort ou à raison. Le technicien, ce n'est pas le maire", a-t-il ajouté.
"Amnésie collective"
Ce qui avait "frappé" les membres de la mission - dont le président était l'actuel patron des sénateurs UMP, le Vendéen Bruno Retailleau -, "c'est l'amnésie collective", a souligné Alain Anziani. "Il n'y a pas de transmission de mémoire. La France manque de culture du risque, et je pense que nous n'avons pas beaucoup progressé depuis Xynthia", a poursuivi le sénateur. Le Sénat avait adopté en mai 2011 un texte visant à mieux prendre en compte le risque de submersion marine, mais les propositions de loi n'ont toujours pas été examinées par l'Assemblée nationale, a-t-il ainsi rappelé.
"La population a aussi ses responsabilités dans cette amnésie. Quand vous vous installez au fond d'une cuvette et transformez votre cabanon en maison (...). Ce n'est pas populaire ce que je dis, mais il faut le souligner", a déclaré Alain Anziani. Les parties civiles lui répondant en écho dans la salle par des protestations. Le représentant du ministère public s'est quant à lui ému des propos de Bruno Retailleau, qui avait déclaré, à l'ouverture du procès à la chaîne Public Sénat, qu'il verrait "très difficilement qu'un petit maire porte la responsabilité du drame".
"Nous avons essayé de voir l'ensemble des responsabilités. La mission n'avait pas pour but d'exonérer" qui que ce soit, a rétorqué Alain Anziani, ajoutant qu'il ne voulait pas se substituer au tribunal. Prenant à son tour la parole, l'un des avocats de René Marratier, Me Didier Seban, a insisté sur le fait qu'"une seule commune a fait sonner la sirène" la nuit du drame. "Est-ce qu'on peut reprocher à un maire de ne pas avoir fait ce que personne n'a fait ?" s'est-il interrogé.
Le procès reprendra le 6 octobre avec les interrogatoires des prévenus, René Marratier, son ancienne adjointe à l'urbanisme, le fils de celle-ci, agent immobilier, et l'ancien directeur départemental des territoires et de la mer. L'action publique s'est en revanche éteinte à l'encontre d'un cinquième prévenu, décédé mercredi d'un cancer du foie. Un mandataire judiciaire a été désigné ce 3 octobre par le tribunal pour représenter les deux entreprises de construction dont il était responsable, également poursuivies en tant que personnes morales. Le procès doit se terminer le 17 octobre. Le jugement est attendu pour le 12 décembre.