Sécurité - Prévention de la délinquance : l'évaluation qui enfonce le clou
Après l'avis du Conseil national des villes (CNV) de mars 2009 concluant à une "absence quasi systématique de mise en œuvre" de la loi de prévention de la délinquance du 5 mars 2007, une seconde évaluation a permis de déboucher sur le même constat. Cette évaluation, confiée à l'Association des maires de France (AMF) pendant l'été, a servi de base à l'élaboration du plan de prévention de la délinquance et d'aide aux victimes présenté, le 2 octobre dernier, par le Premier ministre François Fillon à Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine). Réalisée à partir d'un questionnaire envoyé à une cinquantaine de communes, l'évaluation conclut notamment à la difficulté d'activer les contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). Les collectivités "mentionnent qu'il est régulièrement difficile de mobiliser tous les partenaires et ainsi de mener une politique cohérente et suivie par l'ensemble des participants", indique l'AMF, dans un courriel adressé au préfet Philippe de Lagune, secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance (CIPD), le 31 juillet dernier. Cette conclusion renvoie dos à dos des politiques menées depuis le début des années 1980 puisque les CLSPD ne sont que le prolongement des CCPD (conseils communaux de prévention de la délinquance) créés en 1983 et améliorés en 1997 par Jean-Pierre Chevènement, avec la création des CLS (contrats locaux de sécurité). Les CLSPD avaient pris le relai en 2002 et la loi Sarkozy de 2007 prévoyait de les imposer dans toutes les villes de plus de 10.000 habitants ou dans celles comprenant une zone urbaine sensible (ZUS). Fin mai, Nicolas Sarkozy avait lui-même déploré que vingt-deux de ces contrats avaient été signés en 2007, huit en 2008 et un en 2009.
Autre blocage déjà mentionné par le CNV : le partage d'information avec les travailleurs sociaux. "La grande majorité des communes constatent une absence totale de communication et d'échange avec les travailleurs sociaux, ces derniers étant réticents quant au secret partagé", constate l'AMF qui se montre sceptique sur les mesures proposées dans le nouveau plan pour y remédier, à savoir : l'élaboration d'une charte déontologique afin de garantir un bon usage des informations échangées.
S'agissant du partage d'informations entre le maire, le Parquet ou les responsables des forces de l'ordre, "cet échange est variable d'un département à l'autre" mais globalement, "l'information circule lors d'infractions causant un trouble à l'ordre public dans la commune". Quant à l'Education nationale, elle ne joue pas toujours le jeu. Les maires sont informés "de façon très variable en fonction des académies, sur l'assiduité et le décrochage scolaires".
Autre mesure phare de la loi Sarkozy : les conseils des droits et devoirs de la famille (CDDF) destinés à proposer un "stage de responsabilité parentale" aux parents rencontrant des difficultés à exercer leur autorité, notamment dans les cas d'absentéisme chronique. Le constat est sans appel : ils "semblent très peu mis en place pour des raisons relevant non seulement d'un enchevêtrement de compétences, principalement avec le conseil général, mais également d'un manque d'informations quant à cette instance". En effet, ce stage s'est surajouté au "contrat de responsabilité parentale" susceptible, lui, d'être proposé par le président du conseil général mais prévu par un autre texte, la loi sur l'égalité des chances du 31 mars 2006. Facultatif pour les villes de plus de 10.000 habitants, le CDDF n'a été mis en place que dans 31 villes, 11 autres sont sur le point de le faire. Le plan de prévention prévoit la rédaction d'un guide méthodologique à destination des maires.
S'agissant du fichier des enfants devant indiquer les décrochages et les exclusions, seules deux communes y ont eu recours : Le Havre et Marseille. Beauvais y réfléchirait.
Michel Tendil