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Salon de l'agriculture - Préservation des terres agricoles : bientôt un nouvel outil au service des collectivités

A l'occasion du 51e Salon de l'agriculture qui ouvre ce samedi, l'Inra présentera, entre autres innovations, un nouvel outil pour aider les élus à mieux anticiper les menaces d'un étalement urbain non maîtrisé sur les terres agricoles et l'approvisionnement en eau.

Le court-termisme : voilà ce qui conduit parfois les élus à lancer des opérations d'urbanisme ou commerciales au détriment de la préservation des terres agricoles. Mais avoir une vision à long terme pourrait les aider dans leurs choix, voire même les responsabiliser vis-à-vis de leurs concitoyens. C'est ce que pourrait permettre un nouvel outil d'aide à la décision développé par des chercheurs de l'Inra à Avignon qui sera présenté à l'occasion du Salon de l'agriculture qui ouvre ses portes ce samedi.
Plutôt qu'un outil, il s'agit d'un ensemble de technologies mises en commun : métrologie spatiale, robotique, technologies de l'information... Par exemple, des drones munis de capteurs peuvent recueillir des données sur les variations de l'état des surfaces agricoles, et suivre l'évolution du climat, de la végétation, le contenu en eau des sols, l'évapotranspiration, la production de biomasse… Tout ceci pourrait être mis à profit pour anticiper les besoins en eau et en fertilisants des futures cultures. Le modèle a été appliqué dans la plaine de la Crau, en Camargue, dans le cadre d'un programme baptisé "Astuce & Tic", mené en partenariat avec l'université d'Aix et plusieurs entreprises. Résultat : "d'ici à 2030, il n'y aura plus d'eau si l'urbanisation se poursuit à son rythme", alerte Fabienne Trolard, directrice de recherches à l'Inra.

"Rouleau compresseur" des plateformes logistiques

Le coussoul de Crau est une steppe unique en Europe. Ce territoire fragile n'a pas été choisi par hasard par l'Inra. Il est représentatif "de nombreuses situations dans le monde où la pression urbaine concourt à la surconsommation d'espaces et à la dégradation des milieux", souligne l'institut. L'apport en eau y est possible grâce à un système de canaux d'irrigation dont la création remonte au XVIe siècle. Ce système a permis le développement de l'élevage ovin, du maraîchage et de vergers, et la production du foin de Crau, qui a reçu le label appellation d'origine protégée. 
L'irrigation des prairies, dite "irrigation gravitaire", a garanti au fil des siècles la préservation des nappes phréatiques, alors que le territoire est dépourvu de système hydrographique naturel. Aujourd'hui, ces mêmes nappes alimentent en eau les quelque 300.000 habitants du secteur mais aussi les industries du port de Marseille… Cet équilibre est donc la clé de voûte du développement local. Pourtant, obnubilés par les retombées immédiates, les élus ont privilégié un autre type de développement. Ce que Fabienne Trolard appelle le "rouleau compresseur des plateformes logistiques". "Deux millions de m2 vont sortir dans les deux ans, les investisseurs proposent de prendre eux-mêmes en charge toutes les infrastructures et les raccordements à l'autoroute", explique-t-elle. Ici, le taux d'urbanisation est à deux chiffres. Mais pour Fabienne Trolard, économiquement, ces projets sont un mauvais calcul. "Ce sont des activités qui ne sont absolument pas ancrées dans les territoires, qui sont volatiles et peuvent s'effondrer du jour au lendemain. Ceux qui vont en payer les pots cassés, ce sont les collectivités, pas les investisseurs qui ont leurs sièges en Chine ou en Suède", prévient-elle.

Opérationnel d'ici trois ans

Mais convaincre les élus et leurs services de l'utilité de la démarche n'a pas été une tâche aisée. "Il faut vraiment une intégration multisectorielle, le développement durable c'est un peu la cinquième roue du carrosse, il y a vraiment un frein au changement", regrette Fabienne Trolard. Mais selon elle, les mentalités évoluent. "En 2005, on nous riait au nez. Avec le passage de la crise de 2008-2009, les regards ont changé (…) Notre démarche a un peu secoué la réflexion."
Pour sa modélisation, l'Inra a mis bout à bout les différents plans locaux d'urbanisme et plans locaux de l'habitat : "A l'échelle d'une commune, on ne voit rien mais lorsqu'on additionne les 15 communes, on constate vraiment les évolutions." Voilà qui plaidera en tout cas pour les futurs PLU intercommunaux.
Alors que le bétonnage provoque la disparition de l'équivalent d'un département de terres agricoles tous les six ans, on voit bien l'intérêt de cet outil pour l'avenir. Le projet a été labellisé par le Pôle de compétitivité gestion des risques et vulnérabilité des territoires et a pu, à ce titre, bénéficier de crédits du Fonds unique interministériel entre 2008 et 2011. Il devrait être à présent porté par le programme européen Precos au sein de la KIC–Climat (climat – Knowledge of Innovation Community). L'Emilie-Romagne, en Italie, qui présente les mêmes caractéristiques que la Crau, offrira prochainement un nouveau terrain d'expérimentation. L'Inra est en discussion avec la Datar pour permettre le développement de cet outil. Il pourrait être pleinement opérationnel d'ici trois ans.

Michel Tendil


Les régions bien représentées au Salon de l'agriculture

Les nouvelles technologies et l'agriculture urbaine seront à l'honneur du 51e Salon de l'agriculture qui se tiendra du 22 février au 2 mars, à Paris. Un salon qu'inaugurera le président de la République, samedi, dans un climat tendu, quelques mois après la crise bretonne, les scandales alimentaires ou encore le dossier des OGM, ravivé cette semaine après le rejet par le Sénat d'une proposition de loi visant à interdire la mise en culture du maïs OGM.
Les régions, qui verront leurs compétences renforcées par le projet de loi sur l'avenir de l'agriculture, adopté en première lecture le 14 janvier par les députés, seront une nouvelle fois bien représentées. "Les orientations de la politique de soutien à l'installation se définiront dorénavant dans le cadre des comités régionaux pour l'installation et la transmission (Crit) coprésidés par l'Etat et la région", souligne l'Association des régions de France (ARF)  sur son site. Des régions qui, depuis le 1er janvier, gèrent pour la première fois le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), le "deuxième pilier" de la politique agricole commune, avec 11,5 milliards d'euros pour la période 2014-2020 à la clé.
M.T.
 

 

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