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Culture - Près de 16.000 oeuvres d'art toujours en déshérence

Présidée par Jean-Pierre Bady, conseiller-maître honoraire à la Cour des comptes, la commission de récolement des dépôts d'oeuvres d'art a présenté, le 31 janvier, le bilan de dix années d'activité. Créée par un décret du 20 août 1996 et installée en 1997, cette instance a été pérennisée par un décret du 15 mai 2007. Elle a pour mission de dresser l'inventaire des dépôts d'oeuvres d'art effectués - pour l'essentiel - par les musées nationaux, le Mobilier national et le Fonds national d'art contemporain (Fnac) au profit des collectivités territoriales (musées, monuments historiques...), des bâtiments administratifs, des palais nationaux, des assemblées parlementaires et des représentations diplomatiques à l'étranger, des parcs et jardins... Le tout représente environ 185.000 oeuvres d'art de diverse nature, auxquelles s'ajoutent les 200.000 pièces des collections de la Manufacture de Sèvres.
Le bilan dressé par la commission témoigne, pour le moins, d'un certain relâchement dans la gestion des dépôts d'oeuvres d'art. Les travaux coordonnés par la commission ont certes permis de récoler 72% de la totalité des oeuvres d'art déposées à travers tout le territoire national depuis 20 ans. Lors de la présentation du rapport, Christine Albanel, la ministre de la Culture, s'est félicitée de ce résultat. Mais on peut aussi s'étonner de l'absence d'information sur les 28% restant, soit environ 52.000 pièces. Absence d'information ne signifie cependant pas disparition, dans la mesure où la commission n'a pas encore achevé ses travaux. Il reste néanmoins qu'environ 16.000 oeuvres d'art apparaissent d'ores et déjà introuvables. Si le chiffre (déjà connu depuis plusieurs années) paraît choquant dans la mesure où il s'agit d'un patrimoine public, il doit cependant être relativisé. Tout d'abord, il convient de rappeler que les dépôts de l'Etat - notamment dans les musées des collectivités - ont subi deux guerres mondiales, avec leur cortège de destructions et de pillages. Ensuite, et sans pour autant excuser le laxisme sur la gestion des dépôts, il faut aussi souligner la faible importance des oeuvres concernées. Si l'on met l'accent sur quelques récupérations spectaculaires - "Saint François d'Assise recevant l'enfant Jésus des mains de la Vierge" du Dominiquin, déposée au musée de Toul en 1895 et retrouvée en 2004 chez un particulier ou "L'Assomption de la Vierge" d'Alexandre Evariste Fragonard, retrouvée en 2007 par le musée de Vannes - les oeuvres concernées sont le plus souvent secondaires. L'Etat a par exemple déposé à travers la France un très grand nombre d'oeuvres représentatives de l'art pompier, acquises à la fin du 19e siècle.
Christine Albanel a cependant pris soin de préciser que son ministère a pris plusieurs mesures récentes pour améliorer la sécurité et la traçabilité des oeuvres d'art : lancement d'une opération de marquage généralisé, renforcement des systèmes de sécurité dans les musées nationaux et les édifices cultuels, mise en place d'une liaison directe entre les 86 cathédrales françaises et le commissariat de la ville, diffusion d'un guide pratique sur la sécurité du patrimoine... Les sanctions ont également été durcies. La loi du 15 juillet 2008 relative aux archives a ainsi aggravé les peines encourues pour vol ou dégradation des biens culturels (articles 311-4-2 et 322-3-1, 714-1 et 724-1 du Code pénal), tandis que le décret du 19 décembre 2008 a introduit dans ce même Code pénal un délit d'intrusion dans les lieux culturels (voir notre article ci-contre).

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

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