Sécurité - La France va s'engager dans une politique de marquage des oeuvres d'art
Dans une question écrite, Catherine Dumas, sénatrice de Paris, s'inquiète des distorsions entre les législations européennes relatives au recel d'oeuvres d'art. Rappelant que des centaines d'oeuvres d'art sont dérobées chaque année en Europe et revendues, elle constate que "si l'arsenal juridique interne apparaît satisfaisant pour rechercher et punir les personnes de nationalité française, coupables de recel sur le territoire national, de nombreuses incertitudes liées aux disparités entre les législations des Etats membres apparaissent lorsque le délit de recel est le fait de ressortissants étrangers". Elle souhaite donc connaître les mesures internes et communautaires envisagées pour renforcer la lutte contre le recel.
Dans sa réponse, la ministre de la Culture reconnaît la nécessité d'harmoniser les législations en la matière, par exemple sur les délais de prescription de l'infraction de recel ou l'établissement de la bonne ou mauvaise foi de l'acheteur, qui varient d'un pays à l'autre. Elle rappelle que la question a été évoquée en décembre dernier lors d'une table ronde organisée conjointement par les ministres de la Culture et de la Justice. Un plan d'action de dix mesures pour le renforcement de la sécurité des oeuvres d'art avait alors été annoncé (voir notre article ci-contre). La mesure phare en est la création d'une circonstance aggravante en cas de vol de bien culturel protégé en France. En revanche, la ministre de la Culture juge qu'"au niveau de l'Union européenne, il est regrettable que la sensibilisation des différentes instances européennes n'ait pas encore permis d'aboutir à des prises de décisions permettant de s'orienter vers une convergence des législations", malgré une prise de conscience progressive. La France a donc profité de sa présidence du Conseil de l'Union européenne pour inscrire cette question à l'ordre du jour de la réunion informelle des ministres de la Culture qui s'est tenue les 21 et 22 juillet dernier. Cette question doit également être traitée lors des deux colloques organisés par la direction des musées de France le 23 octobre 2008 et par la direction des Archives de France le 21 novembre 2008, qui réuniront les responsables des 27 Etats membres.
En attendant, la France a choisi de prendre les devants en lançant d'importants travaux sur le marquage des collections publiques, qui viennent de donner lieu à la publication d'un guide méthodologique. La France entend jouer en Europe un rôle pionnier et devenir la référence en ce domaine, qui offre des perspectives très intéressantes en termes de sécurité et de lutte contre le recel et le trafic d'oeuvres d'art. Quelques jours après la publication de la réponse à la question sénatoriale, le ministère de la Culture lançait d'ailleurs un appel à candidatures relatif à la certification des produits de marquage des collections publiques (encres, feutres, marqueurs, peintures, étiquettes adhésives et code à barres). Celui-ci propose aux industriels de faire tester et certifier leurs produits par le Laboratoire national de métrologie et d'essais (LNE) - avec le concours du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) - suivant le référentiel élaboré par la commission "marquage des collections publiques". L'objectif est de mettre en place à terme une politique de "marquage raisonné" des collections publiques.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : Sénat, question écrite de Catherine Dumas, sénatrice de Paris, et réponse de la ministre de la Culture et de la Communication (JO Sénat du 28 août 2008). Avis d'appel public à candidatures du 1er septembre 2008 pour la certification de produits de marquage des collections publiques.