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Energie / Social - Précarité énergétique : une étude pose la question du coût résidentiel

En plein débat sur la transition énergétique, une étude du Crédoc appelle à prendre en compte la notion de coût résidentiel, englobant charges de logement et de transport, pour lutter contre la précarité énergétique qui touche le plus les habitants des petites villes et des campagnes.

"Les Français les plus vulnérables au renchérissement du coût des énergies sont ceux qui cumulent un habitat à mauvaise efficacité thermique et un éloignement des commerces et services", souligne le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc) dans une nouvelle étude datée de mars 2013. "Si se loger dans les grands centres urbains coûte plus cher, la contrainte du recours à la voiture individuelle y est nettement moindre. A l'opposé, résider dans les zones périurbaines éloignées des centres oblige à rajouter au prix du logement un budget véhicules et carburants élevé", souligne l'étude.
Dans un contexte de hausse générale des prix de l'énergie, un grand nombre de ménages se restreignent sur les usages de la voiture mais aussi sur leur niveau de confort. Dans les logements insuffisamment isolés et dont les systèmes de chauffage coûtent cher (chauffage au fioul, chauffage électrique), les ménages ne chauffent que certaines pièces et limitent la température intérieure en hiver en-dessous de 20°C. Du fait de l'ancienneté du parc d'habitations, c'est dans les communes rurales et les bourgs de moins de 20.000 habitants que la proportion de ménages s'imposant des restrictions sur le chauffage et le carburant est la plus élevée (respectivement 37% et 33%), constate l'étude.

Des logements plus grands et plus énergivores en milieu rural

Les ménages habitant les petites villes et la campagne ont aussi une facture d'énergie pour leur logement plus lourde que la moyenne - respectivement +17% et +23% pour une dépense moyenne annuelle de 1.450 euros en 2006, date de la dernière enquête Insee-Budget de famille. Cet écart s'explique avant tout par le type de logement le plus courant en milieu rural – des maisons individuelles de grande taille et des bâtiments à faible efficacité énergétique. Le taux d'effort énergétique (part que prend la facture d'énergie pour le logement dans le budget du ménage) montre une différence encore plus marquée entre citadins et ruraux : il représente 3,1% du budget des ménages de l'agglomération parisienne contre 7,3% de celui des habitants des communes rurales. Aux inégalités dans les qualités de construction s'ajoutent les inégalités de revenus. En moyenne, les habitants des grandes villes, qui disposent de revenus plus élevés, de logements plus petits et de meilleure qualité sur le plan thermique, ne consacrent pas plus de 5% de leur budget à leur dépense énergétique domestique.
Autre élément mis en avant par le Crédoc : le montant de la facture d'énergie est avant tout déterminé par les caractéristiques du logement. Le nombre de personnes composant le foyer, le revenu et leur type d'activité n'ont qu'un impact secondaire. La période de construction du bâti joue sur la qualité des matériaux de construction, de l'isolation et des systèmes de ventilation. Or 65% du parc français de logements datent d'avant 1975 et échappent donc aux normes introduites par les réglementations thermiques. Parallèlement, la dépense d'énergie s'accroît avec la surface : relativement constante entre 40 et 120 m2 (16 euros/m2 en 2006), elle augmente au-delà, l'accumulation d'appareils consommateurs d'énergie alourdissant la facture. Or, le nombre de m2 par personne n'a cessé de croître ces dernières années à la fois parce que les logements récents sont en moyenne plus grands mais également du fait des phénomènes de décohabitation. "Il en résulte des besoins en énergie qui s'accroissent mécaniquement en fonction de la surface en m2 d'habitation bien plus directement qu'en fonction du nombre des personnes et des revenus", note le Crédoc.

Un facteur-clé : la localisation résidentielle

L'éloignement des services de base augmente aussi les dépenses de mobilité – le coût de la voiture individuelle pour les ménages atteignait 2.400 euros par an en 2006. La localisation résidentielle oriente également les énergies de chauffage. Plus l'unité urbaine est importante, plus les ménages sont alimentés par les réseaux électriques et de gaz. Ils ont aussi plus facilement accès aux transports collectifs. A l'inverse, plus la densité résidentielle est faible, plus les habitations doivent s'alimenter avec des énergies principalement issues du pétrole, même si les énergies renouvelables comme le bois, le solaire ou l'éolien progressent, et plus les ménages dépendent de la voiture pour leurs déplacements.
Pour le Crédoc, c'est donc la notion de "coût résidentiel", consistant à cumuler le coût du logement, charges comprises, et le coût de la mobilité en fonction du type de communes de résidence, qui est aujourd'hui pertinente pour correctement analyser et lutter contre la précarité énergétique. "Relever la performance énergétique des logements anciens par une politique de rénovation ambitieuse, ou établir des filets financiers pour les ménages pauvres à travers des tarifs sociaux de l'énergie, seront des voies d'action insuffisantes si elles ne sont pas reliées aux objectifs de la ville durable en matière d'accès à l'emploi, aux services, aux réseaux de transports en commun et aux réseaux d'énergie, estime le Crédoc. Pour résorber la précarité énergétique, l'enjeu réside donc moins dans le blocage des prix de l'énergie que dans la garantie d'un bon niveau de service énergétique à des coûts raisonnables". Ainsi, poursuit-il, "une énergie plus chère peut être compensée par une meilleure performance énergétique du logement, une diminution du nombre de m2 par personne dans les habitations, un meilleur accès aux transports en commun".