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Environnement - Efficacité énergétique dans le logement : comment agir sur les comportements pour limiter l'"effet rebond" ?

Faire des travaux d'isolation dans son logement permet de réaliser des économies de chauffage. Mais si, pour des raisons de confort, on en profite pour augmenter la température, les économies d'énergie attendues seront vite réduites à néant. C'est ce que l'on qualifie d'"effet rebond". Dans une note d'analyse réalisée en collaboration avec le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc) et publiée ce 5 février, le Centre d'analyse stratégique (CAS) s'est intéressé à la manière de limiter cet "effet rebond" des politiques d'efficacité énergétique dans le logement à travers les incitations comportementales.
"Jusqu'à présent, les politiques publiques ont cherché à améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments et des appareils en mobilisant trois types d'instruments – des normes et des réglementations, un signal prix envoyé au consommateur et des campagnes de sensibilisation, a souligné Vincent Chriqui, directeur général du CAS, lors de la présentation de la note d'analyse. Mais dans de nombreux cas, la diminution des consommations d'énergie n'est pas aussi importante qu'escomptée et l'effet rebond peut annuler jusqu'à 50% des économies escomptées." Il apparaît donc indispensable de mettre en œuvre de nouvelles mesures pour encourager les ménages à économiser l'énergie. "C'est d'autant plus vrai que l'énergie consommée au sein du foyer est responsable du cinquième des émissions de CO2 françaises et constitue un enjeu majeur des politiques de lutte contre le changement climatique", a ajouté Vincent Chriqui, en rappelant que la feuille de route du gouvernement pour la transition écologique prévoit de mettre aux meilleures normes énergétiques 1 million de logements neufs et anciens chaque année, à terme.

Faire des économies d'energie comme on trie les déchets

Le CAS décrit donc dans sa note les incitations comportementales innovantes ou "coups de pouce" (de l'anglais, nudges), inspirées de la psychologie sociale, qui sont déjà expérimentées dans des régions comme la Bretagne ou Paca qui font face à des problèmes d'approvisionnement et à des difficultés de gestion de la pointe de consommation d'électricité. L'enjeu est de faire des pratiques d'économie d'énergie une norme sociale, une stratégie qui a déjà fait ses preuves dans le domaine du tri des déchets, pointe la note d'analyse. Parmi les cinq expérimentations menées par des collectivités locales qu'elle présente, deux consistent à mettre à la disposition des utilisateurs des informations détaillées sur leur consommation d'énergie. Dans le cas de l'expérimentation Afficheco, en région Centre, un afficheur déporté permet de visualiser en temps réel à la fois la consommation électrique totale du foyer et la consommation par poste (chauffage, eau chaude sanitaire, éclairage, prises de courant, etc.) en kWh et en euros. Dans le cas du projet Ticelec, à Biot (Paca), trois groupes de ménages sont mobilisés : 25 ménages ont été équipés d'un capteur sur le compteur électrique dont le relevé, disponible sur Internet, leur permet de suivre l'évolution de leur consommation à l'échelle du foyer, 25 ménages disposent également de deux capteurs nomades pour mesurer la consommation électrique d'un appareil en particulier et 25 autres font office de groupe de contrôle.
D'autres expérimentations visent à encourager la transformation des comportements par différents ressorts de motivation. Le projet "Ma ville est au courant" dans le Var teste la motivation "par les pairs" : il propose aux habitants de réduire leurs consommations d'eau et d'énergie en équipes de quartier, avec l'aide de coaches. Toujours en Paca, deux autres expérimentations tablent sur des ressorts de motivation relativement déconnectés des arguments écologiques : le projet Grid teams, à Cannes, s'apparente à un programme de fidélisation "à points" qui récompense les participants les plus économes et le projet Sensomi repose sur un jeu multi-joueurs en ligne. Si la plupart de ces expérimentations n'ont pas encore livré leurs conclusions, le CAS estime que de premiers enseignements peuvent déjà en être tirés. "Trois conditions de succès apparaissent clairement, a expliqué Vincent Chriqui. Pour être efficaces, les incitations comportementales doivent être menées auprès d'un large public et pendant plus d'un an, afin de suivre l'apparition d'un éventuel effet rebond. Par ailleurs, elles doivent être transparentes vis-à-vis des consommateurs impliqués et adaptées aux modes de consommation des publics qu'elles ciblent. Enfin, elles sont plus pertinentes et entraînent plus de participants si elles sont mises en œuvre en partenariat avec les collectivités locales."

Quatre initiatives à expérimenter à grande échelle

Pour accompagner les campagnes de construction et de rénovation de logements, le CAS propose donc que l'Etat et les collectivités continuent à soutenir les incitations à économiser l'énergie. Quatre types d'initiatives méritent selon lui d'être expérimentés à grande échelle. Tout d'abord, la mise en place, en partenariat avec les collectivités locales, de concours récompensant les immeubles, les quartiers, les communes, les familles… réalisant les "meilleures" économies d'énergie. Autre voie à explorer : "la diffusion aux habitants de logements anciens qui ont récemment réalisé des travaux de rénovation thermique, lors de l'envoi de la facture d'électricité, de fuel ou de gaz, d'informations sur les économies d'énergie théoriquement attendues après travaux, et sur celles, moins importantes, qui seront effectivement réalisées si leurs habitudes de consommation n'évoluent pas". Le CAS juge aussi intéressant de diffuser aux habitants de logements neufs, lors de l'envoi de la facture d'électricité, de fuel ou de gaz, des informations sur la consommation moyenne d'un ménage "économe" de taille identique, en comparaison de leur propre consommation. Dernière modalité jugée prometteuse : la diffusion aux particuliers des coûts et des bénéfices que représentent l'évolution de pratiques et/ou l'acquisition d'appareils économes en électricité, par l'intermédiaire de leur facture d'électricité et de messages électroniques (SMS, mails).