Risques - PPRT : les élus craignent une paupérisation dans les zones industrielles à risque
"Les entreprises ont été insuffisamment présentes ou représentées lors de l'élaboration des dispositions propres aux PPRT [plans de prévention des risques technologiques]. Beaucoup se sont retrouvées devant le fait accompli." Ce constat partagé le 9 juillet par Yves Blein, président de l'Association nationale des communes pour la maîtrise des risques majeurs (Amaris) et député-maire de Feyzin (Rhône), illustre bien cet enjeu croissant de l'avenir des activités économiques impactées par les PPRT. Expropriation, prescription de travaux sans qu'un accompagnement soit prévu, possibilités restreintes de se développer, les mesures dictées par leur mise en œuvre fragilisent l'activité des entreprises implantées autour des sites Seveso seuil haut. Les réseaux d'élus tirent donc la sonnette d'alarme. Amaris souligne en effet que "cette fragilisation de la diversité du tissu urbain expose les collectivités à un risque de désertification ou de marginalisation de certains quartiers" et cite l'exemple de Dainville, dans le Pas-de-Calais, où deux expropriations et neuf délaissements ont été engagés suite au PPRT établi pour une installation Primagaz, déjà peu pourvoyeuse d'emplois. Ce qui met les élus locaux face à de véritables dilemmes.
Exemples locaux
La fragilisation prend différents aspects. Les travaux prescrits par les services de l'Etat sont accessibles pour certains mais leurs montants "très élevés", assortis d'aucun financement prévu pour les soutenir (contrairement aux travaux imposés aux riverains), et leur spécificité propre aux entreprises (pièce de confinement à créer), ont de quoi décourager les artisans et PME-TPE. Autres constats : des difficultés rencontrées par ces derniers à céder leur terrain, qui ne trouve plus preneur, et la "réticence des banques à accorder des prêts pour des dépenses dont les entreprises ne peuvent attendre un retour sur investissement". Se profile ainsi un nouveau risque, pour les élus, de voir des emplois partir et des friches industrielles leur retomber sur les bras… Il est palpable à Vern-sur-Seiche (Ille-et-Vilaine), où la convention de financement des mesures foncières du PPRT concerne une douzaine d'entreprises locales. Face aux deux options possibles - droit de délaissement ou mesures compensatoires via des travaux à leurs frais - la tentation pour elles est forte de se faire indemniser pour partir. Pour les élus, subventionner leur délocalisation avec de l'argent public est plus qu'embarrassant. Même dilemme à Salaise-sur-Sanne, dans l'Isère, où le PPRT de Roussillon impacte une zone d'activité commerciale et une vingtaine d'entreprises. Le montant des travaux de renforcement de bâti prescrits atteint, pour un seul garage, plus de 700.000 euros. Faut-il pour les élus rester les bras croisés et laisser fuir ou fermer ou ces entreprises ? Autre cas particulier pointé par Amaris, celui des zones portuaires : "La mise en application des PPRT porte potentiellement un coup d'arrêt à la plupart des activités qui s'y trouvent". Sur les ports de Dunkerque et du Havre, les conséquences de son approbation ont pu être anticipées pour limiter la casse, en déplaçant progressivement dans d'autres parcelles certaines petites entreprises proches des sites Seveso.
Fédérer les entreprises
Une étude réalisée par l'agence Edel, spécialisée sur la prévention des risques et qui travaille avec Amaris, montre que chaque entreprise a tendance à "s'organiser comme elle l'entend face à la réglementation du PPRT" et à "s'accommoder des contraintes à sa manière". Visiblement, ce n'est pas le bon chemin à prendre. L'association d'élus recommande plutôt de "nouer des collaborations entre les entreprises impactées et l'industrie génératrice de risques, pour trouver ensemble des solutions destinées à optimiser la sécurité du site". Et de réfléchir dans chaque territoire aux moyens de les accompagner financièrement et techniquement dans la mise en œuvre des mesures. Par ailleurs, "la situation entre habitations et entreprises étant incomparable", elle préconise que soit accordé aux activités économiques un traitement différencié, non pas de faveur mais adapté à la typologie de leur site et à d'autres paramètres. "Les mesures se concentrent ainsi sur les travaux, l'approche matérielle. Il faudrait aussi pouvoir tenir compte des mesures organisationnelles qui peuvent être prises avec les salariés de ces entreprises, en termes de prévention ou d'organisation des locaux. En outre, l'inventaire des entreprises impactées existe mais une typologie de leur bâti pourrait être dressée pour affiner les choses", conseille Yves Blein. Pour ne pas rester isolées face à cet enjeu, des entreprises du sud-ouest lyonnais se serrent les coudes et ont créé un collectif sous l'impulsion de la fédération Solen. A Port-Jérôme-Gravenchon (Seine-Maritime), autour de la raffinerie, une organisation collective se met aussi en place.
Innover dans l'accompagnement
Pour prévenir ce risque de délocalisation des activités économiques proches des sites Seveso seuil haut, l'agence Edel, qui accompagne déjà les 12 PPRT du Grand Lyon, conçoit avec Amaris des outils de réduction de la vulnérabilité des entreprises et de requalification des espaces délaissés ou expropriés. A partir de territoires pilotes, ce programme tourné vers les collectivités propose "d'identifier des solutions innovantes notamment en termes d'aménagement du territoire, d'urbanisme mais aussi de gouvernance", afin que "les activités économiques se rencontrent, qu'elles mutualisent leurs moyens, par exemple". Elle valorisera et fera connaître les exemples d'entreprises ayant déjà réalisé des travaux en anticipation d'un PPRT. "La question du devenir des zones expropriées et délaissées intéresse beaucoup les élus, nous avons deux à trois années de travail pour dégager des solutions innovantes", conclut Sandra Decelle-Lamothe, à la tête de cette agence.