Archives

Environnement - Risques technologiques : l'après-PPRT se prépare

Dix ans après son vote, un bilan de la loi Bachelot instituant les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) a été dressé le 5 novembre par l'association Amaris, qui fédère 200 collectivités accueillant des sites industriels à risques. Si du chemin a été parcouru, avec des PPRT désormais prescrits et un modèle de financement des travaux chez les riverains enfin trouvé, tout n'est pas réglé et de nouvelles questions se posent.

Fini le temps des pionniers. Le 5 novembre, ce n'est pas une poignée d'élus mais 200 participants qui se pressaient pour assister à cette journée - la première du genre - organisée à la maison de la Chimie à Paris par l'association Amaris sur les plans de prévention des risques technologiques (PPRT). Maintenant que 99% de ces plans sont prescrits (mais seulement un peu plus de la moitié approuvés), de nouveaux chantiers s'ouvrent. Longtemps, le débat s'est focalisé sur les délais, le retard imputable à la complexité des procédures et à une "mauvaise volonté" de certains industriels, que déplorait encore au printemps dernier l'ex-ministre de l'Ecologie Delphine Batho. "Même si tous les PPRT ne sont pas approuvés, on peut dire qu'au vu des objectifs fixés par la loi Bachelot, les résultats sont satisfaisants", estime Emmanuel Martinais, chargé de recherches au laboratoire ESV-Rives de l'Ecole nationale des travaux publics de l'Etat. En termes de sécurité, les industriels ont su anticiper, avant même que les PPRT les prescrivent, les travaux de réduction du risque à la source à réaliser. Et ce pour un montant qui s'élève à 200-300 millions d'euros par an, selon la Direction générale de la prévention des risques (DGPR). Exemple à Mazingarbe (Pas-de-Calais), commune pionnière ayant conclu un PPRT en 2007 (deux ans et demi avant la sortie du décret) et où les deux usines chimiques Seveso déboursent 5 millions d'euros pour sécuriser leurs process. Outre les collectivités, communes et EPCI, au sein desquelles on assiste à une montée de compétences sur cet enjeu des risques industriels, d'autres acteurs progressent. "Les assureurs par exemple", cite Cédric Bourillet à la DGPR. "Les aménageurs locaux, bailleurs sociaux et établissements tels que la SNCF ou VNF se professionnalisent sur le sujet. Il y a fort à parier que demain, cela aura des effets sur la manière de concevoir la ville", ajoute Emmanuel Martinais. En ce sens, la composante "risques technologiques" s'immisce au creux des actions de rénovation urbaine. "En lien avec le ministère du Logement, nous voulons l'intégrer dans les opérations programmées d'amélioration de l'habitat (Opah)", a annoncé durant cette journée Philippe Martin, l'actuel ministre de l'Ecologie. "Une bonne nouvelle", se réjouit-on chez Amaris, car "les acteurs locaux pourront ainsi aborder les travaux chez les riverains d'une manière globale dans la réhabilitation de l'habitat, et les riverains bénéficier de subventions supplémentaires pour des travaux classiques de rénovation (isolation, salubrité)".

Mesures foncières et impacts économiques

Conçue pour protéger les habitants, la loi Bachelot de 2003 instituant les PPRT n'a pas pris en compte les entreprises implantées à proximité des installations à risques. "La loi a été brutale pour les territoires qui n'étaient pas prêts", constate Michel Ghetti, président de France industrie emploi, qui accompagne des entreprises mais aussi des collectivités dans le développement de leurs bassins d'emploi. Pour Amaris, il faut corriger le tir en lançant au plus vite une mission nationale d'accompagnement et en prenant mieux en compte l'impact économique dans les stratégies de PPRT en cours. Dénuées d'aide financière pour réaliser les travaux, des PME se retrouvent dans l'impasse lorsqu'elles sont expropriées, visées par un droit de délaissement ou par des prescriptions de travaux. A Saint-Genis-Laval (Rhône), les coûts à supporter par les entreprises voisines d'ADG Campingaz pour qu'elles appliquent les recommandations de protection fixées par le PPRT sont estimées "inacceptables". Pire, "les nouveaux arrivants dans ces zones n'ont quasiment aucune chance de trouver un assureur. Quant aux anciens, soit ils stoppent leur activité, soit ils délocalisent", précise Thierry de Gasperis, à la tête de la fédération d'entreprises du secteur ouest lyonnais Solen. Autre région, même son de cloche. A Dainville (Pas-de-Calais), près d'un site Primagaz, neuf PME en bonne santé économique ont été mises en délaissement suite au PPRT conclu en 2009. Pour sa maire, Françoise Rossignol, la zone est "gelée" et le "flou" complet : "Depuis lors, aucun permis de construire n'a été déposé. Les entrepreneurs sont à peu près tous persuadés qu'il faut partir. Se pose la délicate question de leur relocalisation."

Devenir des zones avoisinantes

"Nous rentrerons dans le concret en se posant la question de l'avenir des sites avoisinants. Une page s'ouvre bel et bien, celle de l'après-PPRT", analyse Yves Blein, député-maire de Feyzin (Rhône) et président d'Amaris. "Les travaux à mettre en œuvre dans un périmètre PPRT sont contraignants mais enthousiasmants à mettre en œuvre. Notamment car le dialogue avec les services de l'Etat est très fructueux", motive pour sa part un élu de Gonfreville-l'Orcher (Seine-Maritime). Dans ces zones, le cas par cas s'impose. "Les configurations sont multiples, il n'y a pas toujours un site Seveso face à des habitations, comme c'est le cas à Toulouse", indique Cédric Bourillet à la DGPR. De petits entrepôts ou des commerces sont parfois installés : à Châteauneuf-les-Martigues, dans les Bouches-du-Rhône, il y a ainsi une levée de boucliers face au projet de fermer une pharmacie située en face de la raffinerie Total.
"Se pose la question de l'attractivité de ces zones. Etre Seveso n'est pas forcément pénalisant, cela peut aussi répondre à un besoin des industriels", poursuit Michel Ghetti. Sur sa zone industrialo-portuaire, Dunkerque a su en tirer parti : 14 sites Seveso y sont implantés. "Ils se sentent moins seuls et pas pointés de doigt", sourit Michel Delebarre. Le sénateur-maire de la ville explique qu'on "apprend à vivre" avec ce risque mais que le transport de produits dangereux entre sites pose problème : "Le quinzième site Seveso qui s'y installera sera consacré à la régulation de ces flux, à travers une gestion collective et un service proposé aux industriels." Par ailleurs, gare à ne pas négliger les sites Seveso isolés. "Les laisser sur le bas-côté de la route serait une erreur", prévient Jean Pelin, directeur général de l'Union des industries chimiques (UIC). Tout autour, c'est aux collectivités qu'il revient le droit d'expérimenter. "Viabilisation, aménagement, reconversion de friches, pour ne pas voir les territoires impactés se transformer en no man's land, il faut explorer tous les possibles", insiste Cédric Bourillet.
S'appuyer sur les établissements publics fonciers (EPF) est alors une solution. A Mazingarbe, l'EPF du Nord-Pas-de-Calais est ainsi venu en renfort pour prendre en main les délaissements et financer une partie des coûts de démolition. Une expérience à ce jour unique. Quant aux espaces libérés, inhabitables, il est question de les inscrire au plan de boisement, à la trame verte du territoire ou de les vouer à l'activité agricole.

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis