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Fiscalité locale - Pour favoriser la construction, le gouvernement pourrait réformer la fiscalité foncière

Afin de lutter contre la rétention du foncier, qui provoque la crise du logement, le gouvernement veut rendre plus cohérente la fiscalité sur les plus-values. Dans son collimateur : les abattements proportionnels à la durée de détention qui encouragent les propriétaires à conserver leurs terrains. Un groupe de travail chargé de préparer les mesures gouvernementales préconise d'abandonner ces abattements et de mettre à jour les valeurs locatives des terrains à bâtir.

Après la création par la dernière loi de finances rectificative de la taxe d'aménagement et d'un versement pour sous-densité devant inciter la densification de la construction, le gouvernement va poursuivre la modernisation de la fiscalité de l'urbanisme. Avec comme objectif, cette fois, de contraindre les propriétaires de terrains à bâtir à mettre ceux-ci sur le marché pour permettre de nouvelles constructions. En effet, "l'insuffisance de la mobilisation des terrains constructibles est la principale cause de la crise du logement", constate le syndicat national des aménageurs lotisseurs (Snal). Ce diagnostic est aujourd'hui largement partagé par les autres acteurs de l'immobilier : élus locaux, représentants des ministères, notaires … Et ceux-ci réfléchissent à des solutions au sein des quatre groupes de travail mis en place en juin 2010 dans le cadre de la démarche d'urbanisme de projet initiée par le secrétaire d'Etat, Benoist Apparu. Le levier de la fiscalité sur le foncier est notamment au programme de l'un des groupes de travail, présidé par Yves Jégouzo, professeur de droit public et conseiller d'Etat. Sur sa feuille de route ne figure pas la création de nouvelles taxes, mais plutôt l'impératif de toiletter celles qui existent déjà.
Le 14 mars, le groupe de travail a précisé ses orientations, qui sont au nombre de deux. La première consiste à revenir sur les avantages fiscaux qui conduisent au bout d'un certain temps à l'annulation de la taxation des plus-values. En encourageant les propriétaires à reporter de plusieurs années la vente de terrains à bâtir, ils ont des effets contraires aux objectifs aujourd'hui recherchés. Deux options étaient sur la table : la suppression des abattements, ou leur maintien dans l'optique de les mettre à présent au service de la lutte contre la rétention foncière. Le groupe de travail a finalement fait le premier choix.


Recettes supplémentaires

Au rang des principaux impôts visés : la taxe nationale sur les plus-values immobilières (PVI) et une taxe "anti-consommation des espaces agricoles", créée par la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche de 2010, mais qui n'est pas encore entrée en vigueur. Un troisième impôt, qui, lui, est prélevé au profit des collectivités locales, est aussi concerné : la taxe forfaitaire sur les terrains rendus constructibles (TFTC), que plus de 5.600 communes ont institué à ce jour. Dans ce dernier cas, les propriétaires sont exemptés de taxe dès lors qu'ils détiennent le terrain depuis au moins 18 ans. Outre ses effets positifs pour remettre sur le marché du foncier constructible, la mesure devrait indirectement accroître "nettement" les recettes des collectivités, permettant ainsi "un meilleur financement des équipements publics", affirme un document de travail du ministère de l'Ecologie. Dans le cas de la PVI, les recettes supplémentaires pourraient atteindre 760 millions d'euros, une somme qu'il est proposé de destiner à parts égales à deux fonds plafonnés à hauteur de 350 millions d'euros, l'un pour le développement de l'offre de logements et l'autre pour la préservation de la biodiversité.
La seconde grande orientation du groupe de travail consiste à réévaluer les valeurs locatives des terrains non bâtis situés en zone constructible, qui s'avèrent totalement déconnectées de la réalité et pourtant servent de base de calcul aux impôts fonciers. Ce chantier devrait être engagé dans la foulée de la révision des valeurs locatives des locaux commerciaux, en tout cas sans attendre que le top départ soit donné pour les valeurs des locaux d'habitation. Il aboutirait en 2015.


Colère des propriétaires fonciers

Dans cette attente, il est proposé d'"assouplir" et de "renforcer" la possibilité créée par la loi Engagement national pour le logement de 2006 de majorer sur des terrains à bâtir la taxe foncière sur les propriétés non-bâties. Les collectivités auraient ainsi la possibilité de pratiquer "des hausses différenciées et sectorisées en fonction de la situation géographique des terrains et de la pression foncière qui pèse sur les différents secteurs". A ce jour, moins de 200 communes auraient instauré ce dispositif. A l'origine de leurs réticences, la crainte des réactions des propriétaires fonciers, qui ne sont pas à minimiser. A Autun par exemple, 72 foyers ont découvert à la fin de l'été dernier des hausses d'impôts oscillant entre 100 et 7.000 %. Leur coup de colère a aussitôt été relayé par la presse, y compris le journal télévisé de TF1. Malgré ces tensions dont il se serait bien passé, le maire de la ville semble avoir gagné son pari. Au moins 27.000 mètres carrés de terrain à bâtir ont déjà été mis en vente, permettant ainsi la construction de nouveaux logements.
L'Assemblée des communautés de France (ADCF) estime que la majoration de la taxe sur le foncier non bâti, si elle s'applique à des terrains où l'urbanisation est prioritaire et sur la décision des collectivités locales, "pourrait être l'un des meilleurs leviers d'action". L'Association des communautés urbaines de France (ACUF) est plus prudente, attendant notamment de disposer de simulations pour se prononcer. Sur la démarche globale et ses objectifs, elle se dit toutefois "relativement d'accord". A la Fédération des maires de villes moyennes (FMVM), l'accueil est également globalement bon : "Des mesures qui sont faites pour densifier s'inscrivent dans la logique des projets des élus".
Le gouvernement pourrait faire connaître ses arbitrages lors d'un séminaire, début avril. Les propositions du groupe de travail compteront évidemment fortement, mais elles devraient être mises en perspective avec les réflexions en cours sur la taxation du patrimoine qui doivent se concrétiser au printemps dans une loi de finances rectificative.