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Territoires - Politique de cohésion : les régions françaises épargnées par la cure de minceur

Les dernières estimations budgétaires sur les fonds structurels publiées par la Commission européenne, fin août, font apparaître un tableau contrasté : les subventions octroyées à la Grèce, l'Espagne ou l'Allemagne à partir de 2014 baissent considérablement, quand elles restent stables en France. L'enveloppe globale, elle, subit un coup de rabot de 10%... avec un pays en plus.

Quand la taille du gâteau rétrécit de près de 10% et qu’une personne de plus s’invite à table, récupérer une portion correcte relève de la gageure arithmétique. C’est pourtant ce qui s’est produit pour la France, au vu des estimations budgétaires publiées par la Commission européenne fin août sur les fonds structurels. Un découpage Etat par Etat rendu possible grâce à l’aboutissement des négociations budgétaires pour 2014-2020, après deux ans de discussions.
Aux côtés de huit autres pays, l’Hexagone maintient son enveloppe de fonds régionaux européens après 2013 à un niveau équivalent à celui du cadre financier actuel, malgré un contexte défavorable. Le budget de la politique régionale a en effet été ramené à 322 milliards d’euros pour 28 Etats contre 353 milliards pour 27 Etats entre 2007 et 2013.
Dans les sept prochaines années, la France pourra investir 14,293 milliards d’euros dans les territoires, une somme proche des 14,593 milliards octroyés entre 2007 et 2013. Cet équilibre doit beaucoup à l’arrivée des "régions en transition", ce nouveau dispositif de financement des territoires dont le PIB par habitant entre 2008 et 2010 oscille entre 75% et 90% de la moyenne européenne.

3,9 milliards pour les régions peu dynamiques de l’Hexagone

Sans cette manne de 3,9 milliards d’euros presque taillée sur mesure pour la France (près de la moitié des régions métropolitaines sont "en transition"), l’Hexagone aurait vu son budget de fonds structurels fondre de 30%. Eternel pourfendeur des dépenses européennes, le Royaume-Uni n’est pas monté au créneau pour défendre les régions intermédiaires, alors qu’une douzaine de ses territoires sont concernés. Ironiquement, le pays profite des retombées positives du dispositif puisqu’il lui permet de maintenir son budget de fonds régionaux à 10,3 milliards d’euros.
Sans surprise, les perdants constituent le gros du bataillon : 15 pays sont lésés et les pays en crise ne font pas exception. Les aides aux régions grecques fondent ainsi de 6,5 milliards d’euros. Le sort de leurs homologues espagnoles est encore moins enviable, avec un rabot net de 11,1 milliards d’euros.
Ces Etats en récession subissent l’application du critère du PIB, qui a pour effet de réorienter les aides vers les régions pauvres d’Europe de l’Est, pendant que certaines régions espagnoles ou grecques, pourtant minées par le chômage, sont désormais assimilées à des territoires "en transition". L’Allemagne connaît un scénario similaire : plus aucun de ses Länder ne relève de la catégorie "convergence", qui permettait de décrocher les aides les plus généreuses. Bilan des courses, le pays écope d’une enveloppe de 17,1 milliards d’euros, soit une baisse de 35%.
A l’opposé se dresse le trio des Etats chanceux, formé par la Pologne, la Slovaquie et la Roumanie qui parviennent à engranger 2 voire 3 milliards de plus de fonds structurels. Varsovie se taille la part du lion, avec une enveloppe colossale de 72 milliards d’euros, contre 69 entre 2007 et 2013.

Prochaines étapes

Acquis au prix de négociations à couteaux tirés en février 2013, l’accord sur le budget européen doit encore franchir plusieurs étapes : son approbation définitive par le parlement européen courant septembre, puis sa répartition, région par région.
En France, les discussions ont commencé pour favoriser la péréquation entre les territoires en limitant les tiraillements entre les élus. Des régions comme l’Ile-de-France ou Rhône-Alpes seront immanquablement amenées à céder une partie de leurs fonds structurels au profit de territoires moins riches. Reste également à arbitrer la répartition entre le Feder (dédié aux infrastructures, PME…) et le fonds social européen (FSE), tourné vers les chômeurs et la formation.
Jusqu’alors, la France a clairement favorisé le premier au détriment du second, choisissant de panacher son enveloppe de fonds structurels avec 56% de Feder et 44% de FSE. A Bruxelles, la Commission européenne souhaiterait que la France infléchisse cette tendance, afin de se concentrer sur le marché de l’emploi, plombé par 11% de chômage.
En mai, la députée socialiste Conchita Lacuey a cherché à connaître les orientations de l’Etat. Dans sa réponse écrite fournie le 30 juillet, le ministère des Affaires européennes botte en touche : "Tant que les textes [sur la politique de cohésion] n’auront pas été définitivement adoptés par les instances européennes, il n’est pas possible à ce stade de déterminer quels seront les taux appliqués en France."