Policiers municipaux : le cycle de négociations sur le régime indemnitaire bouclé sans unanimité syndicale

"La plus forte augmentation obtenue depuis 1974". Telle est l’issue des négociations conduites depuis près d’un an par Dominique Faure avec les organisations syndicales représentatives des policiers municipaux sur le régime indemnitaire de ces derniers. Un accord qui satisfait FO et la FA-FPT, mais que dénoncent la CGT, la CFDT, l’Unsa et la FSU, au motif que sa concrétisation reste soumise au bon vouloir de chaque collectivité. "Mère des batailles", la question des retraites sera, elle, abordée lors du Beauvau des polices municipales, qui devrait s’ouvrir le 11 avril prochain.

 

Après près d’un an de négociations avec les organisations syndicales représentatives des policiers municipaux sur l’évolution du régime indemnitaire de ces derniers, le cabinet de Dominique Faure ne boude pas son plaisir : "Le dossier est désormais bouclé". La dernière réunion s’est tenue ce 5 mars, en présence cette fois de représentants des employeurs territoriaux, comme l’avaient demandé les syndicats (v. notre article du 15 février). Pour l’Association des maires de France, sa secrétaire générale, Murielle Fabre, maire de Lampertheim, ainsi que les maires de Cergy, Jean-Paul Jeandon, et de Saint-Laurent-du-Var, Joseph Segura. Et pour France urbaine, Isabelle Rastoul, adjointe au maire d’Orléans et vice-présidente d’Orléans Métropole.

Revalorisation historique…

L’accord s’est noué autour de la formule, révisée, présentée par Dominique Faure à l’automne dernier (v. notre article du 15 novembre) après l’échec de sa proposition initiale avancée en mai dernier (v. notre article du 30 mai 2023). Une formule qui avait été déjà amendée lors d’une réunion le 13 février dernier, et qui vient encore d’être ajustée. "Les syndicats nous avaient demandé d’augmenter la part Fonction de la nouvelle indemnité spéciale de fonction et d’engagement [ISFE, qui remplacera l’indemnité spéciale mensuelle de fonction de police], en proposant de diminuer pour ce faire la part Engagement, au mérite. Nous avons été au-delà de leurs demandes, puisque si nous avons augmenté la part Fonction, nous avons laissé la part Engagement inchangée", explique-t-on au cabinet. "Un gain, pour les agents de catégorie C, de 10 points en ce qui concerne la part dynamique en pourcentage", alors que "la dernière augmentation du taux remontait à 2006 et avait été seulement de 2 points pour les agents de catégorie C et de 4 points pour les B", se félicite le syndicat FA-FPT Police municipale. "C’est la plus forte augmentation du régime indemnitaire obtenue depuis 1974", souligne encore FO-Police municipale.

Autre concession obtenue par les syndicats : alors que le versement de la part engagement devait se faire trimestriellement, il a été décidé que les employeurs territoriaux pourront la verser mensuellement, "dans la limite de 50% du plafond défini par l’organe délibérant", en pouvant "la compléter, dans la limite de ce même plafond, d’un versement en fin d’année", précise la FA-FPT.

… mais hypothétique

Le front syndical apparait toutefois toujours divisé. Interrogé par Localtis, Serge Haure, secrétaire fédéral de la CFDT Interco, se déclare ainsi "vent debout" contre cet accord, auquel sont également opposées la CGT, la FSU et l’Unsa. Les quatre organisations participaient d’ailleurs le jour des négociations à une nouvelle manifestation organisée par le "Collectif des policiers municipaux en colère", laquelle a réuni "plusieurs centaines de policiers municipaux" selon l’AFP – "au moins 1.500 à 2.000 personnes", affirme Serge Haure – entre Montparnasse et le siège de l’Association des maires de France, où une délégation des manifestants a finalement été reçue.

Pour Serge Haure, cet accord ne constitue en effet ni plus ni moins qu’une "mascarade", puisqu’il ne sera "nullement contraignant pour les collectivités, au prétexte de la libre administration de ces dernières, véritable totem d’immunité. Pour beaucoup de policiers municipaux, ces avancées resteront donc très hypothétiques. Déjà des maires ont annoncé qu’ils n’augmenteront pas les salaires de leurs policiers", argue-t-il. Visiblement peu adepte de la démocratie locale, le syndicaliste déplore également qu’aucun critère n’ait été arrêté par l’État pour déterminer la part au mérite : "Les maires feront ce qu’ils voudront. Cette logique méritocratique malveillante, c’est la porte ouverte à toutes les dérives, comme la course à la verbalisation", nous déclare-t-il. 

Libre administration des collectivités

Chez Force ouvrière, on a compris que les collectivités, sans doute échaudées par l’épisode de la prime de feu des sapeurs-pompiers (v. notre article du 30 janvier 2020), ne reculeraient pas : "Les employeurs territoriaux ont martelé qu’ils ne céderont jamais sur la libre administration des collectivités". Ce que confirme Murielle Fabre, interrogée par Localtis : "Les employeurs territoriaux restent attachés à ce principe. Ce qui ne les empêche évidemment pas d’être absolument conscients des enjeux liés au métier de police municipale. Ils ont d’ailleurs particulièrement montré leur volonté d’une évolution positive des conditions du régime indemnitaire", affirme-t-elle. Une volonté perçue par la FA-FPT : "Le silence des employeurs territoriaux vis-à-vis de ces propositions avait jusqu’à présent généré beaucoup d’inquiétudes. Cette réunion tripartite était l’occasion de lever les doutes. Nos interlocuteurs ont soutenu les dispositions présentées par le gouvernement, s’engageant à communiquer en direction des employeurs qu’ils représentent pour une mise en œuvre de ces nouveaux régimes indemnitaires le plus favorablement possible pour les agents", observe ainsi Fabien Golfier, secrétaire national de cette organisation. La FA-FPT met encore en avant le fait que les élus ont souligné que "dans un contexte rendant très difficile le recrutement de policiers municipaux, il ne s’agissait pas pour eux d’être moins disant s’ils souhaitaient recruter". 

Charte d’engagement ou document incantatoire ?

Il a ainsi été convenu que l’AMF et France urbaine signeraient avec les organisations syndicales volontaires une "charte d’engagement", réclamée par FO-PM, lors du prochain Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, qui se tiendra le 27 mars. "Nous allons nous assurer que ce sera bien le cas", confie à ce propos le cabinet de Dominique Faure, désireux d’assurer le service après-vente. Un "document incantatoire", condamne d’avance Serge Haure, en relevant que la charte "n’engagera évidemment aucun maire", pas plus que le décret. "Nous sommes conscients que les quelques élus qui persistent à ne pas attribuer de régime indemnitaire ou si peu à leurs agents, ne changeront pas leurs pratiques managériales à la seule publication des décrets ad hoc", concède la FA-FPT.

"Une affaire de semaines"

Au cabinet de Dominique Faure, on entend que la mise en œuvre de l’accord soit la plus rapide possible. "Nous n’avons pas attendu pour préparer les textes. C’est une affaire de semaines avant la sortie des décrets", assure-t-on, en précisant que pour l’entrée en vigueur du dispositif, "il sera sans doute prévu une date-butoir, afin de laisser le temps aux collectivités de négocier – il faut laisser le temps du dialogue social local ! –, de budgéter et de délibérer". 

De dialogue, il sera également question lors du prochain Beauvau des polices municipales (v. notre article du 15 février), dont la première session devrait se tenir à Paris le 11 avril prochain, avant une deuxième session à La Grande-Motte le 29 mai (deux autres dates restant à déterminer). "Trois grands thèmes y seront abordés : l’agent ; les missions et les JO", précise le cabinet de Dominique Faure. En précisant que seront de la partie "les membres de la commission consultative des polices municipales, les représentants des maires, les organisations syndicales, des personnalités qualifiées et des parlementaires, dont les députés Lionel Royer-Perreaut et Alexandre Vincendet, auteurs d’un rapport sur l’attractivité de la filière" (v. notre article du 21 juillet 2023). Et d’avertir : "Ce ne sera pas de la com' ! L’idée, c’est de bosser ! On organisera plusieurs groupes de travail et on ramassera les copies, au sens propre, à la fin de la journée".

Les retraites, la "mère des batailles"

À la FA-FPT, on se félicite que la ministre ait souhaité inscrire la question des retraites dans le cadre de ce Beauvau. Un avis que ne partage pas, là encore, la CFDT : "Dominique Faure s’était engagée à rouvrir le dossier, mais depuis l’annonce des économies de 10 milliards (v. notre article du 22 février), c’est le rétropédalage. La question sera noyée parmi les autres sujets du Beauvau, et ce sera un enterrement de première classe du dossier", veut croire Serge Haure. Tout en attirant l’attention sur le fait que "le sujet des retraites a amené beaucoup de policiers dans la rue". En l’espèce, le syndicaliste ne semble pas prêt à rendre les armes. "Avec les autres organisations, nous appellerons à de nouveaux modes d’action, qui respecteront le droit, car les policiers respectent le droit". Et d’avouer avoir en ligne de mire "les Jeux olympiques". Chez FO, on souligne également que les retraites constituent "la mère des batailles". "Chaque semaine où ce volet est repoussé, ce sont des collègues qui partent avec des retraites indignes de leur engagement", déplore le syndicat, qui prévient néanmoins : "Nous ne vendrons pas de faux espoirs."