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Aménagement du territoire - Pôles métropolitains : les agglomérations à l'heure des alliances

Prévu par un seul petit article de la loi de réforme des collectivités ajouté à la demande des associations d'élus locaux, le pôle métropolitain connaît un succès fulgurant. En à peine plus de six mois, 21 projets ont été lancés par des communautés enthousiasmées par la grande souplesse du dispositif. Un bémol : des communautés, au regret de certains, utilisent le pôle comme une alternative au renforcement de l'intercommunalité à fiscalité propre...

Réunis autour du président de l'Association des maires de France (AMF), les présidents des associations d'élus du monde urbain – ou leurs représentants - se sont félicités en chœur, le 5 juillet au siège de l'AMF à Paris, de la préparation de 21 pôles métropolitains.
Un peu plus de six mois seulement après la promulgation de la loi de réforme des collectivités qui a créé l'outil, cette belle moisson de projets ne doit rien au hasard. D'abord parce que les deux tiers des pôles métropolitains en cours de constitution ne sont pas des créations à proprement parler : ils donnent seulement une existence légale aux réseaux de villes nés dans les années 1990 et aux projets métropolitains impulsés en 2005 par l'Etat. Ensuite, parce que les conditions de création et de fonctionnement des pôles métropolitains sont d'une grande souplesse. Facultatifs, ces outils de coopération sont créés à l'initiative des responsables intercommunaux et ceux-ci choisissent librement les actions d'intérêt métropolitain, sans que les préfets n'aient à s'en mêler. Ce qui compte beaucoup pour les élus locaux : "Nous ne voulons pas d'un préfet qui vienne nous dire ce que l'on doit faire, quels doivent être le contenu du pôle et notre organisation", a ainsi déclaré Michel Delebarre, président de la communauté urbaine de Dunkerque. Lequel a même supplié le ministre des Collectivités territoriales, Philippe Richert, de ne pas préparer de circulaire sur le pôle métropolitain !
De plus, constitué de territoires qui ne sont pas forcément contigus, le pôle "permet d'aller au-delà des frontières administratives", comme l'a souligné Adeline Hazan. La présidente de la communauté d'agglomération de Reims pilote la naissance d'un pôle métropolitain qui, en dépit des réticences du président du conseil régional de Champagne-Ardenne, devrait réunir dix communautés situées dans trois départements et deux régions. La coopération métropolitaine est "à géométrie variable", a ajouté Daniel Delaveau, président de l'Assemblée des communautés de France (ADCF) et de la communauté d'agglomération de Rennes. Ainsi, la participation de la capitale de la Bretagne au pôle métropolitain Loire-Bretagne ne l'empêchera pas de développer, par ailleurs, une coopération de nature spécifique avec l'agglomération de Saint-Malo.

Des territoires sur la touche

La seule véritable contrainte fixée par la loi tient aux seuils de constitution du pôle métropolitain, puisque celui-ci "regroupe des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre formant un ensemble de plus de 300.000 habitants", l'un d'entre eux devant compter plus de 150.000 habitants. Au plus, 50 pôles métropolitains pourraient donc voir le jour. Ce qui laisserait sur la touche, sans que l'on sache bien pourquoi, certains territoires - les agglomérations du Creusot Montceau et de Chalon-sur-Saône par exemple - ayant pourtant déjà engagé des coopérations étroites. Les conséquences de leur exclusion pourraient ne pas être que symboliques si, un jour, les pôles métropolitains bénéficient par exemple des fonds européens - une hypothèse envisagée notamment par le délégué interministériel à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (Datar), Emmanuel Berthier.
"Je porte beaucoup d'espoir dans les pôles métropolitains", a déclaré le ministre des Collectivités territoriales, qui a semblé totalement en accord avec les élus locaux. Ceux-ci ont en effet manifesté de très grandes attentes vis-à-vis du nouvel outil. "On va résoudre des difficultés qu'on ne peut pas résoudre intra muros", a affirmé Jacques Pélissard, président de l'AMF. Pour sa part, Christian Pierret, le nouveau président de la Fédération des maires de villes moyennes (FMVM), voit dans les pôles métropolitains une "réponse pertinente pour stopper le déclin du tissu économique et industriel français", tandis que Gérard Collomb, président de l'Association des communautés urbaines de France (Acuf) considère que le dispositif "va donner de la puissance à notre pays, une puissance qu'il n'a pas, du fait de la centralisation". Evoquant, de son côté, le pôle métropolitain de la Côte d'Opale dans lequel est engagée la communauté urbaine de Dunkerque qu'il préside, Michel Delebarre a déclaré que celui-ci offrait l'opportunité d'acquérir "un poids plus important dans le débat régional, sans se positionner contre la métropole lilloise".

"Les rivaux d'hier s'associent aujourd'hui"

Ces ambitions vont passer par diverses actions concrètes. Ont ainsi été citées la mutualisation ou l'approfondissement des complémentarités entre de grands équipements culturels, sportifs ou de transports, une représentation unique des collectivités à de grands événements internationaux, l'harmonisation des titres de transports, ou encore la recherche de synergies entre les acteurs économiques. En résumé, les communautés d'un même pôle vont mettre en commun leurs forces et leurs moyens. Ce qui les conduira parfois à tourner le dos à un passé dominé par la concurrence. Comme en Alsace, où la communauté urbaine de Strasbourg et la communauté d'agglomération de Mulhouse se tendent la main après s'être considérées comme "des rivales" pendant longtemps, a rappelé Jean-Marie Bockel, président de la communauté d'agglomération de Mulhouse. Les raisons de ces évolutions ? "L'argent public plus rare" et "la prise de conscience chez les élus locaux que la compétition économique se joue à une autre échelle que celle du territoire français - à celle de l'Europe, voire du monde", analyse Patrick Le Lidec, chercheur au CNRS.
Dans le concert de louanges, une voix discordante s'est élevée, celle du président de l'ADCF. Certes très favorable aux pôles métropolitains, Daniel Delaveau a pourtant lancé un avertissement, sans désigner de territoire en particulier : "On voit apparaître des pôles métropolitains de proximité, qui sont défensifs. Leur but est de marquer le refus d'une intégration plus forte." Bien que dotés d'atouts nombreux, ces pôles métropolitains ne permettent pas, justement, de renforcer l'intégration, notamment financière, entre leurs territoires. C'est la principale limite du dispositif. Certains le regrettent quand d'autres, au contraire, en jouent. Les responsables communautaires de certains des neuf projets de pôles métropolitains centrés sur une seule aire urbaine - que l'on peut distinguer des projets en réseau, sur un territoire discontinu (voir ci-dessous) - peuvent se sentir visés par la remarque du président de l'ADCF. Pour leur défense, certains ont fait remarquer que le pôle métropolitain pouvait constituer "une étape" vers le renforcement de l'intercommunalité à fiscalité propre.

Transports, culture, économie... en tête des priorités
Sur 21 pôles métropolitains en projet, 9 s'étendent sur le territoire d'une seule aire urbaine, tandis que 12 tissent un réseau entre différents territoires parfois très éloignés. Tel est l'état des lieux dressé par les associations nationales d'élus du monde urbain en prévision de la journée des pôles métropolitains organisée ce 5 juillet et du lancement d'un réseau des pôles. Selon cette enquête (à télécharger ci-contre), les principales actions qui seront mises en place par les pôles se rattacheront aux secteurs des infrastructures de transports, de l'université, de la recherche et de la culture, du développement économique, de la promotion de l'innovation et du tourisme.
Le réseau des pôles métropolitains sera une "véritable plate-forme d'échanges et d'initiatives partagées au service des habitants", selon les associations d'élus locaux. Il sera fort du soutien de plusieurs partenaires importants, dont la Fédération nationale des agences d'urbanisme (Fnau), la direction générale des collectivités locales (DGCL) et la Datar.
 

 

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