Social - Plus d'un million d'utilisateurs pour le "Cesu relance", mais un taux de non-utilisation important
Patrick Devedjian, le ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance, et Laurent Hénart, le président de l'Agence nationale des services à la personne (ANSP), ont présenté le bilan définitif du "Cesu relance". Le dispositif, lancé en avril 2009 dans le cadre du plan de relance de l'économie française, consistait à attribuer une aide exceptionnelle "en faveur du pouvoir d'achat de publics bénéficiaires de prestations sociales ou de demandeurs d'emploi" (voir notre article ci-contre du 30 avril 2009). Celle-ci a pris la forme d'un carnet de chèques emploi-service universels (Cesu) préfinancés, d'une valeur de 200 euros, attribué aux bénéficiaires de trois prestations sociales : l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) à domicile, le complément mode de garde (CMG) et l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH).
Le bilan définitif présenté le 3 septembre diffère assez peu du bilan intermédiaire remontant au mois d'avril dernier (voire notre article ci-contre du 7 avril 2010). Côté positif, plus de 1,5 million de personnes ont reçu leur carnet de Cesu, dans des délais satisfaisants et sans incidents notoires, grâce à un important dispositif d'accompagnement : renforcement du 32 11 - le numéro unique d'appel sur les services à la personne - par une équipe de 200 personnes, campagne d'information nationale, édition d'un guide pédagogique... Les carnets ainsi distribués représentaient une valeur totale de 344 millions d'euros.
Moins positif, le taux d'utilisation de ces carnets a atteint 64%, ce qui correspond à un volume d'aide de 204 millions d'euros. Autrement dit, plus d'un bénéficiaire sur trois n'a pas utilisé son carnet. Patrick Devedjian n'a pas détaillé le profil des non-utilisateurs. Mais le bilan provisoire d'avril dernier montrait un bon taux d'utilisation parmi les bénéficiaires de l'APA et du CMG (respectivement 65% et 70%) et un échec de la mesure parmi les bénéficiaires de l'AEEH (27,5% d'utilisateurs du carnet). Un écart qui s'explique sans doute par une difficulté à intégrer les Cesu dans le plan d'aide élaboré par ailleurs dans le cadre de l'AEEH. Il reste néanmoins que le nombre de bénéficiaires du "Cesu relance" est, au final, supérieur au nombre prévisionnel d'utilisateurs de Cesu "ordinaires" en 2010 (environ 600.000 ménages).
Au-delà du cas particulier des non-utilisateurs du "Cesu relance" se profile la question, plus générale, de l'accès aux droits. On l'a vu notamment avec le RSA activité, pour lequel nombre de bénéficiaires potentiels n'ont pas fait valoir leurs droits, ce qui explique une montée en charge de la prestation beaucoup plus lente que prévu. Le même phénomène devrait se renouveler avec le RSA jeunes, pour lequel le ministre de la Jeunesse et des Solidarités actives reconnaît lui-même que le nombre des allocataires effectifs sera très loin de celui des 160.000 bénéficiaires potentiels.
La question préoccupe de plus en plus les acteurs sociaux. La Maison des sciences de l'Homme-Alpes de Grenoble a par exemple créé l'Observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore), avec le concours - entre autres - de la ville de Grenoble et du département de l'Isère. Du côté des départements et des communes (CCAS), la réponse passe par une démarche dite "proactive", consistant à aller au-devant de la demande, sans attendre qu'elle se manifeste par une venue des personnes en difficulté au CCAS ou dans les circonscriptions d'action sociale des départements. Mais ce changement d'attitude peine pour l'instant à se concrétiser, car il nécessite une évolution en profondeur des mentalités et parce que les CCAS et les services sociaux des départements ont déjà, aujourd'hui, du mal à faire face à la montée de la demande sociale. Sans oublier les difficultés financières des départements, qui ne les incitent pas forcément à aller au-devant d'une demande non exprimée...
Jean-Noël Escudié / PCA