PLF 2025 : retour à la case départ pour la partie recettes
La partie recettes du projet de loi de finances pour 2025 a été rejetée samedi en commission des finances après avoir durant quatre jours été passée à la moulinette, entre amendements de suppression et création de nouvelles taxes. C'est donc dans sa version initiale que le texte arrive en discussion dans l'hémicycle. Avec une grande incertitude quant au sort qui lui sera réservé. Toute une série d'amendements adoptés en commission concernaient les collectivités ou les acteurs locaux, dont le secteur du logement social.
L'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2025, à savoir la partie recettes, devait débuter ce lundi 21 octobre à partir de 21h30 dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale où les débats s'annoncent très tendus, certaines mesures phares se heurtant à un mur des oppositions, voire de certains soutiens de Michel Barnier.
Le PLF ayant été rejeté samedi en fin de journée en commission des finances, c'est dans sa version initiale qu'il arrive en séance publique, comme le veut la règle pour les textes budgétaires. Un mal pour un bien pour le gouvernement, qui a vu sa copie largement réécrite en commission, laissant présager des heures de débats difficiles dans l'hémicycle.
Un texte presque méconnaissable
Que s'est-il passé en commission des finances durant les quatre jours d'examen ? Le PLF a été passé à la moulinette, devenant presque méconnaissable : articles clés supprimés, amendements à plusieurs milliards d'euros adoptés, nouvelles taxes ou exonérations en grande quantité...
Parmi les pans purement et simplement rejetés, des dispositions sur la fiscalité écologique : les hausses de taxes sur l'électricité, les chaudières à gaz et les véhicules thermiques sont ainsi passées à la trappe.
Même chose pour les collectivités locales : les articles visant à geler ou raboter leurs recettes ont été supprimés, les députés leur accordant au contraire une rallonge de 500 millions d'euros (voir ci-dessous).
Mais l'équilibre du projet de loi a surtout été bouleversé par une cascade de nouvelles taxes, souvent à l'initiative de la gauche. La France insoumise s'est ainsi félicitée de "victoires" sur les "superprofits" et les multinationales, pour un total de plus de 40 milliards. Le "socle commun" de la droite et du centre n'a en effet pas pu empêcher les votes en faveur d'une taxe pérenne sur les hauts revenus. Pas plus qu'il n'a pu réfréner un durcissement des mesures sur les rachats d'actions ou le crédit d'impôt recherche.
Entre articles clés supprimés et "60 milliards" de nouvelles recettes fiscales intégrées, selon le bilan du président LFI de la commission, Éric Coquerel, l'exercice a échaudé le chef du gouvernement. "L'effort dont chacun doit prendre sa part ne peut pas se transformer en concours Lépine fiscal", a répliqué Michel Barnier, défendant "l'équilibre" des 60 milliards d'économies théoriquement répartis par son texte entre 20 milliards de nouvelles recettes et 40 milliards de réductions de dépenses.
Les amendements du Nouveau Front populaire "ne s'articulaient même pas entre eux, le texte était devenu insoutenable", a-t-il déploré dans un entretien au Journal du Dimanche (JDD) : "Dans le cadre du débat parlementaire, nous serons attentifs aux amendements qui préservent ou améliorent la compétitivité et, plus largement, l'activité économique." "Je ne veux pas qu'on alourdisse la fiscalité au-delà de l'effort temporaire que nous avons demandé à certaines grandes entreprises et aux contribuables les plus aisés. Et je m'engage à ce qu'aucune taxe temporaire, dictée par les circonstances, ne devienne permanente", a-t-il notamment affirmé.
Et maintenant ?
S'agissant de l'examen en séance, "nous faisons le pari de laisser la discussion se dérouler", a souligné le Premier ministre, laissant planer un recours au 49.3 "en cas de blocage parlementaire".
Mais le gouvernement pourrait aussi se référer à l'article 47 de la Constitution, qui prévoit que "si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée en première lecture dans le délai de quarante jours après le dépôt d’un projet, le gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours". Certains macronistes misent de ce fait sur un scénario où les débats traîneraient à l'Assemblée, et où le gouvernement invoquerait ces délais constitutionnels pour envoyer le texte sans vote au Sénat.
La gauche semble a contrario s'attacher à ce que l'argument du calendrier soit difficile à invoquer, en rationalisant le nombre d'amendements (entre une centaine et environ 470 par groupe). Les Républicains, eux, ont déposé plus de 700 amendements et Ensemble pour la République en compte plus de 500. Au total, près de 3.500 figuraient au menu dimanche soir (certains seront retirés ou déclarés irrecevables).
Le rapporteur général du budget, le centriste Charles de Courson, est peu optimiste : "On est incapables d'examiner autant d'amendements dans les délais impartis", à moins que leurs auteurs ne les retirent "massivement".
LFI a en outre préparé une motion de rejet préalable qui mettrait d'emblée fin aux débats. Motion que le "socle" gouvernemental et le RN devraient rejeter. De ce fait, "on sait qu'elle ne passera pas, on n'a pas envie qu'elle passe", mais "ce n'est pas de trop pour expliquer en quoi ce budget est mauvais", a expliqué Éric Coquerel ce lundi.
Le gouvernement devra aussi gérer d'autres velléités dans son camp, entre des députés de l'aile droite de Renaissance qui veulent supprimer sa surtaxe sur les grandes entreprises, et ceux du MoDem qui souhaitent pérenniser celle sur les hauts revenus.
Parmi les amendements adoptés en commission intéressant les collectivités
Une partie d'entre eux pourraient refaire surface, sous une forme ou une autre, durant la suite de la discussion du PLF. D'autant que certains ont été portés de façon transpartisane et répondent à des demandes exprimées de longue date.
Ressources des collectivités
- Pas moins de cinq amendements adoptés visaient à indexer la progression de la dotation globale de fonctionnement (DGF) à l'inflation soit, pour 2025, une revalorisation de 1,8% (alors que le PLF initial prévoit un gel).
- FCTVA. Là encore, cinq amendements. Ceux-ci visent à supprimer l'article du PLF qui prévoit la réduction du taux du FCTVA et l’exclusion des dépenses d’entretien des bâtiments publics, de la voirie, des réseaux payés et de certaines prestations informatiques.
- Exonérer de droit de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) "l’ensemble des locaux communaux et intercommunaux ou loués par la collectivité, et situés sur le territoire de la collectivité pour la part d’impôt qu’elle se paye à elle-même". Cet amendement aurait été travaillé avec l'Association des maires de France.
- "Redonner aux communes la possibilité de refuser l'exonération de TFPB des constructions nouvelles pendant deux ans" (refus qui n'est plus autorisé depuis le transfert de la part départementale). Cette mesure avait déjà été proposée dans le cadre du précédent projet de loi de finances (mais avait sauté pour cause de 49.3).
- Teom : donner la possibilité aux élus locaux de mettre en œuvre la tarification incitative sur une partie seulement de leur territoire et supprimer le délai d’harmonisation des modes de financement du service public de gestion des déchets. Autrement dit, les élus pourraient faire coexister une taxe d’enlèvement des ordures ménagères (Teom) et une taxe d’enlèvement des ordures ménagères incitative (Teomi).
- Permettre aux départements de fixer un taux maximal de taxe d'aménagement de 3,5%, contre un taux de 2,5% actuellement, sur une période transitoire de trois ans à partir de janvier 2025. Ceci afin de permettre à l'ensemble des départements "de compenser les pertes de recettes constatées aujourd'hui à taux constant, du simple fait de la crise immobilière".
- Départements / Sdis : reverser une fraction supplémentaire de taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) aux départements "afin d’augmenter l’enveloppe globale et de maintenir un niveau suffisant de ressources pour leurs missions de sécurité civile".
Logement
- Rétablir le taux de TVA de 5,5% sur toutes les constructions neuves de logements sociaux et pour l’ensemble des travaux réalisés dans les logements sociaux existants afin de "soutenir l’effort des bailleurs sociaux pour accroître les efforts menés en direction de la construction et de la rénovation de leur patrimoine". Un amendement qui répond à une demande constante de l'USH.
- Abattement sur la taxe foncière pour les logements sociaux en QPV : afin de tenir compte des retards pris dans le calendrier de signature des conventions relatives à l’entretien et à la gestion du parc (conventions devant être annexées aux contrats de ville), accorder un délai de trois mois supplémentaires (soit jusqu'au 31 mars 2025) pour la signature de ces conventions nécessaires pour l’application de cet abattement dès 2025. Amendement PS porté avec l'USH.
- Élargir le champ des bénéficiaires du bail réel solidaire (BRS) en augmentant les plafonds de ressources, afin de permettre à davantage de ménages de pouvoir être éligibles à ce dispositif.
Mobilités
Permettre aux régions qui agissent en qualité d’autorités organisatrices de mobilité de substitution (certaines communautés de communes ayant laissé la compétence mobilité à leur région) de prélever le versement mobilité pour financer l’offre de mobilité locale, dans les mêmes conditions qu’une communauté de communes qui s’est emparée de la compétence mobilité.
Foncier / Agriculture
Rehausser de manière progressive l’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB) visant les terrains à usage agricole en portant son taux à 30% au 1er janvier 2025, puis à 40% au 1er janvier 2026 et enfin à 50% au 1er janvier 2027. Ceci afin, notamment, de "rendre le portage du foncier agricole plus attractif".
Augmenter la taxe sur la cession à titre onéreux de terrains nus devenus constructibles, dans un objectif de lutte contre l’artificialisation des terres agricoles.
Revaloriser annuellement le plafond de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TA-TFNB), soit la taxe affectée pour frais de chambres d’agriculture, via son indexation sur l'indice des prix à la consommation. Ceci afin d’augmenter les ressources financières des chambres d’agriculture sans perte de recettes pour l’État (plusieurs amendements, dont un de Charles de Courson et un de Jean-René Cazeneuve).