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Environnement - Planification des déchets : une révolution en cours pour les départements

Quel nouveau visage s'apprêtent à arborer les plans départementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés (PDEDMA) ? Pour préparer le terrain, deux journées techniques co-organisées par l'Ademe et le ministère de l'Ecologie les 16 et 17 novembre ont fait le point sur le sujet et tenté de rassurer les conseils généraux sur l'ampleur des changements à venir.

A double élan, double changement ! Sous l’impulsion de la loi Grenelle 2 d’un côté, et, de l’autre, d’une directive-cadre européenne de 2008, les choses vont changer en matière de planification de la gestion des déchets. Les 16 et 17 novembre, l’Ademe et le ministère de l’Ecologie ont exposé ces principaux changements à un auditoire en grande partie composé de membres de conseils généraux qui s’interrogent, non sans crainte, sur l’impact qu’aura ce sursaut réglementaire sur les plans dont ils ont la charge. Des plans dont la désignation va changer : terminé la référence à l’élimination... les "plans départementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés"  laissent la place aux "plans de prévention et de gestion des déchets non dangereux". Simple jeu sur les mots ? Loin de là : ce changement de vocable est en soi un vaste chantier qui exigera d’adapter en conséquence l’arsenal d’articles du Code de l’environnement faisant référence à cette notion. Un prochain décret est prévu dans ce sens.

Dans l’esprit de la directive, l’élimination n’est en effet qu’une voie de traitement possible, et non un bloc inamovible. Et toute forme de traitement relève, aux côtés de la collecte, d’un bloc plus vaste correspondant à la gestion. "Autre prérogative liée à la directive, la planification devra hiérarchiser les modes de traitement des déchets. Cela doit se retrouver dans les priorités fixées dans le plan. La hiérarchisation doit donc respecter l’esprit de la directive. Mais des aménagements et dérogations resteront possibles", rassure Olivier David, chef du bureau de la planification et de la gestion des déchets à la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) du ministère de l’Ecologie.

Renforcer l’intelligibilité des plans

En outre, la distinction entre déchets dangereux ou non dangereux va progressivement éclipser des désignations considérées comme obsolètes, par exemple celle des déchets industriels spéciaux (DIS). Pourquoi ce changement ? "Avant tout pour clarifier les choses, répond Olivier David. Sur le terrain, certaines distinctions ont perdu de leur sens, il était donc temps de mieux savoir de quoi on parle. Dans les plans départementaux, on distinguera non plus les déchets en fonction de leur origine, que ce soit un ménage ou un industriel, mais de leur nature intrasèque. En cela, cette distinction entre déchets dangereux, non dangereux ou inertes permet à la réglementation de mieux coller à la réalité. On la retrouve d’ailleurs à travers les plans régionaux de prévention et de gestion de déchets dangereux, qui ont aussi changé malgré l’impasse faite sur leur sort lors du Grenelle." Dans la continuité du décret du 13 avril 2010, qui modifie la nomenclature des installations classées et introduit cette distinction entre déchets dangereux et non dangereux, une circulaire ministérielle précisera prochainement les choses.

Transposer la directive européenne

La directive fera l’objet d’une ordonnance ministérielle puis d’un décret d’application. "Pour prévenir toute incertitude, les deux se suivront de près dans le temps. Le décret sortira en mars 2011 après être passé par la Commission consultative d’évaluation des normes (CCEN) et le Conseil d’Etat", promet Eric Gaucher, l’adjoint d’Olivier David au ministère. Il fixera le contenu des plans départementaux. En premier lieu, ceux-ci comprendront un diagnostic de la façon dont s’organise le département pour gérer et traiter tous les flux de déchets. Recensement des acteurs clés et des EPCI de collecte et/ou traitement, inventaire des installations existantes, modalités de gestion en place : cet état des lieux sera approfondi. Mais pour qu’il soit complet, un conseil : consulter dès que possible la copie que le ministère de l’Intérieur, de l'Outre-mer et des Collectivités territoriales doit rendre sur la révision des règles de la collecte, son organisation, sa périodicité et la prise en compte du tri sélectif. Le hic étant qu’elle n’est pas encore disponible, même si elle ne devrait tarder à l’être en vue d’être mise en consultation.
A ce diagnostic s’ajoute un programme de prévention, plus intégré qu’auparavant, afin que les deux démarches soient d’autant mieux coordonnées. Dans ce programme figurent les objectifs et priorités fixés, ainsi que l’architecture du dispositif de suivi et d’évaluation. Pour être correctement appréhendé de tous, il tiendra compte de la nécessité qu’il y a à informer et communiquer sur son rôle et son suivi. Partant de là, ce plan départemental propose une planification de la gestion mise en place. Celle-ci intègre un volet prospectif des quantités de déchets qui seront à traiter dans 6 et 12 ans (contre 5 et 10 avant). Cet inventaire prévoit les types et capacités d’installations à créer et précise l’organisation à déployer en cas d’incident ou de catastrophe naturelle. Tous les 6 ans, ce plan doit être évalué et donner lieu à un bilan complet en fonction des indicateurs suivis.

Limiter l’exutoire de l’élimination

Autre nouveauté introduite par le Grenelle 2 : pour doper le recyclage et la valorisation matière, le plan fixera une limite annuelle aux capacités d’incinération et d’enfouissement possibles. Cette capacité ne devra pas dépasser 60% du volume des déchets produits sur le territoire. Un point qui ne manque pas d’inquiéter les départements, peu certains d’atteindre un tel seuil. "Pourtant il faudra bien et cela signifie que, quels que soient les projets d’extension prévus, au moins 40% des déchets du département seront orientés vers une installation de recyclage ou de valorisation matière", en déduit Eric Gaucher. Dans le droit, ces plans seront opposables, par exemple à des projets d’aménagement public. Il faudra veiller à ce qu’ils soient précis car ces dernières années, une vingtaine d’entre eux se sont fait retoquer. "Quatre ont même été annulés par des tribunaux administratifs", prévient Sophie Bataille, chargée de mission au bureau planification du ministère. L’une des raisons les plus courantes est l’insuffisance de définition des déchets ultimes ; un point sur lequel on sera donc particulièrement attentif. Quant aux plans de prévention et de gestion de déchets du BTP à réaliser d’ici 3 ans, ils ne seront pas opposables mais doivent prévoir un inventaire, un point sur les filières et des scénarios de gestion. Pour aider les conseils généraux à le mettre sur pied, un guide méthodologique piloté par la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) paraîtra d’ici quatre mois.

Morgan Boëdec / Victoires éditions