Environnement - Traitement des déchets : un rapport très concret du Sénat pour aider les élus à prendre les bonnes décisions
La mission d'information du Sénat sur les déchets mise en place en novembre dernier a présenté ce 23 juin son rapport sur les modes de traitement des déchets d'ordures ménagères. Ce rapport - qui sera en ligne dans les prochains jours sur le site du Sénat et fera l'objet en octobre d'un débat en séance plénière - a nécessité une cinquantaine d'auditions et déplacements, dont trois à l'étranger. Il passe en revue cinq modes de traitement - compostage, méthanisation, tri mécano-biologique (TMB), incinération et stockage - et se présente comme un "guide d'aide à la décision" nettement tourné vers les collectivités locales, lesquelles font face "au double défi de la progression rapide des coûts de traitement et de l'adaptation du parc d'installations très inégalement réparties sur le territoire".
"On se satisfait souvent de la diversité de nos territoires mais encore faut-il retrouver cette diversité dans le choix de traitement de nos déchets. Dans ce sens, nous préconisons une approche multifilière et des procédés adaptés aux problématiques de chaque territoire. Face aux changements prévus par les Grenelle 1 et 2, les élus ont en effet besoin d'être éclairés", a précisé Dominique Braye, sénateur des Yvelines et président de la mission.
Tempérer l'engouement pour le traitement biologique
Le rapport porte en premier lieu sur le traitement biologique par compostage ou méthanisation. Globalement bien maîtrisé, le premier "nécessite investissements et encadrement de terrain pour être réellement vertueux en milieu urbain". En France, il concerne 800 installations, contre 7 pour la méthanisation, un procédé plus complexe "qui ne fonctionne qu'à condition, pour les élus, d'être prêts à y mettre le prix d'autant que son bilan écologique et son rendement énergétique restent à confirmer, et que cette technique ne dispense pas d'exutoires finaux".
Avant d'engager de lourds financements, la mission recommande de passer en revue les coûts, bénéfices sociaux, environnementaux, et d'intégrer les installations visées dans une chaîne de traitement prévoyant "des exutoires finaux d'une capacité suffisante pour recevoir les refus". "En effet, ces refus sont encore nombreux pour la méthanisation, même si des collectivités comme Lille les gèrent bien et les transportent par péniche vers un incinérateur", a indiqué Daniel Soulage, sénateur du Lot-et-Garonne et rapporteur de la mission. Et celui-ci d'ajouter que "le dimensionnement de ces installations compte aussi car il est souvent disproportionné". Evaluer au préalable le volume de biodéchets visé, sa composition, ses variations saisonnières, est donc nécessaire.
Quant au TMB, s'il permet bien, selon la mission, de "produire des composts à la norme", la prudence reste de mise car il se pourrait que ces normes se durcissent très vite.
Réhabiliter l'incinération
De même, la localisation des installations pose problème : la distance à laquelle ont par exemple été créés les incinérateurs est jugée trop élevée par rapport aux centres de production urbains. A ce sujet, la mission penche pour "une réhabilitation de l'incinération, et non pour sa promotion". "Alors qu'elle paie encore injustement dans l'opinion publique les erreurs du passé", cette technique a, selon la mission, un potentiel sous-estimé, sur laquelle de meilleurs élèves européens que nous en matière de recyclage (les pays nordiques) ont su beaucoup mieux miser.
La mission juge aussi "encore pertinent" le traitement par stockage, tout particulièrement adapté en zone rurale. La tendance étant à la décroissance du nombre de ces sites, il se pose néanmoins le problème de leur répartition sur le territoire et du manque d'espaces alloués à ce mode de traitement.
Par ailleurs, la mission recommande de remettre l'expertise scientifique au centre des débats, de renforcer le rôle de conseil et d'information de l'Ademe en consacrant des moyens à l'aide à la décision pour les collectivités, d'assouplir le périmètre de planification départementale à l'échelle du bassin de vie, d'améliorer l'application sur le terrain des filières de Responsabilités élargies du producteur (REP).
Enfin, côté fiscal, la mission défend la vision d'une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) qui serait modulable selon les capacités et les performances de chaque territoire. Quant à l'augmentation de cette taxe, elle devra être subordonnée à un bilan qui reste à dresser et à une réflexion en vue de faire de cette "taxe produit" une taxe plus nettement tournée vers l'incitation et l'aspect vertueux.
Morgan Boëdec / Victoires éditions