Petite enfance : Intercommunalités de France demande une clarification de la loi pour ne pas "détricoter" l’existant
L’intercommunalité doit pouvoir être "autorité organisatrice de l’accueil du jeune enfant" sur son territoire quand elle en a déjà la compétence, alerte Intercommunalités de France. L’association estime que 70% des intercommunalités conduisent des politiques dédiées à la petite enfance, permettant ainsi à de petites communes d’accéder à des services. Autre point de la loi Plein Emploi jugé problématique : une compensation financière est prévue uniquement pour les communes de plus de 3.500 habitants, alors que 385 intercommunalités n’ont pas de ville atteignant ce nombre.
"Les communes sont les autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant", institue la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi, à son article 17. Pour Sébastien Martin, président d’Intercommunalités de France, il suffisait d’ajouter trois mots, désormais fréquents dans la législation française : les communes… "ou leurs groupements". Ou plus exactement quatre mots : "et/ou leurs groupements", pour tenir compte des articulations existantes dans certains territoires entre une action municipale (par exemple dans une ville centre) et l’intervention de l’intercommunalité.
"Alors que nous alertons depuis des mois", la clarification attendue n’a pas été apportée, ce qui "ouvre une période d’incertitude profonde", regrette le président du Grand Chalon. Cela "du fait de l’obstination de certains à ne pas vouloir reconnaître la réalité du fait intercommunal dans notre pays", déplore-t-il.
"Au mieux ce sera très chronophage, au pire ce sera une baisse de la qualité de service"
Selon les estimations de l’association Intercommunalités de France, sur un total de 1.254 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), 900 intercommunalités (correspondant à 27.000 communes) ont actuellement une action en matière de petite enfance. Cela permet en particulier à de petites communes de bénéficier d’une offre de services mutualisés sur leur territoire.
En l’état, selon le dispositif qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2025, seules les communes sont désignées "autorités organisatrices de l'accueil du jeune enfant", ce qui oblige les élus à délibérer s’ils souhaitent déléguer cette compétence à l’intercommunalité… même quand cette dernière exerçait déjà, jusque-là, la compétence petite enfance. Certaines communes pourraient aussi choisir de récupérer la compétence. "Au mieux ce sera très chronophage, au pire ce sera une baisse de la qualité de service notamment dans la ruralité", alerte Jean-Yves Brenier, président de la communauté de communes des Balcons du Dauphiné.
Autre difficulté relevée par Intercommunalités de France dans le texte de loi actuel : seules les communes de plus de 3.500 habitants (soit "seulement 5% des communes", selon Sébastien Martin) ont droit à une compensation financière pour la mise en place du service public de la petite enfance (SPDA). 385 intercommunalités n’ont pas de commune de plus de 3.500 habitants, précise l’association.
Une "vision d’ensemble" intercommunale plébiscitée par les CAF
Les intercommunalités créent des places d’accueil du jeune enfant, "aux normes, de bonne qualité", assure Sébastien Martin. Il interroge : "Est-ce que l’on veut casser ce mouvement-là ?"
Jean-Yves Brenier fait également valoir la capacité des intercommunalités à proposer aux professionnels un cadre de travail "moins précaire, des horaires moins hachés et des parcours cohérents". Vice-présidente d’Intercommunalités de France en charge de la commission cohésion sociale et territoriale, Anne Terlez ajoute que, y compris lorsque le secteur privé gère des établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE), les intercommunalités "pilotent", disposent "d’outils pour garantir la qualité d’accueil"… Là où, selon elle, l’absence de "pilotage public" ouvre la porte "à de possibles difficultés".
"Détricoter un échelon intercommunal sur cette question, est-ce que c’est fait pour ouvrir plus largement les vannes au privé qui se retrouverait en contact direct avec des maires ?" soulève le président d’Intercommunalités de France. Ce dernier insiste sur la "vision d’ensemble" apportée par une structuration intercommunale, plébiscitée par les caisses d’allocations familiales (CAF) dans le cadre des conventions territoriales globales. Et ajoute que les CAF n’auraient de toutes façons par les moyens d’apporter un appui en ingénierie à chaque commune de France.
Dans le rapport de la commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et la qualité de l’accueil du jeune enfant, récemment rendu public (voir notre article), une clarification de la "répartition des compétences entre la commune et l’intercommunalité en matière d’organisation du SPDA" est demandée, "afin de ne pas remettre en cause les équilibres existants". Tout en invitant à analyser cette répartition "territoire par territoire" en fonction "des choix historiques, financiers et organisationnels", le rapport conforte globalement le niveau intercommunal, estimant que cet échelon "présente plusieurs avantages, qui doivent être pris en considération pour la construction du service public de la petite enfance, et notamment en matière de mutualisation des moyens".
Sébastien Martin attend des ministres Catherine Vautrin et Sarah El Haïry une "solution simple", qu’elle soit législative ou réglementaire, pour éviter une "déstabilisation" du système.