Pays des Écrins : quand les bons petits plats mènent au numérique (05)

Pour certaines personnes, l’accès au numérique n’est pas qu’une question de moyens ou de compétences informatiques. C’est particulièrement vrai dans le Pays des Ecrins dont le passé industriel a conduit à l’implantation de personnes d’origine étrangère qui cumulent les obstacles à l’insertion sociale. « Certains ne maîtrisent pas bien la langue française et ne voient pas l’intérêt d’utiliser des outils numériques. Il faut donc trouver des leviers pour leur donner envie de se former. La cuisine est un moyen de leur redonner confiance », explique Jacques Pons, 7^e vice-président du Pays des Écrins.

C’est ainsi qu’a émergé l’idée de créer des « ateliers cuisine », où un petit groupe est amené à concevoir, partager et réaliser un plat, de l’achat des ingrédients à leur préparation, en passant par la rédaction de la recette. Chaque session se clôt par la dégustation de la spécialité préparée pour le déjeuner ou le goûter, l’atelier se déroulant sur une demi-journée. Les recettes sont ensuite saisies par les participants sur un ordinateur, à l’occasion d’un atelier spécifique. Les ateliers ont vocation à constituer un livre de recettes illustré et coproduit avec les participants. « La réalisation d’une recette mobilise de nombreux savoirs – lire, écrire, compter – et le numérique contribue à valoriser les créations des participants », souligne Émilie Verney, chargée de projet France Services à L’Argentière-La-Bessée.

Format itinérant

Le principal défi du projet est d’aller vers les publics les plus isolés, en explorant autrement l’accompagnement de proximité. France services, pilotée par la communauté de communes, peut cependant compter sur une notoriété de plus de 20 ans auprès des publics fragiles, même si les appellations du lieu ont changé au fil du temps. La collectivité travaille aussi avec des partenaires qui connaissent ces publics, notamment le centre socioculturel et les bibliothèques – médiathèques. Le dispositif est enfin itinérant et s’implante dans les communes autour de L’Argentière-La Bessée.

Outre les ateliers cuisine, des sessions de lecture-écriture avec des autrices locales sont proposées, ainsi que des formats plus classiques, tels que les sessions d’accompagnement individuel au numérique d’une durée d’une heure. « Nous nous adaptons aux demandes de l’usager, qui peut venir avec son outil numérique ou bien utiliser un ordinateur ou une tablette de France services. Notre objectif est de les rendre autonomes sur des usages informatiques de base : mail, tchat, traitement de texte… », explique la chargée de projet. Des ateliers numériques collectifs vont être proposés sur des thèmes spécifiques, comme la création d’un espace impôts. Et de préciser : « il ne s’agit pas de répondre à des questions fiscales. Si des interrogations émergent à ce sujet, la conseillère numérique France services renvoie alors les usagers vers les agents de la DGFIP, avec qui nous avons signé une convention. »

Partage des expérimentations

Ces différents formats ciblant les publics en situation d’illettrisme font partie des expérimentations menées dans le cadre du Lab3i, un projet de coopération centré sur l’accompagnement des personnes en situation d’illettrisme et d’illectronisme, premières victimes du non-recours aux droits. Le projet est piloté par l’Association pour le Développement en REseau des Territoires et des Services (Adrets) qui coordonne les actions mises en œuvre dans trois communautés de communes des Alpes du sud : Pays des Écrins, Champsaur-Valgaudemar et Ubaye. Le projet est financé par le dispositif européen LEADER et la région Sud PACA. Démarré fin 2020, il se terminera en 2023, avec un bilan des actions menées et une proposition des suites à donner à ce projet, pour pérenniser ce qui a fonctionné. En attendant, l’expérience a déjà été récompensée du label or Territoire Innovant (catégorie Territoire Inclusif) lors du forum des Interconnectés de 2023.