Etat civil - Passeports biométriques : la question de l'indemnité des communes demeure
L'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) promet d'indemniser en moyenne à hauteur de 4.000 euros l'aménagement du site choisi pour accueillir une station d'enregistrement des empreintes digitales. Pour l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF), cette subvention ne correspond pas aux montants qui sont réellement engagés par les mairies, même si ceux-ci devraient "varier d'une ville à l'autre". Quand par exemple à Beauvais, la facture des travaux s'est élevée à près de 80.000 euros pour quatre machines, Antibes Juan-les-Pins a dépensé "entre 20.000 et 25.000 euros hors taxes" pour installer également quatre machines dans ses mairies annexes. Compte tenu de la subvention de l'ANTS, "ce sera presque une opération blanche", affirme la mairie des Alpes-Maritimes.
Pour parvenir à mesurer précisément l'impact financier de la mise en place des titres biométriques, l'AMGVF réalise une étude auprès de ses adhérents. A partir de premiers calculs, elle estime à 20.000 euros par an et par station le coût du recueil des demandes de passeports. Une somme bien supérieure à l'indemnité de 5.000 euros - par an et par station - prévue par la loi de finances pour 2009. Cette somme sera versée aux collectivités, rappelons-le, en compensation seulement des titres qu'elles délivreront aux usagers qui n'habitent pas dans la commune. L'Etat a par avance évalué forfaitairement la proportion de ces personnes à 30%. Là encore, les maires de grandes villes estiment que le gouvernement a retenu une estimation basse. Car dans les "villes étudiantes" ou "touristiques", les non-résidents devraient être "nombreux" à se présenter au guichet de la mairie.
Inconnues
Les informations fournies par les villes où le passeport électronique est déjà délivré semblent d'ailleurs le confirmer. Beauvais fait ses comptes : au premier trimestre 2009, 46% des demandes ont été le fait de personnes extérieures. "Nous avons des horaires d'ouverture très larges en comparaison de la plupart des autres communes du département qui délivrent le passeport." De plus, "l'usager vient ici librement et non sur rendez-vous comme ça se passe parfois ailleurs", explique Fabrice Luginbuhl, responsable des services à la population du chef-lieu de l'Oise.
Dans le Pas-de-Calais, Béthune délivre le nouveau passeport depuis le 27 mars dernier. Jusqu'au 4 avril, c'est-à-dire en l'espace de 7 jours ouvrés, la mairie a reçu 81 demandes de passeports. Comme à Beauvais, on s'attend à un afflux important de personnes ne résidant pas dans la commune. "Les stations installées dans les environs ne fonctionnent pas encore toutes, fait-on remarquer à la mairie. Et puis nous sommes les seuls à ouvrir le samedi matin."
Dans les Alpes-Maritimes, à Antibes Juan-les-Pins, on s'inquiète en raison du nombre important de propriétaires de résidences secondaires, car on ne sait pas si pour leurs passeports ils s'adresseront à leur lieu de résidence habituel ou à Antibes.
"Les agents en ont ras-le-bol !"
Fort logiquement, les communes constatent une croissance de l'activité de délivrance de passeports, à laquelle il faut faire face avec les mêmes effectifs. A Beauvais, le nombre de demandes de passeports a bondi de 55% au premier trimestre 2009 par rapport à la même période de l'année 2008. Heureusement que depuis janvier, les stations d'enregistrement sont au point, ce qui n'avait pas été toujours le cas depuis novembre ! La mairie de Béthune constate encore des difficultés techniques, notamment avec le passage au scanner des photos d'identité. De plus, certaines situations sont délicates à gérer. Elles sont par exemple le fait de personnes qui arrivent en mairie "seulement un quart d'heure" avant la fermeture ou de celles à qui il manque des pièces. Or ces usagers parcourent parfois "jusqu'à 25 km" pour faire faire leur passeport. "On se fait insulter, les agents en ont ras-le-bol !", commente la responsable de l'état civil.
Répondant récemment à des parlementaires, la ministre de l'Intérieur a indiqué qu'un audit sera réalisé fin 2009 et que le montant de l'indemnité sera revu si nécessaire. Chargée d'une mission de contrôle par la commission des finances du Sénat, Michèle André, sénatrice du Puy-de-Dôme s'emploie déjà, de son côté, à dresser le diagnostic. Après l'ANTS à Charleville-Mézières et l'Imprimerie nationale à Douai, ses investigations doivent la mener prochainement dans plusieurs mairies, dont celle de Clermont-Ferrand. Sans attendre les conclusions de son rapport d'étape qui sortira en juin, elle se dit favorable à une indemnisation calculée en fonction du nombre total de titres délivrés par les communes - et non en fonction seulement des titres délivrés aux non-résidents. Une proposition qui va tout à fait dans le sens de ce que souhaitent les maires de grandes villes.
Thomas Beurey / Projets publics
Au coeur du débat, le temps nécessaire pour traiter les demandes
"De huit à dix minutes" à Beauvais, "moins de dix minutes" à Bar-sur-Seine dans l'Aube, "quinze minutes en moyenne" à Béthune, "dix à quinze minutes" à Guérande en Loire-Atlantique... c'est le temps moyen nécessaire à la prise en compte d'une demande de passeport biométrique. Ces durées peuvent toutefois s'allonger lorsque "les gens ont besoin d'aide pour remplir le formulaire de demande" ou "en cas de difficulté avec la station". A Béthune, une demande a nécessité jusqu'à une heure trente, en raison de photos d'identité qui "ne passaient pas". Ces durées "n'incluent pas les demandes de renseignements", fait-on par ailleurs remarquer à Antibes Juan-les-Pins.
A partir d'une étude interne, la fédération des maires de villes moyennes indiquait récemment que le temps en question était "de vingt à vingt-cinq minutes". Une durée que met en avant elle aussi la sénatrice Michèle André.
En accordant une indemnité de 5.000 euros par an et par station, le gouvernement considère que le temps nécessaire pour traiter une demande de passeport est de 15 minutes au plus.
Le ministère de l'Intérieur répond aux parlementaires
Au cours des derniers mois, de nombreux parlementaires ont interrogé le gouvernement sur la mise en oeuvre des passeports biométriques et les difficultés qu'elle entraîne. Nous publions ci-dessous un échantillon de ces questions et de leurs réponses, qui se comptent par dizaines.
Question écrite Sénat 03217 de Bernard Piras publiée le 31 janvier 2008. Réponse du ministère de l'Intérieur du 3 avril 2008.
Question écrite Sénat 03310 de Yolande Boyer publiée le 7 février 2008. Réponse du ministère de l'Intérieur du 3 avril 2008.
Question écrite Sénat 05504 de Jean-Louis Masson publiée le 11septembre 2008. Réponse du Ministère de l'intérieur du 16 octobre 2008.
Question écrite Assemblée nationale 33849 de Geneviève Fioraso publiée le 28 octobre 2008. Réponse du ministère de l'Intérieur du 6 janvier 2009.
Question écrite Assemblée nationale 36716 de Franck Reynier publiée le 2 décembre 2008. Réponse du ministère de l'Intérieur du 3 mars 2009.
Question écrite Sénat 06674 de Roland Ries publiée le 18 décembre 2008. Réponse du ministère de l'Intérieur du 19 mars 2009.
Question écrite Sénat 06693 de Michel Doublet publiée le 18 décembre 2008. Réponse du ministère de l'Intérieur du 19 février 2009.
Question écrite Sénat 07521 de Robert Tropeano publiée le 19 février 2009. Réponse du ministère de l'Intérieur du 19 mars 2009.