Jeux olympiques - Paris 2024 : un rapport pointe des risques et remet en cause l'héritage territorial
Des risques pèsent sur la bonne exécution du programme de travaux prévu dans le cadre du dossier de candidature de Paris à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques 2024. Telle est la conclusion d'un rapport des inspections générales des Finances (IGF) et de la Jeunesse et des Sports (IGJS) et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (Cgedd), commandé par le gouvernement et publié vendredi 30 mars.
Selon les rapporteurs, ces risques concernent tant la non-réalisation dans les délais de certaines opérations que l'apparition de surcoûts importants. Le dépassement du budget initial de 6,8 milliards d'euros, dont 3 milliards pour les constructions, pourrait ainsi atteindre 500 millions selon le document. Trois dossiers sont particulièrement visés : le village olympique, le village des médias et le centre aquatique olympique.
Calendrier "très tendu"
Concernant le village olympique, le rapport indique que "le calendrier de réalisation est d'ores et déjà très tendu", puisqu'il est question de "réaliser dans un délai de six ans une opération qui prendrait une dizaine d'années dans des conditions habituelles". Par ailleurs, la mission met en évidence l'absence de solution de relogement pour le foyer de travailleurs migrants Adef et pour le lycée Marcel-Cachin, la présence dans le périmètre d'un important ouvrage technique du Grand Paris express et, surtout, un aléa important dû à la sensibilité archéologique d'une grande partie du site. Ainsi, "le parti d'aménagement doit être redéfini".
Sur la zone Dugny-Le Bourget, le village des médias du Bourget devrait être redimensionné "à la baisse", soit 500 logements au lieu des 1.500 prévus, le programme du cluster olympique de Dugny-Le Bourget, et notamment l'implantation d'un pavillon provisoire pour le volley-ball, révisé, et le projet de réalisation d'une passerelle au‐dessus de l'autoroute A1 abandonné. Ici, le rapport pointe des surcoûts "considérables […] pas indispensables et […] difficilement justifiables" qui pourraient atteindre, dans le pire scénario, 93 millions d'euros.
Le projet de centre aquatique prend l'eau
Enfin, le surcoût le plus important mis en lumière par les inspecteurs concerne le centre aquatique olympique (CAO) et l'aménagement de la plaine Saulnier à Saint‐Denis. Pour le CAO, la mission évoque un dépassement budgétaire de 160 à 170 millions d'euros pour la construction et un déficit d'exploitation estimé à 500.000 euros par an non financé "de manière certaine". Pour l'opération d'aménagement de la plaine Saulnier, le document parle d'un possible déficit de 20 à 25 millions. Ici, le rapport préconise d'agir sur deux leviers. Tout d'abord, elle demande que la responsabilité soit confiée à la Solideo (Société de livraison des ouvrages olympiques, établissement public sous tutelle des ministres chargés des Sports, de l'Urbanisme et du Budget) en substitution de la métropole du Grand Paris. D'autre part, elle enjoint "de rechercher dès à présent, en option, une alternative pour l'implantation [du CAO], y compris sous la forme d'une installation provisoire".
Ces trois dossiers méritent des "arbitrages rapides", pointent les rapporteurs, alors que d'autres points de vigilance sont mis en avant, comme l'articulation entre les opérations liées à l'accueil des Jeux et les grands projets d'infrastructures de transport ou le financement de l'aménagement de "voies olympiques" réservées pour lesquelles le surcoût pourrait aller jusqu'à 109 millions d'euros. Enfin, la mission insiste sur "la complexité de la gouvernance d'ensemble des opérations liées à l'accueil" des Jeux. Elle fait remarquer que 27 maîtres d'ouvrages coexistent et que "certains sont peu expérimentés". "Cette situation conduit à un enchevêtrement et à une dilution des responsabilités, peu compatibles avec le respect des délais et des coûts", estime le rapport.
Les élus locaux plaident pour l'héritage
Pour les rapporteurs, les risques pointés peuvent encore être évités à une triple condition. Tout d'abord, par une modification du programme ou de la localisation de certains sites. Ensuite, par une réforme urgente de la gouvernance et de la maîtrise d'ouvrage des opérations. Enfin, par une vigilance sur l'enchaînement des tâches, accompagnée d'une réduction forte de l'ensemble des délais administratifs, à mettre en place par voie législative et/ou réglementaire. Si de tels changements sont "compatibles avec les exigences du Comité international olympique (CIO)", estiment les rapporteurs, ils "remettraient toutefois en cause des engagements pris avec certaines collectivités", notamment en termes d'"héritage territorial". En conséquence, les inspecteurs souhaitent qu'ils soient " finalisés et actés rapidement".
Dans un communiqué commun, Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics, et Laura Flessel, ministre des Sports, affirment qu'"il appartient à l'ensemble des partenaires [comité d'organisation, Etat et collectivités territoriales] de procéder aux ajustements nécessaires, de manière à respecter les délais de réalisation ainsi que les enveloppes budgétaires initialement prévues, notamment le montant de l'engagement financier public (1,5 milliard d'euros), tout en préservant la logique d'héritage qui constitue la force du dossier Paris 2024". Ils annoncent que des "ajustements seront discutés dans un cadre concerté avec l'ensemble des partenaires en vue d'être soumis au Comité international olympique à l'occasion de l'échéance prévue à cet effet les 18 et 19 juin prochains".
De leur côté, dix élus de Seine-Saint-Denis, parmi lesquels Stéphane Troussel, président du conseil départemental, Laurent Russier, maire de Saint-Denis, et Yannick Hoppe, maire du Bourget, ont également réagi. "Nous ne sacrifierons pas à une pure logique comptable l'ambition du projet Paris 2024", affirment-ils dans un communiqué. "Dans [les] discussions à venir, notre ligne de conduite restera l'amélioration durable des conditions de vie des habitants et le respect des engagements pris avec l'Etat, l'approche globale du projet et de son héritage pour la Seine-Saint-Denis au-delà du seul moment de la compétition sportive", concluent-ils.
Le site du centre aquatique olympique non inscrit à la liste des OIN
Un
décret n°2018-223 du 30 mars 2018 inscrit à la liste des OIN (opérations d'intérêt national) figurant au Code de l’urbanisme certains ouvrages situés en Seine-Saint-Denis pour l’accueil des Jeux olympiques 2024. La liste comprend deux périmètres : le village olympique, d’une part, le village des médias et les sites du tir, du volley-ball et du badminton, d'autre part. Sont concernées les communes du Bourget, de la Courneuve, de Dugny, de L’Île-Saint-Denis, de Saint-Denis et de Saint-Ouen, les EPT Plaine commune et Paris terre d’envol, et le département de la Seine-Saint-Denis. En revanche, la plaine Saulnier (Saint-Denis), où est actuellement prévue l'implantation du centre aquatique olympique, n'y figure pas. Une telle inscription faisait pourtant partie des propositions du rapport de l'IGF, de l'IGJS et du CGEDD. L'inscription à la liste des OIN permet de modifier, dans les périmètres concernés, les prérogatives respectives des collectivités territoriales et de l’Etat en matière d’application du droit des sols et de création des zones d’aménagement concerté.