Pour gagner les Jeux, Paris 2024 s'est appuyé sur l'expertise de la région Ile-de-France
De la candidature victorieuse de Paris à l'organisation des Jeux olympiques 2024, on connaît Tony Estanguet, tête d'affiche médiatique, Anne Hidalgo, maire de Paris portée par la foi des nouveaux convertis, et Bernard Lapasset, que sa stature a mis en lumière malgré une volonté d'œuvrer en coulisse. A leurs côtés, une équipe de professionnels de l'événementiel sportif a travaillé durant près de trois ans au sein de l'association Ambition olympique, devenue GIP Paris 2024 une fois la candidature de Paris officialisée.
Mais pour décrocher les Jeux olympiques après les échecs des éditions 2008 et 2012, d'autres institutions se sont mobilisées en vue d'apporter une expertise technique indispensable dans un dossier d'une très grande complexité. Parmi elles, deux structures dépendant du conseil régional d'Ile-de-France – l'IAU (Institut d'aménagement urbain) et son département spécialisé l'IRDS (Institut régional de développement du sport) – ont joué un rôle-clé dans un chapitre essentiel : la localisation des sites olympiques et la préparation de l'"héritage".
Y retourner ou non, telle est la question
Tout commence en 2014. Deux ans après un rapport qui avait tiré le bilan des échecs des précédentes tentatives, la question d'une nouvelle candidature émerge. Le gouvernement, la région Ile-de-France, la ville de Paris et le CNOSF s'interrogent, et une étude d’opportunité est lancée au CFSI (Comité français du sport international). Au sein du conseil régional, l'élu au sport se demande si l'Ile-de-France est capable, en termes de disponibilité foncière et d'aménagement du territoire, d’accueillir un événement aussi important. "A l'époque, on était encore sous l'effet de la candidature de Londres 2012 et de son parc olympique d'un seul tenant, rassemblant le village olympique et les principaux équipements sportifs, raconte Claire Peuvergne, directrice de l'IRDS. On cherchait donc 150 hectares environ d’un seul tenant, mais on savait qu'on ne pourrait plus les trouver dans Paris." La mise en chantier du quartier des Batignolles, retenu pour la candidature de 2012, oblige en effet à regarder de l'autre côté du périphérique. C'est là qu'intervient l'IAU.
Un potentiel d'analyse unique
Cet institut, créé en 1960 pour fabriquer le premier schéma directeur de la région, est au courant de tous les projets d'aménagement. Cela lui donne un avantage inégalé en termes de prospective. De plus, le souci d'héritage urbanistique d'une nouvelle candidature conduit à mettre en cohérence le projet olympique avec les orientations des différents schémas directeurs d'aménagement. Les Jeux embrassant des questions de sport et d'aménagement du territoire et nécessitant une expertise pluridisciplinaire, c'est naturellement que le conseil régional s'adresse à l’IAU et à l'IRDS pour cette première approche.
Commence alors un travail de défrichage à l'aide de bases de données riches de près de soixante ans d'histoire de l'aménagement du territoire en Ile-de-France, qu'il s'agisse de transports, de logements, de démographie, de santé, d’environnement, d’occupation du sol, d'économie et bien sûr de sport. "Ces bases de données historiques numérisées avec le SIG (système d'information géographique en place depuis le début des années 1980 au sein de l’IAU) offrent un potentiel d’analyse en dynamique du territoire sans commune mesure", commente Claire Peuvergne.
Action discrète
Dès le début, l'IAU et l'IRDS sont régulièrement en contact, via le conseil régional, avec le CFSI, lequel est soucieux de savoir s'il est possible de "faire atterrir la soucoupe JO" en proximité de Paris avant de lancer une nouvelle candidature. A l'époque, ces démarches sont délicates. La ville de Paris lorgne plus vers l'Exposition universelle de 2025 et sa maire Anne Hidalgo se montre très réservée sur le dossier olympique. Et il est hors de question d'interroger directement les élus locaux et techniciens des territoires. "La consigne était de produire un travail 'en chambre'", confie Claire Peuvergne. L'existence de ressources propres à l'IAU et à l'IRDS est alors essentielle pour commencer un travail sérieux et émettre les premières hypothèses sans se rendre sur le terrain. Cette étude liminaire aboutit à une première conclusion fin 2014 : Paris peut accueillir les Jeux.
En 2015, quand la ville de Paris annonce officiellement sa candidature, l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur) rejoint l'IAU et l'IRDS pour affiner la réflexion sur le choix des sites selon de nouveaux critères. On ne cherche plus 150 hectares d'un seul tenant, mais au moins 50 hectares pour le village olympique en très grande proximité de Paris et des équipements sportifs. Il ne reste alors plus que trois sites potentiels, tous en Seine-Saint-Denis. IAU, IRDS et Apur, avec le cabinet Kénéo, posent ensuite des grilles d'indicateurs pour satisfaire aux exigences du CIO, que ce soit pour l'expérience des athlètes, le concept global des Jeux, mais aussi l'héritage.
L'héritage, critère central
Entre les différents acteurs, le travail se répartit "en bonne intelligence". L'Apur, qui dispose d'une bonne connaissance des territoires limitrophes à Paris, traite le dossier du village olympique, à Saint-Denis, Saint-Ouen et sur l'Ile-Saint-Denis, tandis que l'IAU et l'IRDS sont chargés de la partie "cluster" du Bourget. "On a toujours été en appui de la demande de l'association Ambition olympique puis du GIP, explique Claire Peuvergne. Quand le GIP s'interroge sur les sites d'entraînement, grâce à nos bases de données, on peut évaluer les distances entre les sites et par rapport au village en temps de transport réel ou encore livrer des éléments sur les questions environnementales (zone Natura 2000, trames vertes et bleues à respecter…) et les projets d’aménagement en cours et à plus long terme, et surtout commencer à construire des esquisses d’aménagement avec les structures d’aménagement locales."
In fine, si le GIP chargé de porter la candidature a lui-même choisi les sites, le travail de l'IAU, de l'IRDS puis de l'Apur a permis de ne jamais perdre de vue la double exigence, sportive et sociale, du projet. "Sur le village olympique, si l'expérience des athlètes était un critère majeur, le critère de l'héritage était central. Mettre le village là où on l'a mis était une façon d'accélérer l'aménagement et l'amélioration des conditions de vie sur le territoire, et le GIP en a tenu compte", conclut Claire Peuvergne.