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Communication - Parasitisme : une commune peut toujours invoquer le "risque de confusion dans l'esprit du public"

Bien que très médiatisé, le cas de la commune de Laguiole, qui ne parvient pas à retrouver ses droits sur son nom (voir notre article ci-contre du 27 septembre 2012), n'est pas vraiment représentatif de la situation des collectivités en la matière. Outre les exemples récents de Condom (Gers) et de Deauville (voir notre article ci-contre du 14 septembre 2012), un nouvel arrêt de la Cour de cassation montre que les collectivités sont parfaitement à même de faire entendre leurs droits et qu'elles sont entendues par les juridictions.
En l'espèce, la ville de Marmande (Lot-et-Garonne, 18.500 habitants) avait introduit un pourvoi en cassation contre un arrêt de la cour d'appel d'Agen en date du 14 juin 2011. Ce dernier jugement rejetait en effet son recours contre la société Dataxy, demandant qu'elle soit condamnée sous astreinte à supprimer le nom de domaine qu'elle utilise sous la dénomination "marmande.fr'' et d'en voir ordonner le blocage. La société Dataxy utilisait ce nom de domaine depuis juin 2004, sous la forme d'un site internet hébergeant divers annonceurs. Sur sa page d'accueil, le site se présente d'ailleurs - non sans contradiction dans l'intitulé - comme "le site non officiel de la mairie de Marmande".
L'arrêt de la Cour de cassation, en date du 10 juillet 2012, est particulièrement laconique, mais sans ambiguïté aucune. Il indique en effet qu'"attendu que pour constater l'absence de trouble manifestement illicite et dire n'y avoir lieu à référé, l'arrêt retient qu'en juin 2004, il n'existait aucune protection du nom des communes et que les dispositions de l'article L.711-4 h du Code de la propriété intellectuelle protègent les collectivités territoriales contre un dépôt de marque et ne concernent pas les noms de domaine ; attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant d'un risque de confusion dans l'esprit du public, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision". Dans ces conditions, la Cour casse l'arrêt de la cour d'appel d'Agen du 14 juin 2011, condamne la société Dataxy aux dépens et à verser 2.500 euros à la commune de Marmande et renvoie les parties devant la cour d'appel de Bordeaux.
Certes, la Cour de cassation de se prononce pas sur le fond - même si elle suggère fortement le sens de la position à prendre - et il faudra maintenant attendre le jugement de la cour de Bordeaux. Mais l'arrêt est important en ce qu'il considère que l'absence de dépôt de marque ou de nom de domaine ne fait pas obstacle à l'existence "d'un trouble manifestement illicite résultant d'un risque de confusion dans l'esprit du public". Ce qui était bien le cas, en l'occurrence, avec l'utilisation, par une société privée, du nom de domaine "marmande.fr".
Au passage, on relèvera que le récent jugement du tribunal de grande instance de Paris rejetant toutes les demandes de la commune de Laguiole (voir notre article ci-contre du 27 septembre 2012) semble quelque peu en contradiction avec l'arrêt de la Cour de cassation sur le cas de Marmande. Il serait donc intéressant de connaître la position de la cour si l'affaire de Laguiole venait en cassation.

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : Cour de cassation, chambre commerciale, arrêt n°12-21919 du 10 juillet 2012.