Pacte des solidarités : Paul Christophe a réuni les associations
Le ministre des Solidarités souligne "un engagement budgétaire fort" pour 2025, quand le collectif Alerte considère que "le compte n’y est pas". Pour le chantier de "l’allocation sociale unique" qui a été confirmé, deux ans après l’abandon du "revenu universel d’activité", les associations demandent au gouvernement de les associer étroitement et de ne pas repartir d’une page blanche. Dans son rapport 2024 sur la pauvreté, le Secours catholique observe une hausse du non-recours aux prestations sociales parmi ses bénéficiaires et pointe les effets négatifs de la dématérialisation.
Avec Anne Rubinstein, déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, le ministre des Solidarités, Paul Christophe, a réuni le 14 novembre les associations et autres acteurs du Pacte des solidarités, "pour un bilan et une feuille de route", cinq mois après le point qui avait été animé par Catherine Vautrin (voir notre article). Paul Christophe fait notamment valoir "un engagement budgétaire fort pour 2025", avec une hausse de 61 millions d’euros des crédits de son ministère qui s’élèvent, dans le projet de loi de finances (PLF), à 342 millions d’euros.
Pour le collectif associatif Alerte, toutefois, "le compte n’y est pas". "Si le Pacte des solidarités a permis de maintenir l'effort financier de l'État, il est encore loin de l’augmentation de 50% promise par la Première ministre Élisabeth Borne", ont-ils mis en avant dans un communiqué à l’issue de la rencontre avec le ministre. "Les associations déplorent l'absence d'un objectif chiffré d'éradication de la pauvreté comme le prévoit pourtant la loi (article L115-4-1 du code de l’action sociale et des familles)", pointe le collectif. "La stratégie de lutte contre la pauvreté, principalement axée sur le travail, ne fonctionne pas et est vouée à l’échec avec la remontée du chômage", affirment encore les associations (voir notre article).
Ces dernières demandent à être plus étroitement associées à cette stratégie, indiquant notamment que le projet de décret prévoyant les sanctions dans le cadre de la réforme du revenu de solidarité active (RSA) ne leur avait toujours pas été transmis. Le ministre des Solidarités a par ailleurs "confirmé le démarrage du chantier autour de 'l’allocation sociale unique' annoncé par le Premier ministre, Michel Barnier" : les associations demandent "un dialogue à haut niveau pour en partager les objectifs et s’appuyer sur le travail de concertation au sujet du revenu universel d’activité" - autrement dit, elles appellent à ne pas repartir de zéro sur ce projet qui avait donné lieu à des travaux (voir notre article) avant d’être abandonné à l’automne 2022 au profit de celui de la "Solidarité à la source" (voir notre article). Pour réduire le non-recours, "il existe des mesures plus efficaces et plus rapides", soutient le collectif Alerte.
Paul Christophe a annoncé "la tenue d’une réunion plus large au début de l’année 2025" et dit souhaiter "poursuivre un pilotage commun de la mise en œuvre du pacte au niveau territorial", selon le communiqué du ministère.
› La solidarité s’éloigne et l’aide via un contact humain "se réduit comme peau de chagrin", alerte le Secours catholique"Le non-recours est en hausse", observe le Secours catholique dans son dernier rapport sur l’"état de la pauvreté en France en 2024", publié le 14 novembre. Parmi les personnes aidées par l’association (plus d’un million en 2023), la part des "ménages rencontrés qui vivent sans ressources financières" est "toujours plus grande" (25,4% en 2023 contre 15,5% en 2013). Il s’agit le plus souvent de ménages étrangers sans titre de séjour, qui n’ont donc pas le droit à des prestations, mais aussi de personnes qui n’effectuent pas ou plus les démarches pour accéder aux aides auxquelles elles ont droit. "Au sein des ménages français rencontrés par le Secours catholique, le non-recours au RSA a augmenté́ de 10 points en treize ans, passant de 26% en 2010 à 36% en 2023", indique l’association. "La totalité des non-recourants vivent sous le seuil d’extrême pauvreté [40% du revenu médian, soit 850 euros mensuels], contre 81% des allocataires" de prestations sociales, précisent encore les auteurs du rapport. Ces derniers ajoutent que le non-recours au RSA a augmenté de près de 11% en un an dans les 18 départements qui expérimentent la réforme du RSA, "alors que le taux baisse de 0,8 % dans les autres départements". "Qu’il soit le produit d’un renoncement, d’une peur d’être stigmatisé, d’un manque de connaissances ou de difficultés d’accès dans les démarches, le non-recours aux prestations sociales n’est autre que la résultante de l’éloignement de la solidarité", pour le Secours catholique qui met cette année en exergue cet "éloignement de la solidarité". "La dématérialisation a réduit comme peau de chagrin toute possibilité d’aide via un contact humain", déplorent en particulier Didier Duriez et Adélaïde Bertrand, respectivement président et déléguée générale du Secours catholique France. L’association estime que la dématérialisation a accru la solitude des personnes, leurs difficultés à réaliser les démarches, à accéder à de l’aide "humaine" des pouvoirs publics. "Sans surprise, ce sont l’entourage, les voisins, les amis ou les associations, parfois le travailleur social, qui sont sommés de compenser l’éloignement de la solidarité", poursuit l’association, déplorant le renforcement de ce "lien de dépendance entre les demandeurs et leur entourage ou les associations pour ce qui relève de l’accès aux prestations sociales". Le Secours catholique souligne toutefois deux évolutions positives. D’une part, le déploiement des espaces France Services permettrait de contenir, dans certaines communes qui en disposeraient, le non-recours (selon les statistiques de l’association, "30% de non-recours dans les communes rurales à habitat dispersé disposant d’un espace France Services, contre 37% pour celles qui n’en ont pas"). Autre chantier gouvernemental jugé porteur d’espoirs : celui de la "solidarité à la source" qui, s’il "ne sanctionne pas les usagers à chaque erreur de saisie, pourrait mettre le numérique réellement au service des usagers, en facilitant notamment le repérage de personnes en situation de non-recours et leur information sur les prestations auxquelles elles ont droit". |