Pacte des solidarités : le gouvernement mise sur le travail pour réduire la pauvreté
Si les associations saluent quelques mesures d’urgence, notamment sur l’hébergement social et l’aide alimentaire, elles regrettent le manque de réponses "structurelles" pour réduire la pauvreté, et en particulier l’absence de nouvelle revalorisation des minima sociaux. Compilant différentes politiques – service public de la petite enfance, lutte contre le non-recours, dispositifs ciblant les enfants… –, le Pacte des solidarités tant attendu présente peu de nouveautés. Des précisions sont attendues sur les contrats territoriaux. L'Unccas salue une "nette prise en compte des contextes locaux".
Après des mois d’attente, le Pacte des solidarités prenant la suite du précédent plan pluriannuel de prévention et de lutte contre la pauvreté a été présenté le 18 septembre 2023 par la Première ministre aux associations. Aux côtés d’Élisabeth Borne : Aurore Bergé, ministre des Solidarités et des Familles, mais également Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, cinq autres membres du gouvernement (Bérangère Couillard, Carole Grandjean, Patrice Vergriete, Agnès Firmin-Le Bodo et Prisca Thévenot) et Cécile Tagliana, déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté. On notera l’absence d’Olivier Dussopt, ministre du Travail, du Plein Emploi et de l’Insertion, auditionné au même moment par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale sur le projet de loi pour le plein emploi (voir notre article de ce jour).
Un Pacte à 13 à 20 milliards d’euros… selon ce que l’on compte
"Ce pacte est ambitieux : il marque une augmentation de 50% des crédits dédiés à la lutte contre la pauvreté par rapport à la stratégie précédente", a annoncé la cheffe du gouvernement. Il y a cinq ans, 8,5 milliards d’euros avaient été promis pour financer les mesures nouvelles de la "stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté", qui prévoyait notamment de renforcer l’accompagnement vers l'emploi, de fusionner plusieurs prestations sociales – projet depuis abandonné – et de mettre l’accent sur la petite enfance et les jeunes (voir notre article). On en déduit que le budget du nouveau plan pluriannuel avoisine les 13 milliards d’euros, mais Aurore Bergé a parlé, ce 19 septembre sur France 2, de 20 milliards d’euros. Sur ces derniers, la ministre intègre "6 milliards pour le service public de la petite enfance" (SPPE, voir nos articles de juin et de juillet 2023).
Pour le détail des engagements chiffrés, il faudra attendre un descriptif détaillé du Pacte des solidarités tel qu’il avait été réalisé pour le précédent plan (voir notre article). En attendant, on sait que le Pacte comporte quatre "axes prioritaires" – prévention et lutte contre la pauvreté des enfants, retour à l’emploi, accès aux droits, transition écologique et solidaire – et 25 mesures. Parmi ces dernières, on retrouve plusieurs politiques et outils déjà connus : le SPPE, donc, et les dispositifs de soutien à la parentalité, mais aussi le Contrat d'engagement jeune, la mise en œuvre de la solidarité à la source et la lutte contre le non-recours – avec la promesse d’un "renforcement du réseau des accueils sociaux" –, les aides à l’accès aux loisirs et aux vacances avec le Pass Colo (voir notre article).
Quatre objectifs seront poursuivis "dans le cadre des contrats avec les départements et les métropoles" : le renforcement de la lutte contre le décrochage au collège, le "passage à l’échelle de la politique de mobilité solidaire", la "généralisation de la tarification sociale des cantines dans les collèges, en particulier pour les établissements en REP/REP+" et le "déploiement des plateformes de lutte contre la précarité énergétique".
Parmi les mesures nouvelles, on peut citer le renforcement de la médiation sociale pour mieux repérer les enfants non-scolarisés et les "raccrocher" au système, notamment les enfants en hébergement d'urgence – "on va tripler le nombre de médiateurs sociaux qui vont se rendre dans ces hébergements d’urgence", précise Aurore Bergé. Ou encore la mise en œuvre d’"un plan complet de prévention des expulsions locatives". Et également "le soutien financier et technique aux intercommunalités les plus fragiles pour déployer la tarification sociale de l’eau".
Plusieurs mesures concernent l’alimentation : les petits déjeuners gratuits à l’école (reprise d’une mesure qui figurait déjà dans le précédent plan, malgré des objectifs qui peinaient à être atteints, voir notre article), "le développement des cantines à 1 euro avec la mise en place d’un bonus Egalim" et la "montée en puissance du programme ‘Mieux manger pour tous’". Concernant l’aide alimentaire, en plus des annonces récentes d’Aurore Bergé concernant la fin de l’année 2023 (voir notre article), la Première ministre indique qu’"une aide exceptionnelle sera intégrée au projet de loi de finances pour 2024" et que 80 millions d’euros de crédits européens supplémentaires seront débloqués sur quatre ans.
Pour les associations, un manque de mesures structurelles pour réduire la pauvreté
Du côté des territoires, l’Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action sociale (Unccas) a salué sur X (anciennement Twitter) la "nette prise en compte des contextes locaux" et appelle à ce que le réseau des CCAS soit "pleinement associé" à la mise en œuvre du Pacte.
Les Restos du cœur ont salué les mesures d’urgence annoncées, tout en soulignant l’importance de s’attaquer à la "racine", de "lutter contre la reproduction de la pauvreté, et [de] diminuer à terme le recours à l’aide alimentaire". Même réaction mitigée du côté d’Unicef France, qui se satisfait de certaines annonces telles que "la création d’un observatoire de la non-scolarisation" ou "le renforcement de la médiation scolaire"… mais qui fait part de ses "inquiétudes" pour les "enfants les plus vulnérables, tels que ceux sans domicile et en situation de migration, qui devraient bénéficier de mesures complémentaires à celles annoncées dans le Pacte". Unicef France attire également l’attention sur les territoires d’Outre-Mer "où la situation de pauvreté infantile est particulièrement alarmante".
De son côté, le collectif Alerte "accueille favorablement les mesures annoncées dans le secteur alimentaire et le maintien des places d’hébergement" (voir notre article) mais souligne qu’"il n’est pas souhaitable de continuer à accueillir autant de personnes dans ces dispositifs de dernier recours". Les associations du collectif déplorent l’absence de "mesures structurelles" qui permettraient selon elles de "réduire durablement la pauvreté", telles que le relèvement des minima sociaux et "la régularisation administrative des étrangers qui permettrait de soulager des métiers en tension".
L’emploi rémunérateur pour tous, plutôt que de nouvelles revalorisations des minima sociaux
"Les minima sociaux ont été revalorisés de 5,6% en 18 mois pour faire face à l’inflation", a répondu Aurore Bergé ce 19 septembre sur France 2. Les montants engagés dans le Pacte des solidarités doivent être compatibles avec les baisses d’impôts destinées à soutenir les classes moyennes, justifie-t-elle. À la suite de la Première ministre, la ministre des Solidarités et des Familles a défendu notre "modèle social unique", qui "évite chaque année à 5 millions de personnes de tomber dans la pauvreté". L’accent est mis sur l’emploi – pour tous et rémunérateur pour tous –, avec le projet de loi qui est examiné à l’Assemblée nationale cette semaine et la conférence sociale de mi-octobre pour évoquer les salaires des travailleurs les moins bien lotis.