Pacte des solidarités : Catherine Vautrin et les associations font le point

Parmi les avancées soulignées par les associations : l’abandon par le gouvernement du projet de supprimer l’allocation de solidarité spécifique, des promesses de la ministre des Solidarités sur la poursuite du contrat d’engagement jeune au-delà de 2024 ou encore sur le fait de garantir l’inconditionnalité de l’aide alimentaire. À l’issue de leur échange avec Catherine Vautrin, les responsables associatifs restent en attente de données plus précises sur les sanctions exercées dans le cadre de la réforme du RSA et demandent au gouvernement un "cap" plus clair en matière de lutte contre la pauvreté. 

La suppression de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) n’est "plus à l’ordre du jour" du gouvernement, qui "concentre ses efforts sur la réforme de l’assurance chômage", a rapporté Noam Leandri, président du Collectif Alerte, ce 3 juin 2024 devant la presse, à l’issue d’une rencontre entre la ministre de la Santé, du Travail et des Solidarités, Catherine Vautrin, et les associations signataires du Pacte des solidarités. "On se réjouit" de cette nouvelle, car la disparition de cette allocation posait "de graves difficultés" notamment pour les personnes handicapées qui peuvent cumuler allocation adulte handicapé (AAH) et ASS, précise Noam Leandri. Catherine Vautrin a "indiqué qu'au moment où le gouvernement fait la réforme de l'assurance chômage, ce n'est pas un sujet d'actualité immédiat", a confirmé le ministère du Travail contacté par l’AFP. 

Autre sujet abordé lors de cette réunion : les suites du contrat d’engagement jeune (CEJ), dont l’expérimentation s’achèvera fin 2024. La ministre "se bat pour que l’année prochaine il y ait davantage de contrats d’engagement jeune", selon le président du Collectif Alerte, ajoutant que les associations seront attentives à la traduction de cet engagement dans le prochain projet de loi de finances (PLF). "S’il n’y a pas de décision, il n’y aura plus cette allocation pour les jeunes décrocheurs", prévient-il. 

Catherine Vautrin se serait par ailleurs engagée auprès des associations à ce qu’il n’y ait pas de contrôle de police pendant les distributions d’aide alimentaire, notamment pendant la période des jeux olympiques où la présence policière va être renforcée (voir notre encadré ci-dessous).

Transparence et vigilance sur les sanctions liées au RSA 

Enfin, les associations ont témoigné de leurs inquiétudes relatives à la remontée de sanctions plus importantes et plus fréquentes, dont des radiations, à l’égard des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) dans le cadre de France travail. "La ministre s’est engagée à ce que France Travail fasse la totale transparence sur ces cas" et à "s’assurer qu’il n’y ait pas de dérives, du fait que les départements ou les conseillers France travail vont dorénavant avoir la pleine maîtrise des sanctions, ce qui était avant la responsabilité d’une équipe pluridisciplinaire, notamment avec des travailleurs sociaux et avec la capacité pour les bénéficiaires de pouvoir plaider leur cause", explique Noam Leandri. 

Catherine Vautrin "a promis que Monsieur Grivel [directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales, ndlr] allait nous donner des chiffres pour savoir s’il y avait eu beaucoup de radiations ou pas de RSA dans ces territoires" (ceux de l’expérimentation), poursuit Marie-Aleth Grard, présidente d’ATD Quart Monde. "Ils vont vite dans les expérimentations", commente-t-elle, précisant qu’il est déjà question de généraliser l’expérimentation "Territoires zéro non-recours" récemment lancée (voir notre article).  

Quel accompagnement des 1,9 million d’allocataires du RSA qui seront inscrits à France Travail dès 2025 ?

En dehors de ces points, les responsables associatifs soulignent un manque de précision du gouvernement sur la mise en œuvre du Pacte des solidarités et estiment que les moyens sont actuellement insuffisants pour lutter contre une pauvreté en hausse (voir notre article). Concernant l’accompagnement des bénéficiaires du RSA, Daniel Goldberg, président de l’Uniopss, calcule : 1,9 million d’allocataires du RSA qui seront inscrits à France Travail au 1er janvier 2025, avec la généralisation de l’obligation des 15 à 20 heures d’activité nécessaires pour percevoir l’allocation, cela implique au moins 28 millions d’heures d’accompagnement, soit environ 27.000 nouveaux conseillers à embaucher et à former… "Tout ce que l’on entend de la préparation du PLF 2025 ne va pas en ce sens", déplore-t-il. Or, sans accompagnement de ces personnes, "il risque de ne rester que les sanctions", alerte le président de l’Uniopss.  

Dans son communiqué, le ministère des Solidarités indique qu’une enveloppe de 55 millions d’euros est prévue en 2024 pour soutenir l’élargissement de l’expérimentation RSA (49 nouveaux départements, en plus des 18 initiaux). Ces moyens sont "dimensionnés pour de petits territoires", interpelle Daniel Goldberg, rappelant que les départements concernés n’expérimentent pas sur la totalité de leur territoire. 

Renouer avec l’ambition d’éradiquer la grande pauvreté 

Les associations ont aussi évoqué le manque de données relatives à la mise en œuvre de la solidarité à la source : que peut-on en attendre en matière de réduction du non-recours au RSA ? (voir notre article) Le gouvernement précise son calendrier en la matière : "un pré-remplissage automatique des données de ressources des allocataires dans une base nationale unique" sera testé dans cinq CAF à partir d’octobre 2024, "avec une généralisation prévue pour mars 2025". Mais n’évoque pas les éventuelles conséquences budgétaires d’une baisse du non-recours qui pourrait découler de la fiabilisation des déclarations. 

Sur le volet "Transition écologique juste" du Pacte des solidarités, le ministère des Solidarités fait valoir la "cantine à 1 euro" et le programme "Mieux manger pour tous", avec le versement de 3 euros "pour chaque repas servi à un tarif social d’1 euro dans les cantines, montant pouvant aller jusqu’à 4 euros si les communes respectent les critères de la loi Egalim". Regrettant l’abandon du chèque alimentaire, les associations interpellent également le gouvernement sur la mise en œuvre de la tarification sociale de l’eau, qui avait été annoncée en septembre dernier. 

Plus globalement, les associations pointent un manque d’ambition du gouvernement sur le front de la lutte contre la pauvreté et des politiques jugées même défavorables aux plus démunis, en particulier en matière de logement social (voir notre article). Directrice de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), Nathalie Latour regrette la "dialectique" selon laquelle "comme on n’a jamais mis autant de moyens, le débat est clos". Plusieurs responsables associatifs ne digèrent pas non plus des "propos stigmatisants" tenus par certains membres du gouvernement à l’égard des personnes pauvres et/ou au chômage. En attente d’un "cap", Jean Merckaert, directeur du plaidoyer du Secours catholique, demande au président de la République de "renouer" avec l’ambition qu’il avait présentée en septembre 2018 : celle d’"éradiquer la grande pauvreté dans notre pays" (voir notre article). 

› "La promesse d’héritage social positif des Jeux" doit être tenue, pour le collectif associatif "Le revers de la médaille"

Dans un rapport rendu public ce jour, le collectif "Le revers de la médaille" pointe ce qu’il désigne comme une opération de "nettoyage social" à l’approche des jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024. Ces quelque 90 associations et fédérations, parmi lesquelles Médecins du monde, ATD Quart Monde et Emmaüs France, dénoncent une hausse des expulsions de bidonvilles et autres lieux de vie informels en Île-de-France sur la période 2023-2024, une diminution des places en hôtel social, ainsi qu’une "dispersion géographique en dehors de l’Île-de-France" avec des réorientations des personnes exilées en grande précarité majoritairement vers les sas d’accueil temporaire régionaux. Le collectif formule des propositions visant à tenir "la promesse dhéritage social positif des Jeux" : renforcer la prévention des expulsions et la coordination des acteurs autour des personnes précaires, "garantir la continuité de l’ensemble des dispositifs sociaux avant et pendant les Jeux en accompagnant leur adaptation le cas échéant" ou encore créer "20.000 places d’hébergement à l’échelle nationale, dont au moins 7.000 en Île-de-France".