Emploi - Pacte de responsabilité : les contreparties sur l'emploi tardent à se concrétiser
Alors que le nombre de chômeurs de catégorie A a encore augmenté au mois de juin à 3,398 millions, soit 0,3% de plus qu'en mai 2014, d'après les chiffres du ministère du Travail publiés le 25 juillet 2014, le gouvernement mise sur son pacte de responsabilité pour créer des emplois. L'objectif fixé : 200.000 emplois créés en contreparties des 40 milliards d'euros d'allègement de charge et de fiscalité (30 milliards d'allègements du coût du travail, dont 20 milliards d'euros du crédit d'impôt compétitivité emploi, et 10 milliards de réductions d'impôts) destinées aux entreprises.
Pourtant, il y a quelques semaines, une étude de l'Ifrap semait le doute. D'après ce groupe de réflexion libéral, le pacte ne permettrait que de créer entre 60.000 et 80.000 emplois d'ici à 2017, soit trois fois moins que prévu… L'effet récessif du plan d'économies de 50 milliards d'euros serait à l'origine de cette projection plus pessimiste. Le gouvernement conteste quant à lui le lien réalisé par le think tank entre le pacte de responsabilité et le plan d'économies. Il estime ainsi que les économies de fonctionnement qui seront réalisées auront un impact différent sur l'emploi selon qu'elles concernent des investissements, des dépenses ou des prestations…
Quoi qu'il en soit, six mois après le lancement du pacte, force est de constater que les engagements en matière d'emplois de la part des branches professionnelles tardent à se concrétiser. Après le lancement du pacte fin décembre 2013, François Hollande avait insisté, le 21 janvier 2014 lors de ses voeux aux acteurs de l'économie et de l'emploi, sur la nécessité pour les entreprises de s'engager, en contrepartie des avantages offerts, en matière d'emploi. "Le quatrième chantier du pacte*, ce sont les contreparties, avait ainsi affirmé le président de la République, je dirais même qu'elles forment un tout avec le pacte (...) Elles sont le pacte." François Hollande avait exigé des contreparties "claires, précises, mesurables et donc vérifiables".
Les mois ont passé et toujours rien. A l'occasion de la conférence sociale organisée le 7 et 8 juillet, le Premier ministre avait tenté de remobiliser les troupes. "La mobilisation dans les branches n'est pas encore à la hauteur", avait ainsi fait remarquer Manuel Valls.
La chimie, premier secteur à s'engager
Le patronat se veut pourtant rassurant. "On a l'impression que c'est long mais le pacte vient juste de se concrétiser avec le collectif budgétaire, explique-t-on au Medef. Par ailleurs, les chefs d'entreprise ont besoin de visibilité, ils sont prudents. Quand ils vont commencer à voir leurs charges baisser, on va voir des engagements."
Le secteur de la chimie a été le premier à s'engager. L'Union des industries chimiques (UIC) a ainsi signé le premier accord de branche le 17 juillet 2014, dans lequel elle s'engage à procéder à 47.000 embauches de 2015 à 2017 en contrepartie des baisses de prélèvements. L'accord prévoit aussi une hausse de 10% des salariés de moins de 26 ans et l'accueil de 5.000 alternants. Au total, le secteur devrait profiter de 300 millions d'euros d'allègement de prélèvements. Il s'agit de la première manifestation concrète des contreparties exigées dans le cadre du pacte. Seuls deux syndicats (CFDT et CFTC) ont toutefois signé le texte. Les industriels misent sur 15.700 embauches, en CDD ou en CDI, par an sur trois ans, mais la CGT et CFE-CGC estiment que cela correspond aux chiffres des années précédentes.
D'après le Medef, une trentaine de branches travaillent sur des engagements de ce type. "Nous avions demandé plus que ce que propose le pacte, pour créer un électrochoc, mais déjà nous applaudissons la mesure et avons décidé de faire avec", précise le Medef, qui estime cependant que toutes les entreprises ne pourront pas forcément créer des emplois. Certaines profiteront ainsi surtout du pacte pour restaurer leurs marges qui ont été largement amoindries par la crise.
Pour s'assurer que le mouvement prend réellement, le ministre du Travail, François Rebsamen, a signalé récemment qu'une réunion serait organisée à la rentrée, avec les organisations professionnelles, syndicales et patronales, des cinquante plus grandes branches. Objectif : suivre l'état des négociations. Ces branches représentent 75% des salariés. Enfin, la loi de finances rectificative pour 2014, qui a été adoptée le 23 juillet, crée un Observatoire des contreparties qui sera chargé de suivre l'usage fait par les entreprises des allègements de charges et d'impôts consentis dans le cadre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi et du pacte de responsabilité. Un rapport doit être remis sur le sujet par le gouvernement au Parlement le 1er mars 2015.
Emilie Zapalski
* Les trois autres chantiers sont la diminution des prélèvements pesant sur le travail, la fiscalité des entreprises et la simplification.