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Nouveaux seuils de ressources pour les demandeurs de logement social du premier quartile

Un arrêté publié au JO fixe les seuils de ressources des demandeurs de logement social du premier quartile applicables pour les intercommunalités concernées par un mécanisme issu de la loi Egalité et citoyenneté : les EPCI doivent consacrer au moins 25% des attributions annuelles de logements situés en dehors des QPV aux demandeurs relevant du premier quartile de revenus. Un dispositif qui peine à se traduire concrètement.

Un arrêté de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales fixe les seuils de ressources des demandeurs de logement social du premier quartile. Sur plus de vingt pages, le tableau en annexe de cet arrêté fixe le seuil applicable pour une grande partie des intercommunalités de métropole et d'outre-mer. Il s'agit en l'occurrence de la seconde année de mise en œuvre d'une disposition issue de l'article 70 de la loi Egalite et citoyenneté du 27 janvier 2017 (voir notre article ci-dessous du 28 avril 2017).

25% des attributions de logements sociaux aux 25% de ménages du premier quartile

Celle-ci impose à chaque EPCI concerné par la réforme des attributions de logements HLM (les EPCI étant désormais chefs de file en la matière) de consacrer au moins 25% des attributions annuelles effectives de logements situés en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) aux demandeurs relevant du premier quartile de revenus (ainsi qu'à des ménages relogés dans le cadre d'une opération de renouvellement urbain). L'objectif est à la fois de faciliter l'accès au logement social des ménages à très faibles revenus et d'éviter la concentration de ces derniers dans les seuls QPV.

Cette obligation s'impose à la très grande majorité des EPCI, qui concentrent l'essentiel de la demande de logement social. En pratique, elle s'impose à tout EPCI qui est soit tenu d'élaborer un plan local de l'habitat (que le PLH soit approuvé ou non), soit exerce la compétence habitat et compte au moins un QPV sur son territoire. Dans les Hauts-de-France, par exemple, cette définition correspond à 38 EPCI représentant 90% des demandes et des attributions de logements sociaux de la région. Si la loi fait des EPCI les chefs de file en la matière, l'obligation d'attribuer 25% des logements HLM hors QPV aux ménages les plus modestes s'impose en revanche à tous les acteurs du logement social : bailleurs sociaux, mais aussi État, EPCI, communes et Action logement.

L'originalité du dispositif – et aussi sa complexité – est que chaque EPCI concerné dispose de son propre seuil de ressources pour le premier quartile – ce qui est logique compte tenu des écarts de revenus selon les territoires – mais aussi et surtout que ces seuils de revenus ne sont pas issus des données de l'administration des finances publiques ou de l'Insee, mais font l'objet d'un calcul spécifique.

Un mécanisme sur mesure

Les revenus pris en compte sont en effet ceux des seuls demandeurs d'un logement social et non pas ceux de l'ensemble de la population de l'EPCI. En pratique, est pris en compte la moyenne des revenus mensuels de tous les ménages demandeurs d'un logement HLM – tels que déclarés par les intéressés dans la DLS (demande de logement social) –, multipliés par 12 et divisés par le nombre d'unités de consommation (UC) du ménage. Ce calcul permet de répartir les ménages en quatre quartiles, le seuil fixé par l'arrêté correspondant, pour chaque EPCI concerné, au plafond des revenus des ménages du premier quartile. Les seuils fixés par l'arrêté de la ministre de la Cohésion des territoires ne font que reprendre les seuils fixés par chaque préfet de département à l'issue de ce calcul.

Ce mécanisme connaît bien sûr une exception : l'Ile-de-France, pour laquelle on considère – de façon discutable – que la recherche de logement se fait à l'échelle de la région. L'Ile-de-France affiche donc un seuil de ressources unique du premier quartile pour l'ensemble de la région, fixé tout aussi arbitrairement à 10.000 euros.

Des écarts importants selon la richesse des territoires

Sur le reste du territoire, l'arrêté du 15 juin fait apparaître des seuils très variables, en fonction des revenus des demandeurs de logement social. Le seuil de revenu du premier décile va ainsi de 5.844 euros pour la communauté de communes (CC) Sarrebourg Moselle Sud à 11.639 euros pour la CC de l'Est Lyonnais (Rhône). Outre-mer, les écarts sont beaucoup plus resserrés, allant de 5.904 euros pour la communauté d'agglomération (CA) la Riviera du Levant (Guadeloupe) à 6.738 euros pour la CA du Centre de la Martinique.

Autre caractéristique de ce dispositif : compte tenu de la base relativement étroite (sauf dans les métropoles et les grandes CA), le seuil de ressources évolue d'une année sur l'autre, en plus ou en moins, comme le montre la comparaison avec le précédent – et premier – arrêté du 13 juin 2019 (voir notre article ci-dessous du 24 juin 2019). Pour s'en tenir aux seul premiers de la liste alphabétique par département, le seuil pour la CA du Bassin de Bourg-en-Bresse (Ain) passe ainsi de 9.108 euros en 2019 à 8.861 euros en 2020 (-2,7%), tandis que le seuil pour la CA du Pays de Gex (Ain) passe de 9.984 à 10.260 euros (+2,8%). Certaines évolutions sont encore plus prononcées, comme celle du seuil de la CA Bugey Sud (Ain), qui passe sur la période de 9.313 à 8.788 euros (-5,6%).

Tout ça pour quoi ?

Reste une question, soulevée dans le tout récent rapport inter-associatif sur "Les difficultés d'accès au parc social des ménages à faibles ressources", publié en partenariat avec l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) et le Lab'Urba (voir notre article ci-dessous du 15 juin 2020).

L'étude constate en effet que l'objectif législatif posé par l'article 70 de la loi Égalité et citoyenneté du 27 janvier 2017 "n'est pas atteint". Le quota de 25% des attributions hors QPV aux ménages du premier quartile est "peu respecté" et "ne parvient pas ou très peu à modifier les pratiques d'attribution". Selon les bailleurs sociaux, cette difficulté d'application de l'objectif légal de 25% d'attributions de logement aux ménages du premier quartile de revenus serait liée "à la structure de leur parc et au manque d'offre accessible pour ces ménages en dehors des QPV et QVA" (quartiers de veille active).

Même si cet objectif de 25% d'attributions hors QPV aux ménages du premier quartile n'est pas atteint actuellement, l'étude estime cependant qu'il "est loin d'être inaccessible". Sur les 83.500 attributions annuelles dans les treize métropoles (moyenne 2017-2018), le déficit d'attribution n'est en effet que de 4.400 logements, soit environ 5% des attributions. Et Paris représente à elle seule le quart de ce déficit.

Références : arrêté du 15 juin 2020 fixant le seuil de ressources des demandeurs de logement social du premier quartile (Journal officiel du 30 juin 2020).