Commande publique - Nouveau Code des marchés publics : les variantes varieront-elles ?
En cette rentrée 2011, les acheteurs publics ont une nouvelle version du Code des marchés publics sur leur bureau (voir nos articles ci-contre). Comme toujours, il y a des contents... et des mécontents. Mais il est indéniable qu'un point fait polémique 15 jours après la publication du décret 2011-1000 du 25 août 2011, la question des variantes. Chacun sait désormais que l'article 16 du décret a modifié l'alinéa III de l'article 50 du Code et supprimé la phrase suivante : "Les variantes sont proposées avec l'offre de base."
Dans sa fiche explicative, la direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère de l'Economie propose une exégèse de cette modification : "Le texte ouvre la possibilité de présenter une offre variante sans que celle-ci accompagne nécessairement une offre de base (art. 16). Cette mesure a été retenue dans le cadre des Assises de la simplification en vue de favoriser l'accès des entreprises innovantes aux marchés publics. En effet, celles-ci n'ont pas nécessairement la capacité de proposer une offre de base, alors qu'elles peuvent proposer des solutions alternatives tout autant adaptées aux besoins de l'acheteur." Si cette modification a d'abord vocation à faciliter la vie aux entreprises, les acheteurs ne vont-ils pas voir leur travail complexifié par la nécessité de rejeter de nombreuses offres inappropriées puisque ne répondant pas à leurs besoins réels ? De plus, comment comparer des offres dissemblables par nature ?
Davantage d'offres copiées-collées ?
Interrogé sur ces difficultés de mise en oeuvre, Philippe Cappele, en charge de la commande publique au Muséum national d'histoire naturelle, souligne que si cette proposition de permettre les variantes sans l'offre de base est "intellectuellement séduisante, elle semble en revanche inopérante concrètement". En effet, les acheteurs public risquent de rencontrer trois difficultés selon lui. Premièrement, il va falloir limiter le nombre de variantes sous peine de devoir étudier toutes les propositions faites. Deuxièmement, la comparaison d'offres selon des critères précis et définis à l'avance mais qui s'appliqueront à des candidatures et propositions totalement disparates pourrait se révéler acrobatique. Enfin, il est possible que soient déposées des offres insuffisamment adaptées aux besoins de l'institution et reprises de précédentes propositions. Ou comment encourager l'offre "copiée-collée"... Il est déjà souvent difficile, poursuit Philippe Cappele, pour de nombreuses administrations, d'avoir les capacités techniques pour analyser et mesurer ce qu'est une bonne réponse à leur demande. Il n'est donc pas exclu que par manque de temps et de moyens humains, cette nouvelle disposition du Code ait pour conséquence indirecte de conduire certains à prendre une mesure simple et radicale : refuser toute variante. Ce qui n'était pas exactement le but recherché ...
Ce que ne change pas l'article 16 du décret
Le décret n°2011-1000 du 25 août 2011 ne modifie pas les conditions de recevabilité des variantes proposées par les candidats à un marché public. Dans les procédures formalisées, régies par le droit communautaire, les variantes doivent être expressément autorisées par le pouvoir adjudicateur. A défaut d'autorisation expresse, elles sont interdites. En revanche, dans les marchés à procédure adaptée, régies par le droit national, les variantes sont, en principe, autorisées, sauf si le pouvoir adjudicateur les interdit expressément dans l'avis d'appel public à la concurrence (AAPC) ou les documents de la consultation. Cette solution a été consacrée depuis 2006 et la transposition dans le code des marchés publics, des dispositions de l'article 24 de la directive n° 2004/18/CE.
Dans le cadre d'une procédure formalisée, le pouvoir adjudicateur ne doit pas omettre de mentionner dans les documents de la consultation les exigences minimales que les variantes sont censées respecter, ainsi que les modalités de leur présentation notamment les éléments sur lesquels elles peuvent porter ou les éléments du cahier des charges qu'elles doivent respecter.
Si dans les procédures adaptées, la mention des exigences minimales que les variantes doivent respecter n'est pas obligatoire, elles sont néanmoins préférables afin de faciliter la comparaison des offres. Il s'agira donc de définir les éléments sur lesquels les variantes peuvent porter, ou bien de préciser les éléments du cahier des charges, qu'elles doivent nécessairement respecter. Les critères ainsi définis s'appliqueront indifféremment à l'offre de base et aux variantes.
Il faut également noter que si le pouvoir adjudicateur décide de limiter le nombre de variantes autorisées, le dépôt d'un nombre supérieur rend ipso facto toutes les variantes irrégulières, sans même procéder à leur examen.