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Développement des territoires - Notaires : vers une liberté d'installation encadrée

Avec le décret n°2016-216 du 26 février 2016, le principe de liberté d'installation encadrée des notaires, prévu dans la loi Macron du 6 août 2015, devient réalité. La carte des zones ouvertes à l'installation sera publiée par l'Autorité de la concurrence et les premières demandes faites avant l'été. Les notaires espèrent que cette carte ne va pas mettre à mal leur maillage territorial qu'ils estiment très bon.

La loi Macron du 6 août 2015 prévoit de nouvelles règles d'installation des notaires. Soumises, jusqu'à maintenant, à des conditions, dont notamment la limitation du nombre de professionnels présents au sein d'un territoire donné (le numerus clausus), les installations de notaires vont pouvoir être libres dans les régions où "l'implantation d'offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l'offre de service de ces professions," comme l'indique le décret n° 2016-216 du 26 février 2016. Ce texte, publié au Journal officiel le 28 février, précise les modalités d'établissement de la carte des zones qui seront ouvertes à l'installation. Parmi les critères permettant d'évaluer le niveau et les perspectives d'évolution de l'offre de service : le nombre et la localisation des offices installés, le chiffre d'affaires global de ces offices et celui réalisé par chacun d'entre eux sur les cinq dernières années, le nombre de professionnels nommés dans ces offices (titulaires, associés, salariés), le nombre et la localisation des offices vacants et l'âge des professionnels en exercice. D'autres critères permettent d'évaluer le niveau et les perspectives d'évolution de la demande : les caractéristiques démographiques et leur évolution, les évolutions de la situation économique ayant une incidence directe sur l'activité des professionnels, et, plus particulièrement pour les notaires, l'évolution des marchés immobiliers et fonciers et du nombre de mariages et de décès.
Pour le gouvernement, ces nouvelles dispositions doivent permettre de supprimer le numerus clausus et les restrictions d'installation qui créent un déséquilibre territorial. D'après les données du ministère de l'Economie, on compte 89 notaires pour 1,5 million d'habitants (soit un notaire pour 17.000 habitants) dans le département de Seine-Saint-Denis contre 60 notaires pour 275.000 habitants (soit un notaire pour 4.500 habitants) dans un département rural comme celui de l'Aveyron. La carte des zones qui seront ouvertes à l'installation sera publiée par l'Autorité de la concurrence. Et "les premières demandes devraient être faites avant l'été", indique le communiqué du 28 février de Jean-Jacques Urvoas, ministre de la Justice et Emmanuel Macron, ministre de l'Economie, qui se félicitent de l'entrée en vigueur de ce plan important de la réforme des professions réglementées du droit.

Près de 6.000 points de réception

Pour le Conseil supérieur du notariat, "le maillage territorial actuel des notaires est très bon ; il s'agit du plus fort en France, il y a des notaires absolument partout". Au 1er janvier 2016, d'après les données du Conseil, la France compte 9.802 notaires sur l'ensemble du territoire national, avec plus de 49.000 salariés, dans 5.906 points de réception de la clientèle (4.570 offices et 1.336 bureaux annexes). La carte présentée sur le site du Conseil montre en effet une répartition assez homogène sur tout le territoire grâce à ces offices et bureaux annexes. Ce maillage territorial permet aux notaires d'accueillir 20 millions de personnes chaque année et d'établir plus de 3,8 millions d'actes authentiques et plus de 320.000 déclarations de succession. Plus de 50% de leur activité est dédiée à l'immobilier, aux ventes/constructions et baux, plus de 31% à des actes de famille et de succession et 10% à des actes de crédit. Une mission de service public chère aux collectivités territoriales. En 2013, une enquête commandée par la Caisse des Dépôts à l'institut Harris Interactive a permis de montrer la valeur ajoutée des notaires du point de vue des décideurs publics locaux et de confirmer la reconnaissance du notaire comme premier réseau de proximité de conseil aux collectivités locales. "Nous espérons que la carte ne va pas mettre à mal ce maillage qui est très bon", souligne le Conseil supérieur du notariat.
Autre changement pour la profession : la baisse des prix. D'après le décret n° 2016-230 et l'arrêté correspondant, publiés le 28 février, de nouveaux barèmes de prix seront appliqués à partir de début mai,  et devront être révisés en 2018. Les notaires pourront accorder des remises allant jusqu'à 10% de leurs frais, pour les transactions immobilières d'un montant supérieur à 150.000 euros. "La remise n'est pas obligatoire et n'atteindra pas forcément 10%, précise le Conseil supérieur du notariat, et elle se fera sur la fraction supérieure à 150.000 euros, soit par exemple sur 50.000 euros pour un bien de 200.000 euros." Une baisse qui aura un impact sur le chiffre d'affaires des notaires, mais qui sera peu sensible pour les particuliers, les droits de mutation ayant dans le même temps augmenté.
Enfin, la loi prévoit un plafonnement pour les petites transactions immobilières (de quelques milliers d'euros) à 10% de la valeur des biens, avec un tarif minimum de 90 euros. "Un vrai risque pour les petites études qui réalisent déjà des actes à perte", prévient le Conseil. Mais pour les ministres, ce principe "facilitera, en particulier dans les zones rurales, les petites transactions immobilières aujourd'hui souvent affectées par des tarifs prohibitifs au regard de la valeur du bien".

Emilie Zapalski

Références : décret n°2016-216 du 26 février 2016 relatif à l'établissement de la carte instituée au I de l'article 52 de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ; décret n°2016-230 du 26 février 2016 relatif aux tarifs de certains professionnels du droit et au fonds interprofessionnel de l'accès au droit et à la justice ; arrêté du 16 février fixant les tarifs réglementés des notaires.