Nature en ville : un citadin sur deux n’a pas accès à un espace vert public de proximité
La moitié des habitants des grands centres urbains de France n'ont pas accès à un espace vert public à moins de cinq minutes de marche de leur domicile, selon une étude publiée ce 16 avril par l'Insee en partenariat avec le service des données et études statistiques des ministères de l’Aménagement du territoire et de la Transition écologique. Les villes les plus denses et les plus peuplées sont souvent celles qui proposent le plus de parcs et jardins de proximité.

© Adobe stock/ Parc Darcy à Dijon
Les citadins en quête de chlorophylle n’ont pas toujours de quoi assouvir leur soif de verdure à proximité immédiate de leur domicile, révèle une étude inédite publiée ce 16 avril par l'Insee en partenariat avec le service des données et études statistiques (Sdes) des ministères de l’Aménagement du territoire et de la Transition écologique.
Les métropoles les plus peuplées (200.000 habitants et plus) offrent dans leur ensemble la meilleure proximité des squares, parcs et jardins, selon cette analyse couvrant les 72 grands centres urbains de France métropolitaine, soit 770 communes et 26 millions d'habitants. Mais cet accès est fortement influencé par la morphologie du territoire, la couverture et la disponibilité des espaces verts variant selon l’aménagement urbain, les spécificités géographiques et la densité de population, souligne l’étude, qui s'appuie sur la cartographie d'OpenStreetMap et les données géographiques de l'IGN. Ainsi, "la part de forêts publiques tend à diminuer à mesure que la population et la densité augmentent, alors que les villes plus densément peuplées concentrent davantage de parcs et jardins, généralement plus accessibles à pied", relèvent ses auteurs.
Différences territoriales marquées
En moyenne, un habitant sur deux des grands centres urbains dispose d’un espace vert public à moins de cinq minutes de marche de chez lui, soit à moins de 300 mètres. Mais la possibilité d’accéder à des espaces verts de proximité n’est pas la même partout, souligne l’étude. À La Seyne-sur-Mer, dans le Var, par exemple, 12% de la population seulement peut s’y rendre en moins de cinq minutes de marche, notamment du fait de la topographie de la ville, avec sa bordure littorale. À l’inverse, 75% des habitants de Creil, dans l’Oise, vivent à proximité d’un espace vert, la ville étant entourée de forêts.
La part des habitants vivant à moins de cinq minutes de marche d’un espace vert d'au moins 1.000 m2 est plus élevée dans les grands centres urbains les plus peuplés (200.000 habitants ou plus) : elle s’élève à 60% à Paris et 49% dans les autres plus grandes agglomérations, contre 34% dans les grands centres urbains moins peuplés et moins denses, détaille l'Insee.
Dans un rayon de 900 mètres (quinze minutes à pied), trois habitants sur quatre ont accès à un espace vert mais là encore, l’étude relève des différences marquées selon les territoires. Par exemple, à Quimper, Nîmes ou Bourges, moins de quatre habitants sur dix atteignent un espace vert en marchant jusqu’à quinze minutes alors qu’à l’inverse, c’est le cas de neuf habitants sur dix à Dijon, Grenoble ou Reims.
Un choix d'espaces verts souvent limité
À proximité immédiate de chez eux, la majorité des citadins n’ont pas ou ont peu de choix dans les espaces qu’ils peuvent fréquenter. À moins de cinq minutes à pied, 48% d’entre eux n’ont accès à aucun espace vert, 35% à un seul et 17 % à au moins deux espaces. En marchant plus longtemps, leur choix s’élargit. Mais même en marchant quinze minutes, dans la moitié des grands centres urbains, 71% des habitants n’ont accès qu’à un seul, voire à aucun espace vert.
La grande majorité des espaces verts accessibles à pied sont des parcs et jardins - 29% des citadins disposent d’espaces d’au moins 1 hectare à moins de cinq minutes de marche. C’est en s’éloignant du domicile, à quinze minutes de marche, que la taille des espaces accessibles augmente. 32% de la population peut ainsi profiter de 10 hectares ou plus. Cette part monte même jusqu’à 52% dans certaines villes comme Melun ou Saint-Étienne. Mais à l’inverse, les habitants de Bourges n’ont accès à aucun parc ou forêt public de 10 hectares à moins d’un quart d’heure de chez eux.
En outre, seuls quatre habitants sur dix ont accès à un espace vert public d’une taille d’au moins 0,5 hectare, à moins de 300 mètres de leur domicile alors que l’OMS préconise que les citadins puissent disposer d’espaces verts publics de cette taille à moins de cinq minutes à pied de chez eux.
Forêts publiques : 7% de la superficie des zones urbaines
Dans les 72 grands centres urbains étudiés, les forêts publiques occupent, en moyenne, 7% de la superficie des zones urbaines, avec toutefois de fortes disparités territoriales. Une ville comme Fréjus, avec la présence du massif de l’Estérel, se distingue par une couverture de 43% alors que vingt grands centres urbains sont dépourvus de forêt publique. De surcroît, dans ces derniers, l’emprise au sol des espaces verts ne dépasse pas 5%.
69% des espaces verts publics sont des forêts. Cette proportion grimpe à 92% dans les centres urbains de moins de 200.000 habitants et tend à diminuer à mesure que la population et la densité augmentent. "L’éloignement des forêts publiques des centres-villes limite cependant leur accès pour une partie des habitants, soulignent les auteurs de l’étude. En effet, seuls 1,6% des habitants ont accès à moins de 300 mètres à une forêt publique et 3,5% à moins de 900 mètres".
Rôle des politiques d'aménagement urbain
Même si leur présence est modeste, les parcs et jardins jouent un rôle "stratégique" pour rapprocher la nature des citadins, insistent-ils. Les parcs de plus de 10 hectares contribuent aux deux tiers de la superficie des espaces verts en ville et se trouvent principalement dans les grands centres urbains les plus denses comme à Paris où ils représentent 76% de l’emprise totale des parcs. Ils sont par contre inexistants dans 9 des 48 centres urbains de moins de 200.000 habitants où on les trouve le plus souvent en périphérie. Dans ces villes, l’accès à pied aux espaces verts repose donc essentiellement sur des aménagements plus modestes, tels que les squares et petits parcs, fruits des politiques d’aménagement urbain, notent les auteurs de l’étude.
Les parcs de 1 à 10 hectares occupent 26% de la surface totale des espaces verts, et les squares et jardins de moins de 1 hectare, 8%. Paris, comme de nombreux grands centres urbains de 200.000 habitants ou plus, se distingue par une forte couverture et un accès élevé de la population aux parcs et jardins mais Dijon n’a rien à envier à la capitale : les parcs de la ville couvrent 7% de sa superficie et 71% de ses habitants y ont accès à moins de cinq minutes de leur domicile.
Dans les grands centres urbains les moins peuplés, la couverture en parcs et jardins est plus faible, souvent associée à un accès à pied limité. Par exemple, à Quimper, la présence du fleuve de l’Odet a naturellement orienté le développement urbain vers l’aménagement des quais plutôt que vers la création de parcs et jardins, observent les auteurs de l’étude.
12 mètres carrés de parcs et jardins publics par habitant, en moyenne
Dans l’ensemble des grands centres urbains, les habitants bénéficient en moyenne de 26 m² de forêts publiques par habitant. Si plus des deux tiers des villes se situent en dessous de ce seuil pour les forêts urbaines, d’autres sortent nettement du lot. C’est par exemple le cas de Valenciennes qui dispose de 192 m² d’espaces forestiers par habitant, la forêt de Raismes-Saint-Amand-Wallers couvrant environ 25 % de la surface de la ville.
La surface de parcs et jardins publics dans l’ensemble des grands centres urbains étudiés est de 12 m² par habitant mais une zone urbaine sur deux n’atteint pas ce seuil, comme Marseille qui ne compte que 5 m² par habitant. Mais exception faite de la cité phocéenne, les grands centres urbains les plus peuplés et les plus denses proposent des surfaces de parcs et jardins publics plus élevées, comme à Bordeaux (29 m² par habitant), Orléans (22 m²) ou Nantes (16 m²).
Ramener la nature en ville constitue un "enjeu majeur des politiques publiques", rappelle enfin l’étude qui souligne le "rôle clé" des collectivités locales en la matière. Certaines mettent d’ailleurs en oeuvre la règle du "3-30-300", selon laquelle chaque habitant doit voir au moins trois arbres depuis sa fenêtre, dans un quartier avec 30% de canopée et habiter à moins de 300 mètres d'un espace vert.