Nature en ville : 22.000 vies sauvées en 2023 grâce aux espaces verts, selon une étude
Les espaces de nature en ville ont permis d'éviter 275.000 pathologies et sauvé 22.000 vies en 2023, soit 60 vies par jour, affirme une étude du cabinet Asterès dont les résultats ont été dévoilés ce 5 juin par l'Union nationale des entreprises du paysage (Unep).
S'il est courant de parler des méfaits de la pollution de l'air sur la santé des citadins, il l'est moins de dresser un bilan chiffré des bienfaits sanitaires et environnementaux des espaces verts urbains. C'est à cet exercice que s'est livré le cabinet Asterès dans une étude dont les résultats ont été dévoilés ce 5 juin par l'Union nationale des entreprises du paysage (Unep). Fondée sur les données de 72 zones urbaines, l'étude montre d'abord que le taux de couverture des espaces verts en ville n'est que de 34%, ce qui classe la France parmi les mauvais élèves européens, la moyenne se situant à 44%. Les pays les plus vertueux – Finlande, Croatie ou Espagne – atteignent ainsi des taux supérieurs à 60%. La surface moyenne d'espaces verts par habitant dans les zones urbaines françaises n'est que de 96 m2, soit la moitié d'un court de tennis.
275.000 pathologies ou traitements évités
Malgré un taux de couverture encore relativement faible par rapport à d'autres pays européens, les effets sur la santé sont avérés, soutient l'étude qui estime que plus de 275.000 pathologies ou traitements ont été évités en France en 2023 grâce aux espaces verts urbains. "Chez les séniors, 130.000 cas de diabète de type 2 ont été évités, soit 6% de la prévalence chez cette catégorie d’âge, détaille-t-elle. Chez les moins de 65 ans, les espaces verts ont prévenu 95.000 prescriptions d’anti-dépresseurs, soit 8% des traitements au sein de cette catégorie d’âge." "Pour l’ensemble de la population, les espaces verts ont évité 22.000 décès l’année dernière, soit une moyenne de 60 décès par jour, représentant 3% des décès toutes causes", ajoute-t-elle.
L’étude montre également les effets des espaces verts sur la qualité de l’air en ville. En France, les arbres urbains ont stocké plus de 20 millions de tonnes de CO₂ en 2023, soit l'équivalent de plus de deux fois les émissions annuelles de CO₂ du secteur résidentiel en France, indique-t-elle. Par ailleurs, ils ont absorbé environ 11.000 tonnes de polluants atmosphériques, prévenant plus de 1.500 cas d’asthme infantile. Cette absorption concerne principalement de l’ozone (7.200 tonnes), du dioxyde d’azote (1.800 tonnes) et des particules en suspension (1.500 tonnes).
Les espaces verts permettent aussi de mieux supporter les périodes de forte chaleur estivale, en régulant les températures dans les zones urbaines. Ils ont ainsi réduit la température des villes de 1,4°C en moyenne pendant l’été 2023, évitant 370 décès et plus de 800 passages à l’hôpital, selon l'étude. 684 journées anormalement chaudes ont été évitées en cumul pour toutes les villes, soit 9 journées par ville en moyenne.
0,7 euro de valeur sanitaire et environnementale pour la collectivité pour chaque euro dépensé
Asterès estime aussi que ces bienfaits environnementaux et sanitaires ont un impact économique conséquent. Selon le cabinet, la valeur créée par les espaces verts représentait 2,3 milliards d’euros l’année dernière, soit 33,82 euros par habitant. "Pour des dépenses dans les espaces verts estimées à 3,3 milliards d’euros, cela signifie que chaque euro dépensé dans les espaces verts génère 0,7 euro de valeur sanitaire et environnementale pour la collectivité", indique-t-il. Cette estimation comprend 1.800 millions d’euros correspondant aux effets du dérèglement climatique empêchés via la séquestration de CO₂, sur la base d’un coût de 95 euros par tonne de CO₂, précise-t-il. Les espaces verts permettent par ailleurs d’économiser 525 millions d’euros en frais de santé et pertes de production évitées.
"L’étude met en évidence un décalage entre ceux qui financent les espaces verts et ceux qui en bénéficient : 76% de la valeur créée par les espaces verts est créée à l’étranger via l’atténuation du changement climatique, alors même qu’ils sont financés par des acteurs locaux, et 23% profite aux acteurs de la santé, alors qu’ils ne contribuent pas beaucoup à leur financement, analyse Nicolas Bouzou, directeur d'Asterès. À l’inverse, les municipalités, ménages et copropriétés financent majoritairement les espaces verts sans en être les principaux bénéficiaires." "Si ce décalage est typique des biens créant des externalités positives, il est toutefois intéressant de réfléchir à des incitations pour intégrer la valeur des services sanitaires et environnementaux des espaces verts, estime-t-il. Ces incitations devraient viser non seulement les acteurs publics, mais aussi les entreprises et ménages, afin de mobiliser les terrains privés."
Un potentiel de végétalisation à mieux exploiter
"Ces effets pourraient être encore plus conséquents, si le potentiel de végétalisation des villes était pleinement exploité", soutient encore l'étude. En analysant la relation entre la surface d’infrastructures vertes, la surface totale de la ville et sa population, Asterès a constaté que sur 72 villes, 43 présentaient des surfaces d’espaces verts faibles. En ramenant la surface d’espaces verts dans ces villes à la moyenne, ces villes pourraient empêcher 24.400 événements de santé indésirables supplémentaires, capter 3 millions de tonnes de carbone en plus, tout en réduisant leurs températures locales de 0,2°C.
"Cela permettrait par ailleurs d’augmenter la surface des espaces verts de 14% sur l’ensemble du territoire, avec des impacts très concrets : sauver 2.100 vies supplémentaires, soit plus de 5 vies par jour, et éviter 17.200 cas de pathologies chroniques et 5.000 traitements anti-dépresseurs, tout en économisant 313 millions d’euros supplémentaires pour la collectivité", conclut-elle.